Nomination à la magistrature

Trois libéraux reconnaissent être intervenus

Commission Bastarache



Québec — Charles Rondeau, Michel Després et Norman MacMillan ont tous admis, hier devant la commission Bastarache, être intervenus pour influer sur une nomination à la magistrature, mais les trois libéraux refusent de dire qu'il s'agit de «pressions» indues.
Le collecteur de fonds Charles Rondeau, un comptable de Québec qui milite au PLQ depuis 35 ans, a soutenu n'avoir «rien fait de mal» lors d'un long interrogatoire livré sur un ton candide et sous l'oeil de son grand ami Franco Fava, collecteur au PLQ et pivot des allégations de Marc Bellemare.
M. Rondeau a raconté avoir reçu en 2003 un coup de fil d'une vieille connaissance, Michel Simard, qui lui demandait d'intervenir pour proposer sa candidature au poste de juge en chef de la Cour du Québec. M. Simard avait été conseiller juridique pour le PLQ dans les années 1970, a précisé M. Rondeau. Quelque temps plus tard, il profitera d'une rencontre avec M. Bellemare pour lui faire part des souhaits de son ami Simard. Sur le coup, le ministre n'a pas une «super réaction», soutient M. Rondeau. M. Bellemare téléphone quelques jours plus tard et lui apprend qu'il ne peut nommer M. Simard juge en chef. Il propose de le nommer plutôt juge en chef adjoint. M. Rondeau avertit alors M. Bellemare que son ami refusera cette proposition. Finalement, M. Bellemare s'exécute et M. Simard accepte finalement la promotion. Un décret a été nécessaire pour lui permettre de continuer à siéger vu son âge.
Simard a contribué à choisir Gosselin-Després
À titre de juge en chef adjoint de la Chambre civile, M. Simard se retrouve, sur une base régulière, à présider des comités de sélection. Parfois même en dehors de son domaine: il a par exemple présidé le comité du concours à la Chambre de la jeunesse qui a débouché sur la nomination de Line Gosselin-Després, a appris Le Devoir. Il s'agit de l'une des trois nominations que M. Bellemare dit avoir faites sous pression. En novembre 2003, M. Simard — qui venait d'obtenir sa promotion le 5 — ne devait pas faire partie de ce comité. C'est Paule Gaumond, juge en chef adjointe de la Chambre de la jeunesse, qui devait le présider. Or Mme Gaumond, dans une lettre adressée au ministre le 24 novembre 2003, annonça qu'elle se récusait «à l'égard de trois candidats» et indiquait que son collègue Michel Simard «serait disposé à agir alors comme substitut»; proposition que M. Bellemare entérinait le lendemain.
L'ancien ministre du Travail Michel Després, maintenant président de la Commission des normes du travail, a pour sa part reconnu, hier, qu'il s'était effectivement entretenu avec Marc Bellemare très brièvement sur la nomination à la Chambre de la jeunesse à l'hiver 2004. Lors de cette conversation, a-t-il soutenu, c'est M. Bellemare, et non lui, qui avait nommé le nom de Mme Gosselin-Després, alors épouse d'un cousin du ministre. Le ministre de la Justice était au courant qu'une personne de la parenté de M. Després participait à ce concours. M. Després a toutefois nié qu'il s'agissait d'une «pression» sur son collègue. Il aurait appris la décision de M. Bellemare le 24 mars au Conseil des ministres; réunion de laquelle il s'est retiré lorsque la nomination a été présentée par M. Bellemare, puis votée.
Nomination problématique de Bisson
Quant au ministre délégué aux Transports, Norman MacMillan, il a explicité, hier, en quelque 35 minutes, ce qu'il avait déjà reconnu dans les médias il y a quelques mois, soit qu'il était effectivement intervenu pour aider son commettant Marc Bisson, fils de son organisateur politique Guy Bisson, à réaliser son ambition de devenir juge. Il a toutefois nié qu'il s'agit de «pression». M. MacMillan a raconté que Guy Bisson lui avait parlé à quelques reprises des ambitions de son fils, lequel avait échoué à obtenir une nomination sous le gouvernement précédent, en 1994.
Marc Bisson, qui avait franchi l'étape du comité de sélection en 2002, a sollicité une rencontre avec M. MacMillan, qui s'est finalement déroulée à l'heure du dîner au restaurant Le Parlementaire le 6 novembre 2003. À cette occasion, le député de Papineau a promis de voir ce qu'il pourrait faire pour «aider» M. Bisson. M. MacMillan a affirmé qu'il ferait de même pour toute personne qui viendrait de sa circonscription; mais il a précisé plus tard ne pas avoir aidé d'autres avocats de sa circonscription souhaitant accéder à la magistrature parce qu'il «ne les connaissai[t] pas».
Le 6 novembre, en quittant la table, les deux hommes tombent par hasard sur le ministre de la Justice, a raconté M. MacMillan. Ce dernier présente son commettant comme un avocat qualifié, avec expérience comme procureur de la Couronne en matière criminelle, et qui «serait intéressé à être nommé juge». M. Bellemare semble ne pas connaître le nom de M. Bisson, note M. MacMillan. Il lui demande même s'il serait prêt à siéger en dehors de son district de Hull. C'est le lendemain que le nom de M. Bisson apparaît étrangement dans les documents, même si le comité de sélection, pour le concours, ne l'avait pas proposé! Deux candidats sur trois que le comité avait sélectionnés ont échoué l'étape de vérification auprès de la SQ; et même si un des trois franchit cette étape, M. Bisson est quand même inséré dans le processus. Sans compter que le concours pour lequel il avait postulé n'était plus valide. Marc Bellemare finira quand même, le 26 novembre, par le nommer juge coordonnateur adjoint à Longueuil. Une fois la nomination faite, M. Bellemare, au dire de M. MacMillan, montre avec fierté la signature à son collègue. «Il avait l'air être aussi heureux que moi», a soutenu M. MacMillan.
Lalande cuisiné
La matinée avait été entièrement consacrée à la poursuite du contre-interrogatoire de l'ex-sous-ministre associé Georges Lalande, lequel a grandement corroboré les allégations de M. Bellemare lundi. André Ryan, l'avocat du premier ministre Jean Charest, a entre autres tenté de démontrer que M. Lalande avait ajusté son témoignage avec M. Bellemare. L'avocat du Barreau, Pierre Bourque, estimant qu'on allait trop loin, a cru bon intervenir pour faire répéter à Me Lalande devant la commission qu'il avait prêté serment plus tôt.
Par ailleurs, Le Devoir a appris qu'à partir d'aujourd'hui, c'est l'avocat Jean-François Bertrand et non plus Me Rénald Beaudry qui questionnera les témoins au nom de M. Bellemare.


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