Signes religieux chez les enseignants: Québec veut des chiffres

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Les commissions scolaires ne veulent pas effectuer la recension des signes religieux : ce sont les mêmes personnes qui censurent Nadia el-Mabrouk

Le ministère de l'Éducation a causé toute une commotion en demandant à des commissions scolaires de dénombrer les enseignants et les membres de la direction des écoles qui portent un signe religieux au travail, a appris La Presse.



Leur fédération s'est aussitôt rebiffée, mandatant ses services juridiques de vérifier la légalité d'une telle manoeuvre, selon un courriel envoyé à tous ses membres.


Des sources sûres indiquent qu'au moins trois commissions scolaires de la région métropolitaine ont reçu une demande du Ministère visant à divulguer des statistiques sur le port de signes religieux. Il s'agit des commissions scolaires de Montréal (CSDM), de la Pointe-de-l'Île (CSPI) et de Laval (CSDL).


Malaise


 


La demande aurait été faite verbalement, et non par écrit, vendredi dernier. Le ressac a été immédiat. Les commissions scolaires visées ont exprimé leur malaise devant une telle demande.


La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) s'est mêlée du dossier, selon un courriel envoyé à l'ensemble de ses membres. « Certaines commissions scolaires ont reçu une demande du bureau de la sous-ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur pour dénombrer le personnel des commissions scolaires et des écoles qui portent des signes religieux au travail », peut-on lire.


« Dans l'éventualité où vous auriez reçu une demande semblable, nous vous prions de nous en informer dans les plus brefs délais. »


La FCSQ suggère de ne pas répondre au Ministère pour le moment, toujours selon ce courriel. « Nos services juridiques évaluent présentement cette demande. Des instructions supplémentaires vous seront transmises le plus rapidement possible », écrit la fédération.


« Aberrant ! »


La présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, confirme que le Ministère a demandé des statistiques sur le nombre d'employés portant des signes religieux. On lui a répondu que de telles statistiques n'existent pas et ne seraient pas produites non plus. « J'ai trouvé ça aberrant ! », a lancé Mme Harel Bourdon en entrevue. Une commission scolaire qui ferait un tel dénombrement irait à l'encontre de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, selon elle.


« Ça fait plusieurs mois que des journalistes me demandent combien il y en a. Ce que j'ai toujours répondu, c'est que nous, quand on fait des embauches, autant de nouvelles embauches qu'au niveau de notre personnel qui est déjà à notre emploi, on ne demande pas s'ils portent des signes religieux », a-t-elle affirmé.


« Je verrais mal un employeur faire une demande comme ça. »


L'article 18.1 de la Charte stipule que « nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements » relatifs, entre autres, à sa religion.


Certes, il existe des statistiques, par exemple, sur la proportion d'employés du secteur public qui appartiennent à une minorité visible. Mais elles sont le résultat d'un exercice encadré par la Charte. Il s'agit du programme d'accès à l'égalité en emploi. À cette fin bien précise, tous les employés sont appelés, de façon volontaire, à remplir un questionnaire et à déclarer s'ils sont membres d'une minorité visible. La démarche du ministère de l'Éducation ne se fait pas dans ce cadre. Il n'est jamais question de port de signes religieux dans ces questionnaires.


Toutes les sources consultées font un lien entre la demande du Ministère et la volonté du gouvernement d'interdire le port de signes religieux chez les enseignants (mais aussi chez les représentants de l'État dotés d'un pouvoir de coercition : juges, procureurs de la Couronne, policiers et gardiens de prison).


Le premier ministre François Legault affirmait avant les Fêtes qu'il n'y aurait pas de clause de droits acquis pour les employés actuels, communément appelée clause grand-père. Pour éviter des congédiements, Québec a évoqué l'idée de déplacer les récalcitrants à d'autres fonctions. Un projet de loi est attendu bientôt.


Du « profilage » ?


Pour la porte-parole du Parti libéral en matière d'éducation, Marwah Rizqy, la demande du Ministère revient à faire du « profilage ». « Une fois qu'on a répertorié le nombre, c'est quoi, la suite des choses ? Est-ce que c'est pour venir en quelque sorte banaliser en disant : "Écoutez, ça ne touche pas tant de monde que ça ?" Et si c'est ça, l'objectif, est-ce qu'il est aussi en train de nous dire que les droits fondamentaux, si vous êtes un petit nombre, vous n'en avez pas ? C'est de l'improvisation. »


Le gouvernement Marois, qui voulait interdire aux employés de l'État de porter des signes religieux, n'avait pas demandé un dénombrement aux commissions scolaires, a confirmé une source impliquée dans le dossier à l'époque. Elle est surprise de la démarche faite par le ministère de l'Éducation.


Le cabinet du ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, n'a pas donné de réponses aux questions que La Presse lui a posées hier.


***


LES COMMISSIONS SCOLAIRES VISÉES PAR LA DEMANDE DE QUÉBEC


Commission scolaire de Montréal


- Plus de 8200 enseignants


- 127 écoles primaires


- 26 écoles secondaires


Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île


- Plus de 4300 enseignants


- 40 écoles primaires


- 7 écoles secondaires


Commission scolaire de Laval


- Plus de 5000 enseignants


- 56 écoles primaires


- 14 écoles secondaires




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