Tunnel Québec-Lévis: «On ne sait pas dans quoi on creuse», prévient un expert

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Un projet qui risque de coûter une véritable fortune

Le gouvernement Legault devra surmonter bien des obstacles avant de voir la lumière au bout du tunnel Québec-Lévis. Seulement sur le plan géotechnique, le défi pourrait devenir périlleux, le lit du fleuve Saint-Laurent constituant une énigme à bien des égards


Chose certaine, le site choisi par le gouvernement pour réaliser son engagement électoral de bâtir un troisième lien routier entre la capitale et la rive sud du fleuve présente un degré de complexité et de difficulté jamais vu, selon un expert.


Le tunnel s'étendra sur un «site qui présente vraiment le plus haut degré de défi» technique imaginable, selon Bruno Massicotte, professeur de Polytechnique à Montréal et ingénieur spécialisé en structures.


Il sait de quoi il parle: c'est à lui que le ministère des Transports avait confié le mandat, en 2016, de préparer une étude visant à démontrer la faisabilité technique d'un tunnel construit entre Québec et Lévis et à en évaluer le coût.


Sa conclusion: c'est faisable


N'empêche. Même s'il est possible, techniquement parlant, de réaliser un tel projet, il n'en demeure pas moins «hors norme» et «non conventionnel», ce qui peut entraîner bien des complications, prévient M. Massicotte, au cours d'une entrevue de plus d'une heure à La Presse canadienne, visant à connaître son point de vue sur le choix du gouvernement, trois ans après le dépôt de son rapport, le seul produit récemment sur un éventuel troisième lien.


Fin juin, le ministre des Transports, François Bonnardel, annonçait qu'il avait envisagé divers scénarios avant de décider que ce troisième lien serait un tunnel sousfluvial, long d'une dizaine de kilomètres, qui reliera l'autoroute 40 à l'est de Québec, sur la rive-nord du fleuve, à l'autoroute 20, sur la rive-sud, en passant sous la pointe ouest de l'île d'Orléans.


Ce tracé correspond à peu de choses près à celui que M. Massicotte avait étudié en 2016. Ce dernier souligne d'entrée de jeu que son étude était «préliminaire» et qu'il recommandait notamment au gouvernement de mener des études géotechniques plus poussées sur la nature des sols avant de procéder.


Il convient que la complexité géologique des lieux et l'aura d'inconnu qui plane autour sont tels que les experts ne partagent pas tous son avis sur la faisabilité du projet.


Cet ingénieur raconte avoir croisé dernièrement un collègue, expert en la matière, «quelqu'un qui en a déjà fait des tunnels comme ça et il ne voyait pas comment on arriverait à faire ça».


Sables mouvants?


Car ce site présente des «particularités qui rendent le projet vraiment complexe», insiste M. Massicotte.


«La plus grande incertitude» reliée au site porte sur l'enjeu géotechnique, soit la nature exacte du sol sous le fleuve, sa consistance et sa solidité.


«On ne sait pas dans quoi on creuse», explique l'ingénieur, précisant que du côté de la rive-nord on doit s'attendre à trouver des fonds sablonneux, des «dépôts meubles», soit du sable gorgé d'eau.


«Si on le brasse, il peut devenir comme du sable mouvant», augmentant d'autant le degré de difficulté pour les constructeurs, qui risquent de devoir jouer les équilibristes entre le sable et le roc, tout en s'assurant que la structure tiendra le coup en cas de tremblement de terre.


D'où l'importance de multiplier les études géotechniques. «Normalement, dans un projet, avant qu'il soit annoncé, on attend d'avoir tous les détails», note M. Massicotte.


Combien ça va coûter?


Le caractère hasardeux - pour ne pas dire vaseux - du lit du fleuve à cet endroit ne facilitera pas l'exécution des travaux, «qui présente des défis, au niveau de la construction, qui sont très élevés».


Personne ne sera surpris d'apprendre que la facture risque de suivre la même tangente à la hausse.


Dans son étude de 2016, M. Massicotte évaluait le coût de construction du tunnel à quelque 4 milliards $, somme à laquelle il fallait ajouter les coûts d'exploitation et d'entretien de 2,3 milliards $ pour le siècle à venir. Et c'est sans compter l'inflation.




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