Option Canada - L'argent du love-in reste un mystère

Un demi-million a été dépensé illégalement, conclut l'ex- juge Grenier

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L'affaire Tomassi - l'auge libérale que JJC veut cacher...

L'ex-juge Bernard Grenier n'a pu déterminer la provenance de l'argent qui a permis d'organiser le grand rassemblement fédéraliste tenu à Montréal trois jours avant le référendum du 30 octobre 1995.
Québec -- Après 16 mois d'enquête et deux millions de dollars, l'ex-juge Bernard Grenier est arrivé à la conclusion qu'au référendum de 1995, le camp du NON avait dépensé un demi-million de dollars de façon illégale par le truchement d'Option Canada et du Conseil pour l'unité canadienne (CUC). Il a déploré les agissements de quatre personnes clés, dont le vice-président du conseil exécutif de Montréal, Claude Dauphin, et l'actuel délégué général du Québec à Toronto, suspendu avec solde depuis le début de l'enquête, Jocelyn Beaudoin.
Plusieurs questions restent toutefois en suspens, tellement que certains, dont celui qui était directeur général des élections en 1995, Pierre-F. Côté, croient que l'enquête de M. Grenier aurait dû être publique. Le commissaire-enquêteur lui-même a reconnu hier qu'il avait été dans l'impossibilité de désigner la source de financement du fameux «love-in» du 27 octobre 1995, où des centaines de milliers de personnes du reste du Canada avaient pris d'assaut les rues de Montréal pour convaincre les Québécois de voter NON. M. Grenier a insisté pour dire que son mandat était bien circonscrit: il devait se borner à étudier les dépenses d'Option Canada et n'avait aucune possibilité d'enquêter sur les agissements du gouvernement fédéral. Ce qui inclut évidemment Patrimoine Canada, d'où sont venues toutes les sommes sur lesquelles il s'est penché.
Malgré tout, après avoir entendu 90 témoins pendant 52 jours d'audience, il a établi que la somme réelle dépensée par Option Canada et le Conseil pour l'unité canadienne dans la campagne préréférendaire a été de 11 millions. Toutefois, 539 460 $ seulement de ce montant auraient été utilisés en infraction à la loi. Le juge affirme que des «personnes en autorité» au Parti libéral du Québec, dont Stéphane Bertrand (actuel chef de cabinet de Jean Charest), Pietro Perrino et Pierre Anctil, ont «manqué de vigilance par rapport aux activités du CUC et d'Option Canada». Mais l'ex-juge a refusé de faire à leur égard une «conclusion défavorable».
Cinq autres personnages ont cependant droit à une «conclusion» de ce type, qui ne consiste pas, a-t-il insisté, en un jugement de nature pénale. D'abord, Jocelyn Beaudoin, nommé en 2005 par Jean Charest délégué du Québec à Toronto, était directeur général du Conseil pour l'unité canadienne lors de la création d'Option Canada. M. Beaudoin s'est toujours défendu en disant qu'après la création de l'organisme, le 7 septembre 1995, il n'avait plus eu de contacts Option Canada. Mais le juge Grenier a conclu que la preuve contredisait cette version et qu'il est arrivé à M. Beaudoin, en période référendaire, de donner des directives au directeur général d'Option Canada, René Lemaire.
À propos de ce dernier, le juge Grenier en est aussi arrivé à une «conclusion défavorable», puisque selon la preuve «il a fait plusieurs dépenses réglementées sans obtenir l'autorisation de l'agente officielle du NON». Le comptable aux ordres de M. Beaudoin et Lemaire, Réjean Roy, fait aussi face à une «conclusion défavorable»: «Il a obéi sans se poser de questions.»
Le juge reproche aussi à Claude Dauphin, qui fut président honoraire d'Option Canada, d'avoir continué d'être payé durant la période référendaire alors que ces émoluments n'étaient pas comptabilisés dans les dépenses du camp du NON. «Il n'a pas vérifié auprès de l'agente officielle du NON si le versement de ses émoluments était conforme à la loi. Pourtant, il a exigé de ses collaborateurs qu'ils respectent la loi. M. Dauphin avait une certaine connaissance des lois électorales puisqu'il avait été député à l'Assemblée nationale», écrit le juge Grenier. En fin d'après-midi hier, M. Dauphin s'est réjoui que le juge ait conclu qu'il était de bonne foi, qu'il a joué un rôle mineur. Par conséquent, il a dit qu'il ne voyait pas pourquoi il démissionnerait de sa fonction actuelle.
Notons que le juge a aussi mentionné que l’agente officielle du PLQ, Nathalie Bernier, avait fait preuve de négligence.
Au reste, les gens d'Option Canada et du CUC avaient de drôles de méthodes, a aussi démontré le juge Grenier. Par exemple, pour contourner la loi électorale, ils ont par exemple congédié des employés au début de la campagne référendaire, leur octroyant de généreuses «primes de séparation» de 15 ou 17 semaines de salaire. Cela faisait d'eux des «bénévoles du camp du NON».
Pétard mouillé
En matinée, en Chambre, Jean Charest a qualifié cette affaire de «pétard mouillé» étant donné que lui et ses proches se voyaient pratiquement exonérés de tout blâme. Le juge a conclu que M. Charest, chef du Parti conservateur à l'époque, n'avait pas été au courant de l'existence d'Option Canada. M. Charest s'est plu à souligner que, dans le livre par lequel le scandale a éclaté (Les Secrets d'Option Canada du journaliste Normand Lester et de l'ancien candidat péquiste Robin Philpot), il était question d'une somme illégale de cinq millions de dollars. Il a aussi déploré toutes sortes d'insinuations -- selon lui sans fondement -- entendues pendant cette dernière année, car elles contribuent à ternir la classe politique. Aussi, au chef de l'opposition Mario Dumont, qui insistait pour savoir s'il avait été mis au courant des dépenses illégales d'un demi-million, M. Charest a répondu: «J'ai participé avec beaucoup de fierté au référendum de 1995. Je peux même vous dire, moi, de quel côté j'étais. J'étais du côté du NON, contrairement au chef de l'ADQ dont on sait avec qui il était pendant le référendum de 1995 et de quel côté il se campe aujourd'hui.»
