Les compressions imposées par le président Donald Trump à l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) pourraient avoir des répercussions jusque dans l'eau que boivent les Montréalais. Le scénario d'une amputation de 97% du budget pour la dépollution des Grands Lacs soulève des inquiétudes des deux côtés de la frontière.
En prévision de son budget 2018 qu'il doit présenter d'ici deux semaines, Donald Trump a demandé des compressions à la majorité des départements américains afin de financer une augmentation des dépenses militaires. Frappée de plein fouet, l'EPA devrait voir ses fonds réduits du quart.
Pour atteindre, cet objectif, l'Agence a entrepris de réviser l'ensemble de ses programmes. Principal programme de l'EPA, le projet de restauration des Grands Lacs, qui finance des milliers de projets pour traiter l'eau de cet important bassin, sera grandement affecté, selon un document obtenu par la National Association of Clean Air Agencies. De 300 millions par année, son financement devrait fondre à 10 millions, une baisse de 97%.
Mercredi, le nouveau directeur de l'EPA nommé par Trump, Scott Pruitt, a confirmé que son agence allait réviser en profondeur ses pratiques. « Nous allons régler ce qui ne fonctionne pas avec nos règles environnementales. Nous allons le faire en protégeant notre eau, notre air et nos ressources naturelles, mais tout en nous assurant de créer des emplois. »
Jusqu'à Montréal
« L'impact de ces compressions risque d'être nettement plus important que celui du flushgate », appréhende Sarah Dorner, professeure à Polytechnique, spécialiste en eau potable. Elle fait ainsi référence au tollé soulevé par le rejet d'eaux usées de Montréal dans le fleuve durant des travaux d'entretien d'égouts en novembre 2015.
De nombreuses municipalités riveraines des Grands Lacs misent sur ce programme pour réduire leurs rejets polluants. C'est notamment le cas d'Ashland, une municipalité de 8000 habitants au Wisconsin, qui a reçu en 2016 du financement pour aménager des installations afin de réduire les déversements d'eaux non traitées dans le lac Supérieur.
Sarah Dorner souligne que les conséquences de la pollution des eaux des Grands Lacs sont bien réelles. En août 2014, environ 400 000 habitants de la région de Toledo, en Ohio, se sont vu interdire d'utiliser l'eau du robinet - même après l'avoir fait bouillir - après la détection de cyanobactéries dans leur réseau de distribution d'eau. L'état d'urgence avait dû être décrété pour alimenter en eau la communauté.
Alors qu'une importante partie des Québécois, dont les Montréalais, s'abreuve à même l'eau du fleuve Saint-Laurent, qui provient des Grands Lacs, d'aucuns s'inquiètent des conséquences.
« Le fait que l'administration Trump coupe beaucoup dans l'Agence environnementale va avoir des effets directs sur la qualité de vie de Montréal, » dit Sylvain Ouellet, de Projet Montréal.
« C'est catastrophique. On le sait, dans le bassin du Saint-Laurent et des Grands Lacs, si c'est pollué d'un côté, c'est pollué de l'autre », s'indigne Martin Chatelain, porte-parole de la Coalition Eau secours. Celle-ci espère que le gouvernement canadien, qui gère l'eau des Grands Lacs avec les États-Unis au sein d'une commission mixte, protestera contre de telles compressions.
La spécialiste Sarah Dorner n'est pas trop inquiète pour l'eau de Montréal. Elle croit toutefois que les Ontariens vivant sur la rive nord des Grands Lacs pourraient en ressentir les effets. « Oui, les Canadiens devraient être interpellés par cela », dit la spécialiste qui a mené des projets de recherches sur la qualité de l'eau des Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent.
Voilà, alors que Denis Coderre préside présentement l'Association des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, Sylvain Ouellet croit que l'épisode du « flushgate » place Montréal en position de faiblesse. « Ça va être difficile de faire la leçon aux autres », déplore-t-il.
Dans un courriel envoyé à La Presse, la responsable de l'eau à la Ville de Montréal, Chantal Rouleau, a indiqué que ces possibles compressions « soulèvent plusieurs inquiétudes ». Elle indique que la Ville de Montréal va travailler avec ses partenaires pour s'assurer que les efforts de protection des Grands Lacs soient maintenus.
À l'instar des gouvernements qui ont annoncé vouloir prendre le relais des États-Unis qui ont aboli leur financement à plusieurs organisations favorables à l'avortement, Sylvain Ouellet espère voir les villes se substituer à l'EPA. L'élu montréalais se dit toutefois conscient qu'un tel scénario représenterait un poids important sur les finances municipales.
> Lire la suite de l'article sur La Presse
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé