Sauvetage de la Grèce - L’UE et le FMI règlent leurs comptes

Courroucé par les critiques de leur partenaire, les Européens disent avoir agi au bon moment et pour le mieux

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Les Grecs otages de la dette de leur pays

Bruxelles — La Commission européenne a réagi avec vigueur jeudi aux critiques du FMI sur le sauvetage de la Grèce, en se disant en « désaccord fondamental » avec l’institution de Washington, un nouvel épisode dans les relations parfois tendues entre l’UE et le FMI.
Dans un rapport publié mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît des « échecs notables » dans la gestion du sauvetage du pays, et égratigne au passage la Commission européenne, sa partenaire au sein de la troïka des créanciers publics au côté de la Banque centrale européenne. Pour le FMI, la restructuration de la dette grecque, menée au printemps 2012, aurait dû l’être dès 2010. « Nous sommes en désaccord fondamental » avec cette position, a déclaré Simon O’Connor, un porte-parole de la Commission, au cours d’un point de presse. Le rapport du FMI « ne tient pas compte de l’interconnexion entre les pays de la zone euro. Une restructuration de dette aurait comporté le risque d’une contagion systémique si elle avait été entreprise à ce stade », a-t-il expliqué.
Le FMI regrette aussi l’absence de « division claire du travail » au sein de la troïka et reproche aux Européens d’avoir manqué d’expérience et de « compétences » sur le programme d’aide à la Grèce. Là encore, « nous sommes en désaccord fondamental avec l’idée selon laquelle il n’y a pas eu assez d’efforts faits pour identifier les réformes structurelles favorisant la croissance », a rétorqué M. O’Connor. Jugeant ces critiques « totalement fausses et infondées », il a affirmé au contraire que la Commission avait été « une force motrice importante ».
Pas de mea culpa donc de la part de l’exécutif européen, qui souligne ce qui a été accompli : réforme du marché du travail, des retraites et du système de santé en Grèce, consolidation budgétaire, et surtout maintien du pays dans la zone euro.
De façon moins virulente, la BCE a adopté la même ligne. Si le document du FMI « identifie les raisons des erreurs, nous devrons en tenir compte à l’avenir », a concédé son président, Mario Draghi, au cours de sa conférence de presse mensuelle. Mais « souvent les mea culpa sont des erreurs de projection historique » qui font qu’on « tend à juger les choses qui se sont passées hier avec notre regard d’aujourd’hui », a-t-il souligné.
Le FMI a joué l’apaisement jeudi. « La troïka a bien fonctionné et fonctionne bien », a déclaré son porte-parole, Gerry Rice. « Avec nos partenaires européens, nous avons appris, nous nous sommes adaptés et je pense que le programme actuel » d’aide à la Grèce « en est le reflet », a-t-il dit.

Divergences de fond
Ce n’est pas la première fois que des dissensions apparaissent entre le FMI et l’UE. Le chef économiste de l’institution de Washington, Olivier Blanchard, a reconnu récemment que les politiques d’austérité avaient eu un effet plus négatif que prévu, tandis que la Commission continuait d’insister sur l’ajustement budgétaire comme condition sine qua non de la reprise. Ces divergences de fond incitent certains à remettre en cause le modèle de la troïka. Début mai, après les tensions manifestes sur le sauvetage de Chypre, Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, avait estimé que les plans de sauvetage de pays en difficulté de la zone euro devraient à l’avenir se faire sans le FMI. La présidente de la commission des Affaires économiques du Parlement européen, la libérale britannique Sharon Bowles, a estimé jeudi que la troïka devait être « repensée ».
Ce qui est en jeu en réalité, c’est le rôle des États membres de la zone euro, en particulier l’Allemagne, estime Yannis Varoufakis, professeur d’économie à l’université d’Athènes. « Le rapport a fuité car le FMI en a vraiment assez de l’Allemagne et surtout de son refus d’avancer sur l’union bancaire ». Pour Savvas Robolis, de l’institut du travail du principal syndicat privé GSEE, « il est clair que le FMI veut faire pression sur l’UE et l’Allemagne pour accepter une nouvelle restructuration de la dette grecque », qui pourrait s’envoler à 175 % du PIB cette année.
Le gouvernement allemand a cherché à éviter la controverse. « Tout ce qui figure dans le rapport du FMI a déjà été corrigé », a relevé jeudi une source gouvernementale.


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