La Régie de l’énergie tient actuellement des audiences portant sur la dernière entente entre Hydro-Québec et Énergir qui prévoit un versement de 400 millions $ à la gazière pour le maintien de ses infrastructures qui serait utilisées seulement lors des pointes de températures hivernales. Selon l’IRIS, cette compensation pourrait s’élever à 2,4 milliards d’ici 2050.
C’est le monde complètement à l’envers. Il faudrait payer la gazière pour moins consommer son gaz? Et tout ça, aux frais des consommateurs d’Hydro-Québec par des hausses de tarifs d’électricité, les dindons de la farce... Faut-il rappeler que le gaz d’Énergir est composé à environ 80 % de gaz de fracturation, l’énergie fossile la plus polluante de la planète, plus encore que le charbon? Je ne pensais pas que la créativité tordue pouvait aller aussi loin.
On nous présente cette entente comme une police d’assurance pour les périodes de grand froid. Un autre beau tour de passe-passe de la gazière avec la complicité d’anciens gaziers à la tête d’Hydro-Québec. Il y a plusieurs alternatives pour gérer les pointes hivernales comme la gestion de la consommation des grandes industries, l’efficacité énergétique, l’isolation des bâtiments ou l’installation d’accumulateurs thermiques pour les clients institutionnels d’Hydro-Québec. À mon avis, tout ça ressemble plutôt à un beau prétexte pour justifier le maintien d’une énergie sale et de ses infrastructures payées par les consommateurs d’énergie propre.
Ce n’est pas la première fois que des anciens de Gaz Métro/Énergir, devenus PDG d’Hydro-Québec, utilisent la société d’État pour des projets très bénéfiques à la gazière, mais nocifs pour l’environnement et pour les consommateurs d’électricité. Il y a eu la centrale au gaz du Suroit avec André Caillé, un projet qui a heureusement été bloqué par les environnementalistes et la mobilisation citoyenne. Ensuite, il y a eu la centrale au gaz de Bécancour, celle-là privée, mais avec un contrat d’achat en béton avec Hydro-Québec, négocié sous André Caillé et Thierry Vandal, deux anciens de Gaz Métro. Faute de besoins, cette centrale est fermée depuis longtemps. Hydro-Québec a dû payer la pétrolière TCE et la gazière Énergir plus d’un milliard de dollars, soit plus de 100 millions de dollars par année, pour ne pas produire d’électricité et donc, pour rien du tout. Encore ici, on a essayé de nous endormir sur ce scandale en prétextant une espèce de police d’assurance en cas de pointe hivernale. L’histoire bégaye. D’ailleurs, comme ministre des Ressources naturelles et patronne d’Hydro-Québec, j’avais demandé une copie du contrat à Thierry Vandal, alors PDG, afin d’analyser les possibilités légales d’y mettre fin. Je ne l’ai jamais reçu, car la première ministre s’est ingérée dans le dossier à la demande du PDG pour couper court à mon initiative. Mon intuition était probablement bonne, car pourquoi me refuser la lecture du contrat sinon? Imaginez les centaines de millions de dollars que nous aurions pu sauver collectivement depuis 2013.
Le gaz naturel, tout comme le pétrole, doit sortir de notre équation énergétique un point c’est tout. Il n’est pas question d’enrichir la gazière par de supposées compensations, peu importe le prétexte inventé. Nous devons apprendre des problèmes du passé et comprendre que la proximité entre la gazière et Hydro-Québec est extrêmement inquiétante et malsaine. De constater que le ministre Julien donne son appui à cette entente de dupes est indécent.
Pour toutes ces raisons, la Régie de l’énergie, qui se doit d’être la gardienne des impacts tarifaires sur les consommateurs d’électricité, doit ramener à l’ordre tant Hydro-Québec que la gazière Énergir et refuser d’autoriser cette entente.
Martine Ouellet
Chef Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles 2012-2014
Ancienne gestionnaire Grandes entreprises chez Hydro-Québec