Revue de presse

Réflexions électorales

Élections fédérales du 14 octobre 2008

Personne ne sera surpris d'apprendre que les commentateurs n'en avaient que pour les scénarios électoraux et le coup de poker du premier ministre Stephen Harper. Son pari ne lui attire pas beaucoup de faveurs.
Le Toronto Star trouve intéressés et trompeurs les arguments offerts par le chef conservateur pour justifier le fait de contourner sa loi sur les élections à date fixe. Le quotidien avertit qu'il «risque ainsi de miner la réputation d'homme qui joue franc jeu qu'il a soigneusement entretenue». Le Star cherche les preuves d'un Parlement incapable de fonctionner. «Ce qui se passe vraiment n'a rien à voir avec un Parlement dysfonctionnel mais avec un Parlement qui fonctionne trop bien au goût du premier ministre et qui fait son travail en lui demandant des comptes», en particulier en comités.
Le Calgary Herald compare la stratégie de Harper à un jeu de pile ou face, car personne à l'extérieur des partis politiques ne tient à avoir des élections en ce moment. Après tout, le chef conservateur a fait adopter une loi sur les élections à date fixe. Il disait en décembre dernier que, dans les circonstances, la session parlementaire avait été fructueuse et affirmait cette semaine que le prochain gouvernement serait encore minoritaire. Pourquoi des élections alors? Le Herald risque deux réponses. Ou Harper bluffe ou, comme le dit son ancien chef de cabinet Tom Flanagan, il ne cherche qu'à affaiblir encore plus les libéraux pour faire du PC le parti traditionnel du pouvoir. Le Herald prévient cependant qu'advenant que les électeurs trouvent la manoeuvre trop cynique, ils pourraient décider de bouder les urnes ou de soutenir Dion.
Selon le Globe and Mail, la supposée crise parlementaire dont se sert Harper pour justifier un éventuel appel aux urnes est totalement fabriquée par le premier intéressé puisqu'il ne peut citer un seul exemple où le Parlement a défait une pièce de résistance de son gouvernement. Et c'est seulement une telle défaite qui pourrait justifier de dissoudre le Parlement, dit le Globe. Andrew Dreschel, du Hamilton Spectator, parle d'hypocrisie. Selon le Times Colonist, de Victoria, rien ne justifie des élections et de renier une loi qui devait protéger les Canadiens contre «des élections inutiles déclenchées par des premiers ministres opportunistes».
Qu'on en finisse
Randall Denley, du Ottawa Citizen, invite Harper à déclencher les élections, si tel est son souhait, mais qu'il cesse de se plaindre du refus des partis d'opposition de jouer son jeu. «Pour un gars au style de leadership qui rappelle un bon vieil homme fort du Tiers-Monde, le premier ministre Stephen Harper apparaît ridiculement faible» avec ses tentatives de provocation. Selon Denley, Harper veut parfois être si malin qu'il se piège lui-même, ce qui s'est produit avec sa loi sur les élections à date fixe. Il y a vu un truc facile pour donner l'illusion de réforme, dit le chroniqueur, mais il se retrouve aujourd'hui incapable de manipuler le calendrier électoral à son avantage sans que tout le monde en prenne note.
Margaret Wente, du Globe and Mail, en a assez de cet «effeuillage» politique de Harper. S'il veut des élections, qu'il les déclenche. Wente n'est toutefois pas enthousiaste. «Nous avons un gars mesquin au charme d'un marteau qui fait face à un homme qui semble assez perdu pour que son propre parti espère sa défaite. La meilleure raison de voter pour le deuxième gars, cependant, est qu'il n'est pas le premier, et c'est une puissante raison», écrit-elle avant de se lancer dans un réquisitoire contre Harper. Elle qui croyait avoir affaire à un homme de principe constate «qu'il n'est qu'un autre politicien prompt à la basse flatterie». Sa politique économique se limite à réduire la TPS et à «offrir des crédits d'impôt aux parents qui achètent des bâtons de hockey». Sa vision en matière de justice se limite à faire le dur alors que la criminalité diminue. Elle continue ainsi pour noter, un peu découragée, que, face à Harper, Dion a l'air d'un «chaton». Mais tant pis, qu'on en finisse, dit-elle.
Les imprévus
Un ancien premier ministre britannique, à qui quelqu'un demandait ce qui pouvait faire dérailler la stratégie d'un gouvernement, avait répondu: «Les événements, mon cher garçon, les événements.» James Travers, du Toronto Star, pense que Harper devrait s'en souvenir au moment où il veut déclencher des élections. Il ne pourra tout contrôler. Travers rappelle que la longue période d'incubation de la listériose et les questions répétées sur le système d'inspection des aliments pourraient détourner l'attention du thème du leadership que Harper cherche à imposer. Et que dire de l'économie et de l'Afghanistan...
Le Halifax Chronicle-Herald note que l'incertitude des Canadiens en ce moment n'a rien à voir avec la boîte de scrutin, mais bien avec ce qui se retrouve dans leur boîte à lunch. «En d'autres mots, la fièvre électorale qui obsède le premier ministre montre une grossière déconnection par rapport à cette question de vie et de mort qu'est la contamination à la listériose. [...] Cette dernière devrait pourtant retenir toute l'attention du gouvernement.» La meilleure façon d'exiger des comptes du gouvernement sur ce sujet est au Parlement, dit le Herald.
Barbara Yaffe, du Vancouver Sun, pense que, malgré ses prétentions, le gouvernement Harper apparaît de plus en plus vulnérable sur le front économique. Il a affiché un déficit pour les deux premiers mois de l'année financière en cours et un ralentissement économique pourrait encore affecter ses revenus. Le secteur manufacturier perd des emplois, l'inflation a atteint un sommet en cinq ans. Des facteurs extérieurs sont à blâmer, dit-elle, mais les conservateurs doivent assumer la responsabilité de la hausse importante des dépenses depuis qu'ils sont au pouvoir. L'économie sera un enjeu important de la campagne, mais les conservateurs ne pourront pas prétendre être des champions de la rigueur fiscale, dit-elle.


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