En conférence par la suite, Mario Dumont s'est étonné que le rapport du juge Grenier ne contienne pas de blâme. Il a réclamé que le Parti libéral du Québec, «directement visé dans le rapport, rembourse les 540 000 $ qui ont été reçus et dépensés illégalement». Une demande à laquelle le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a refusé de répondre hier.
La leader péquiste, Diane Lemieux, a dit que le «refus de condamner» les dépenses illégales, de la part de Jean Charest, «s'apparente à un aveu de culpabilité au nom du camp fédéraliste». Mais en fin d'après-midi, du bout des lèvres, le ministre Pelletier a reconnu que les dépenses illégales des forces fédéralistes lors du référendum de 1995 «étaient déplorables». «Des irrégularités ont été commises. C'est déplorable. On a des lois au Québec et ce n'est pas pour rien. On espère que ces lois soient respectées», a-t-il confessé.
Le PQ a aussi réclamé que Jocelyn Beaudoin «sorte du circuit [...] de représentation du gouvernement du Québec». Mais M. Pelletier a dit hier attendre d'obtenir la version des faits de M. Beaudoin avant de prendre une décision quant à son sort. M. Pelletier admet qu'«a priori, il y a une contradiction entre la version des faits fournie par M. Beaudoin et les conclusions de l'enquête».
Notons du reste que le PQ réclame que soit levée l'ordonnance de non-publication à portée illimitée dont le juge a frappé les éléments de la preuve, sinon il menace de la contester devant les tribunaux.
Prudence
Plusieurs ont souligné la grande prudence du rapport Grenier. «Clairement on a senti, on a vu la limite d'une enquête qui n'est pas publique», a déclaré Mario Dumont. Diane Lemieux, pour sa part, a fait remarquer que le commissaire a été «assailli de toutes sortes de considérations de la part de plusieurs avocats. Il s'est fait poser des questions sur sa juridiction, sur des aspects constitutionnels. À l'évidence, il a été encerclé de toutes sortes de questions légales. Alors, je comprends que le résultat net, c'est qu'il a joué probablement plus de prudence.»
Pour l'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté, le rapport laisse en plan plusieurs interrogations, est «précautionneux» et plein de «circonvolutions prudentes». Il trouve «étrange» que le commissaire n'ait pas jugé bon de le rencontrer, lui qui était en poste en 1995 et qui a tenté -- sans succès -- d'enquêter sur Option Canada et sur le «love-in» dans les années qui ont suivi le référendum. Depuis 2000, soit cinq ans après les faits, la loi électorale ne permet plus aux autorités québécoises de poursuivre devant les tribunaux ceux qui ont commis des infractions. Selon M. Côté, l'enquête de M. Grenier aurait dû être publique et aurait dû être élargie à l'ensemble des millions dépensés dans la campagne de 1995. Il trouve «ahurissante» la conclusion du commissaire selon laquelle le camp du NON n'a pas dépensé le maximum permis par la loi de 5 087 000 $, soit 1 $ par électeur, ce qui fait écrire au juge Grenier que le camp du NON a «terminé la campagne référendaire avec un montant non utilisé de 375 963 $». Cette conclusion a d'ailleurs conduit le ministre des Affaires intergouvernementales Benoît Pelletier, hier, à affirmer que le vrai montant en infraction est 163 497 $ et non un demi-million.
Pour l'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté, le rapport laisse en plan plusieurs interrogations, est «précautionneux» et plein de «circonvolutions prudentes». Il trouve «étrange» que le commissaire n'ait pas jugé bon de le rencontrer, lui qui était en poste en 1995 et qui a tenté -- sans succès -- d'enquêter sur Option Canada et sur le «love-in» dans les années qui ont suivi le référendum. Depuis 2000, soit cinq ans après les faits, la loi électorale ne permet plus aux autorités québécoises de poursuivre devant les tribunaux ceux qui ont commis des infractions. Selon M. Côté, l'enquête de M. Grenier aurait dû être publique et aurait dû être élargie à l'ensemble des millions dépensés dans la campagne de 1995. Il trouve «ahurissante» la conclusion du commissaire selon laquelle le camp du NON n'a pas dépensé le maximum permis par la loi de 5 087 000 $, soit 1 $ par électeur, ce qui fait écrire au juge Grenier que le camp du NON a «terminé la campagne référendaire avec un montant non utilisé de 375 963 $». Cette conclusion a d'ailleurs conduit le ministre des Affaires intergouvernementales Benoît Pelletier, hier, à affirmer que le vrai montant en infraction est 163 497 $ et non un demi-million.
Enfin, l'agence de publicité BCP a accueilli favorablement le rapport Grenier. «Le juge Grenier confirme sans équivoque l'intégrité professionnelle de BCP.» L'agence demande par conséquent des «excuses publiques et complètes» de MM. Philpot et Lester ainsi que de l'éditeur Les Intouchables «pour les fausses allégations formulées» à son sujet dans leur livre. Les auteurs ont applaudi au rapport hier mais réagiront aujourd'hui plus en détail lors d'une conférence de presse.


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