ÉDITORIAL

Taxation des achats en ligne: bras de fer pour l’équité fiscale

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Ottawa défend une position intenable

Pour d’évidentes raisons d’équité fiscale, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, a annoncé qu’il avait l’intention, à la faveur de son prochain budget, d’appliquer la taxe de vente du Québec (TVQ), et même la taxe fédérale sur les produits et services (TPS), au commerce électronique effectué par des fournisseurs étrangers. Sur cet enjeu, Ottawa défend une position intenable et son absence de collaboration compliquera grandement les choses.



Dans la lettre qu’il a envoyée mardi au ministre des Finances canadien, Carlos Leitão souligne que « l’augmentation considérable du nombre de transactions en ligne entre les consommateurs locaux et des fournisseurs étrangers représente un défi important pour tous les pays qui imposent une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) », comme la TPS au Canada. Non seulement les gouvernements se privent de revenus importants, mais il s’agit d’un « enjeu d’équité » pour les entreprises qui ont pignon sur rue au pays et qui, elles, doivent percevoir les taxes de vente, rappelle-t-il.



C’est pourquoi il y a deux ans, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a produit un rapport sur les défis fiscaux posés par l’économie numérique. Ce rapport analysait différents moyens de percevoir les taxes de vente sur les achats en ligne, signale Marwah Rizqy, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, dans un récent papier sur le cas de l’Australie, dont le nouveau régime de taxation s’appliquera à compter du 1er juillet 2018 aux biens tangibles et intangibles vendus par des fournisseurs étrangers comme Netflix, Amazon, Alibaba ou eBay.



Non seulement il est possible de taxer le commerce électronique, mais c’est hautement souhaitable. S’abstenir de le faire, comme l’a décrété le gouvernement Trudeau pour Netflix, c’est se faire complice d’une concurrence déloyale affectant des services similaires au pays, tel Illico au Québec. C’est aussi éroder la base fiscale qui assure le financement des services publics, comme le font, d’ailleurs, les paradis fiscaux sur lesquels Justin Trudeau ferme les yeux.



Depuis la publication des recommandations de l’OCDE, plusieurs pays ont pris des mesures afin de taxer le commerce électronique outre frontière, que ce soit les pays membres de l’Union européenne, l’Afrique du Sud, l’Islande, le Japon, la Norvège, la Suisse ou, plus récemment, l’Australie.



À l’heure actuelle, Québec perçoit tant la TPS fédérale que la TVQ. En vertu de la loi québécoise qui traduit l’entente d’harmonisation des taxes de vente entre les deux ordres de gouvernement, chaque fois que le Québec perçoit la TVQ sur un bien ou service, il est dans l’obligation de percevoir la TPS. C’est pourquoi Carlos Leitão a indiqué jeudi que lorsque le fisc québécois percevra la TVQ sur les abonnements à Netflix, il percevra la TPS en même temps et enverra un chèque à Ottawa, qu’il le veuille ou non.



On conçoit toute l’incongruité d’une pareille situation. Le gouvernement Couillard fera ainsi la preuve par l’absurde de l’incohérence du gouvernement fédéral en la matière. En appliquant à la lettre la loi québécoise sur la perception des deux taxes, il fait un geste politique pour forcer la main à Ottawa.



Dans sa lettre, Carlos Leitão plaide pour « une approche canadienne coordonnée ». De toute évidence, c’est la voie à suivre. D’abord, c’est la responsabilité du gouvernement fédéral d’améliorer la perception des taxes sur les biens tangibles aux douanes, perception qui n’est guère efficace. Ensuite, c’est Ottawa plutôt que Québec qui est le mieux placé pour exiger des fournisseurs étrangers de services et de biens intangibles qu’ils s’inscrivent aux régimes de la TPS et la TVQ.



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