La vision a un côté surréaliste. Des cabines de téléphérique à la queue leu leu suspendues au-dessus des murailles de la vieille ville de Jérusalem, un des site les plus sacrés de l’humanité. Et pourtant, ce projet va devenir réalité. La commission israélienne des infrastructures nationales, un organisme officiel, soutenue par le ministère du Tourisme et une très influente ONG nationaliste, a rejeté tous les appels présentés par des défenseurs de l’environnement, des architectes, des organisations de gauche et des habitants palestiniens dont les maisons vont être survolées au rythme de 72 wagons par heure. Pour le gouvernement, il ne s’agit que de décongestionner les alentours de la porte dite « des Maghrébins » où aboutissent une noria d’autobus transportant les visiteurs pour les rapprocher au plus près du Mur des Lamentations, le site le plus sacré du judaïsme et haut du lieu du tourisme.
Le futur téléphérique, qui partira de la vieille gare désaffectée de Jérusalem sur une distance de 1,4 km, pourra transporter 3.000 passagers par heure sur un trajet de quatre minutes et demi comprenant quatre stations. Le coût des travaux est estimé à près de 50 millions d’euros, selon les prévisions. « Cela va permettre a beaucoup de visiteurs et fidèles d’accéder au Kotel (le Mur des Lamentations) en évitant des attentes dans les bouchons dans de bien meilleures conditions », assure un haut responsable du ministère du Tourisme en soulignant que ce téléphérique n’aura qu’une « valeur pratique et non politique ».
Une version angélique contestée par une de nombreux opposants qui s’indignent de la « Disneylisation » d’un site prestigieux. Tous, tel Moshé Safdi, le plus célèbre architecte et urbaniste du pays, des archéologues et des écologistes, s’alarment du coup très dur porté à l’esthétique du paysage « biblique ». D’autres ne manquent pas de souligner que le téléphérique ne fera que déplacer la question des encombrements à l’extérieur de la vieille ville, où risquent de proliférer des embouteillages monstres les jours de célébration au Mur des Lamentations. Autre argument mais plus spirituel : pourquoi ne pas entrer à pied dans la ville trois fois sainte, par ses différentes portes actuelles, pour accéder ainsi aux sites religieux et tenter ainsi de revivre une expérience intérieure millénaire ?
Des ONG israéliennes plus politiques présentent des arguments beaucoup plus terre-à-terre. Elles estiment que les Palestiniens du quartier de Silwan, situé en contrebas de la muraille de la vieille ville, vont payer les pots cassés de l’opération avec des cabines circulant en continu à 5 ou 9 mètres au-dessus de leur maison, sans compter les expropriations de terrains pour ériger les piliers nécessaires afin de soutenir l’ensemble de l’ouvrage. Selon eux, toute l’affaire serait « manipulée » en sous-main par Elad, une ONG nationaliste religieuse israélienne qui contrôle la Cité de David, un site archéologique et touristique à Silwan ainsi que les tunnels partant ou aboutissant au Mur des Lamentations. Cette organisation ne fait pas mystère de son objectif qui serait d’accélérer la « judaïsation » de la vieille ville de Jérusalem.