Les proches aidants accomplissent un sacrifice héroïque de leur personne, et du temps de leur vie personnelle. Ils sont dignes de toute notre admiration. Mais est-ce trop exiger d'eux ?
Y aura-t-il enfin quelqu'un pour prendre leur défense, les déculpabiliser s’ils finissent par vouloir se retirer d'une tâche allant bien au-delà des capacités physiques et mentales de la moyenne des gens ?
Voyons comment se présente généralement la situation.
D'un côté, il y a la personne en perte d'autonomie. En principe, elle devrait se faire un point d'honneur de ne pas déranger les autres, de ne pas devenir un poids pour personne. Elle ne doit pas gâcher la vie de ses proches et de son entourage. C'est à elle de demander à être placée là où un personnel qualifié s'occupera d'elle pour ne plus être à charge de sa famille. Il faut que tout le monde accepte que c'est vers là qu'on s'en va tous. Si on n'est plus capable de mener une vie autonome, on ne doit pas taxer notre entourage immédiat. Chacun devrait le comprendre et agir en conséquence.
De l'autre côté, il y a l'enfant, le conjoint, qui veulent démontrer leur reconnaissance, prouver qu'ils ne sont pas des ingrats qui abandonnent celui ou celle qui ne peut plus se passer d'eux, s’attendant à ce qu'ils respectent leur engagement "pour le meilleur et pour le pire". Mais y a-t-il une limite raisonnable au don de soi ? Sommes-nous tous tenus de devenir une sainte Mère Térèsa ?
Mais demander à un proche de s'occuper de nous 24 h sur 24 est une forme d'esclavagisme qu'on atténue en le présentant comme un engagement de dévouement louable et obligatoire envers la personne. C'est vu comme de l'amour filial envers le parent, de l'amour conjugal face à son conjoint déclinant, des soins parentaux envers un enfant handicapé. On se sacrifie soi-même pour l'autre. Notre propre vie ne compte plus. C'est ce qui est attendu d'une bonne personne, alors on n'a même pas le choix.
La vie d’une personne atteint son terme ; est-ce une raison suffisante pour gâcher celle d’une autre ? P't-êt ben qu’non.
On nous demande de faire preuve de la même abnégation que les bonnes soeurs Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec d'autrefois se dévouant pour les tuberculeux, aussi longtemps qu'il le faudra.
Répartition des personnes proches aidantes selon le nombre moyen d’heures consacrées à fournir de l’aide et des soins par semaine, Québec, 20181
Il existe une espèce de chantage émotif pour nous forcer à accepter, même involontaire. C'est si facile de se faire prendre en pitié. Même lorsque la personne ne le demande pas, on se sent obligé, tenu de le faire, sinon on se sentira coupable, avec l'impression d'abandonner un être cher à qui on doit tout. Mais est-ce que cela doit aller jusqu'à gâcher de 1 à 20 ans de notre vie ?
Des phrases toutes en sous-entendus nous trottent dans la tête :
« Après tout ce que j’ai fait pour toi »
« Tu me dois bien ça »
« J’aurais fait la même chose pour toi »
« Tu ne vas pas m’abandonner comme ça »
« Qu’est-ce que je vais devenir sans toi ? »
« J’ai toujours cru que je pourrais compter sur toi »
On reste tous pantois d’admiration devant l’artiste Chloé Sainte-Marie qui a pris soin de son mari malade le réalisateur Gilles Carle durant une éternité (17 ans). Mais en même temps, cela ne semble-t-il pas un peu exagéré, pour ne pas dire démesuré ? Est-ce trop demander à quelqu’un ? P't-êt ben qu’oui.
Répartition des personnes proches aidantes selon le nombre de bénéficiaires, Québec, 20181
Dans un autre ordre d'idées, il y a le cas où quelqu'un devient aidant naturel en échange d'un héritage ; cela devient alors un salaire pour un travail, et c'est un marché honorable qui peut se défendre.
Moi je dis à mes proches : "lorsque le temps sera venu, placez-moi, et ne venez plus me voir. Vivez votre vie, soyez heureux, et ayez une petite pensée pour moi à l'occasion. Merci pour tout". Il faut savoir se retirer avec dignité, en toute discrétion. La dernière chose au monde que je voudrais serait de devenir un fardeau pour mon entourage.
Je crois qu'il y a beaucoup de proches aidants en détresse devant l'ampleur de la tâche qu'ils ne soupçonnaient pas de prime abord, et qui les prive de la jouissance de la vie normale, et qu'on pourrait aider en les soulageant du poids de la culpabilité devant la nécessité de devoir se retirer d’un engagement qui finit par être trop lourd à porter. C'est à ça que servent les RPA, hospices, CHSLD, et hôpitaux.
Référence : Institut de la statistique du Québec Les personnes proches aidantes au Québec
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