Un «coup d’État constitutionnel»?

De nouvelles révélations font douter de la légitimité du rapatriement de la Constitution

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Le Canada ? Quel Canada ?

De graves irrégularités qui s’apparentent à un « coup d’État constitutionnel » ont entaché le rapatriement de la Constitution par l’ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau, en 1982, selon une enquête de l’historien Frédéric Bastien.
Le juge en chef de la Cour suprême de l’époque, Bora Laskin, a informé les gouvernements britannique et canadien des délibérations du plus haut tribunal du pays sur le projet de rapatriement de la Constitution, affirme l’auteur québécois. En violant ainsi la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, le juge en chef a commis une faute éthique « gravissime », qui remet en question la légitimité même du rapatriement, fait valoir Frédéric Bastien.
Cette révélation explosive se trouve au coeur du livre La bataille de Londres, qui raconte les dessous du rapatriement de la Constitution par le gouvernement Trudeau, après le non référendaire de 1980 au Québec. Bastien s’appuie notamment sur des documents déclassés du Foreign Office britannique pour décrire cet épisode houleux de l’histoire canadienne.

Déséquilibre des pouvoirs
Le livre montre un Trudeau paranoïaque, manipulateur, imprévisible, mais aussi déterminé, voire entêté, à libérer le Canada de la tutelle britannique. Quitte à se mettre à dos le Québec, qui n’a jamais signé la Constitution de 1982, considérée comme l’oeuvre maîtresse de Trudeau.
Dans les semaines précédant le feu vert de Londres - essentiel au rapatriement -, le plus haut tribunal canadien délibérait sur la légalité de toute cette démarche constitutionnelle. Les gouvernements de Trudeau et de Margaret Thatcher attendaient fébrilement le verdict de la Cour, crucial pour la suite des choses. Mais ils ont eu une bonne idée de ce qui se passait au tribunal, grâce aux indiscrétions fort inhabituelles du juge en chef Bora Laskin. Le juge a dévoilé la teneur des délibérations de la Cour suprême à Michael Havers, procureur général du gouvernement Thatcher, et à d’autres représentants britanniques. Il a fait de même auprès du plus haut fonctionnaire à Ottawa, Michael Pitfield.
« En dévoilant à des politiciens, en temps réel, de l’information sur les délibérations d’une cause dont ils sont partie prenante, Laskin enfreint l’éthique, transgresse les règles, bafoue son serment et viole la Constitution qu’il est responsable de protéger », écrit Frédéric Bastien.
Mis au courant des manoeuvres du juge Laskin, John Ford, haut-commissaire britannique à Ottawa, écrit alors à ses supérieurs, à Londres, qu’il s’agit d’une « véritable tentative de coup d’État en vue de modifier l’équilibre des pouvoirs dans la Confédération ».

Claude Morin indigné
Ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes de René Lévesque à l’époque, Claude Morin s’est dit surpris de « la démarche en sous-main » du juge Laskin, démarche qu’il ignorait totalement en 1981. Violer ainsi la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif est inconcevable à ses yeux. « Ça ne devrait pas se pratiquer dans un pays civilisé. »
« Je suis étonné de voir jusqu’où les fédéraux ont été - Trudeau en particulier et le juge - pour réussir leur opération », a-t-il livré au Devoir. Il a rappelé que, dans son ouvrage Les lendemains piégés, il avait démontré, comme d’autres, que Pierre Elliott Trudeau avait menti aux Québécois quand il avait promis des changements si les électeurs votaient Non, un engagement que les Québécois avaient interprété comme un renouvellement du fédéralisme. « Il y a eu ce mensonge absolument fantastique de dimension […]. Là, on apprend qu’il a triché jusqu’à la fin. »
« Je conclus qu’il y a une réparation à faire en partant du tort qui a été causé au Québec et des méthodes qui ont été utilisées », a-t-il affirmé.


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