La loi de 1875 sur la Cour suprême :

Un désaveu de la constitution de 1867

Une autre capitulation honteuse des Canadiens français

Chronique de Me Christian Néron

La Cour suprême du Canada a été créée en 1875 par une loi ordinaire du Parlement fédéral. Dès l’année suivante, la cour entendait ses premiers appels… et se comportait comme si l’anglais avait été déclaré seule langue officielle du Canada et de la justice. À l’occasion, des juges du Québec rédigeront leurs motifs en français.

Bien que créée pour rendre justice à tous les Canadiens, la Cour ne tardera donc pas à donner la preuve que les justiciables n’étaient pas tous égaux devant la loi. Quelques Canadiens français vont se demander pourquoi le Parlement fédéral avait avantagé l’anglais au détriment du français, mais aucun n’osera protester. Alors que prescrivait la loi ? Pour en savoir plus, retournons brièvement au texte de 1875.

Sur un sujet aussi capital que celui de la langue, la loi de 1875 est muette, comme si la question ne se posait pas, comme si tout avait été dit et réglé, que tout allait de soi, qu’il n’y avait rien à rajouter. Bref, seulement huit ans après la mise en vigueur de la Confédération, le Parlement fédéral avait délibérément occulté le sujet de la langue à la Cour suprême. Mais pourquoi un tel silence ? Pourquoi ne pas avoir favorisé l’idée de justice pour tous en proclamant une égale dignité des deux langues du Canada? La raison est pourtant simple : toute idée d’égalité des deux nations fondatrices de la Confédération était désormais inacceptable à la majorité au Parlement fédéral. Le Canada de 1875 n’était déjà plus celui de 1867 : maintenant que la Confédération était chose faite et à la satisfaction de la majorité, les esprits étaient devenus si revêches qu’il faudra attendre presque cent ans, soit 1969, pour que le Parlement fédéral se résigne enfin à consentir à la Loi sur les langues officielles, loi qui proclamera l’égalité – théorique ! – des deux langues du Canada.

Avant cette date, l’anglais s’imposait donc sans partage, non pas en vertu de la loi, mais en vertu du fait colonial, c. à d. de l’intérêt du plus fort. La primauté de l’intérêt du plus fort donnait une telle suprématie à l’anglais que les Canadiens français, toujours disposés à s’incliner et à s’excuser d’exister, ne songeaient même pas à s’en plaindre.

Dans la loi de 1875, formée de quatre-vingt un articles, on ne trouve donc pas une phrase, pas une ligne, pas un mot sur la question de la langue. Par contre, quand on prend la peine d’examiner l’ensemble de la loi, on constate que plein de sujets ont été réglés par le détail. Il est donc évident que le silence du Parlement fédéral sur la langue constitue un choix mûri et réfléchi. Par exemple, l’article 6 de la loi consacre vingt-deux lignes pour régler la seule question du salaire des juges. Dans le même sens, il y a plusieurs articles qui réglent le salaire du registraire, du shérif, du coroner, du rapporteur. Le législateur a même prévu un article de cinquante-cinq lignes pour la seule question des appels en matière de contestation d’élections. Bref, la Parlement fédéral a, à sa façon, légiféré sur la langue par silence interposé, silence qui, d’ailleurs, ne sera jamais rompu en cent quarante ans.

Alors quel était l’avantage stratégique de légiférer par silence interposé ? La réponse est simple : quand tous les aspects fondamentaux de la vie en société sont réglés par des lois claires, stables et certaines, les droits de chacun sont mieux garantis, de sorte que les prétentions de ceux qui aspirent à la primauté de leurs intérêts sont plus difficiles à justifier. En 1875, la meilleure façon de favoriser la primauté de l’anglais à la Cour suprême était de faire confiance aux dispositions naturelles des juges de la majorité, mieux placés pour assurer la survie de l’héritage colonial du Canada, c. à d. de mettre l’intérêt du plus fort au dessus de la loi sans que le procédé ne puisse leur être reproché. Mais ce pied de nez à la justice la plus élémentaire était-il fatal ?

Eh bien, quand on se donne la peine de mieux considérer l’histoire de notre droit et celle de l’Angleterre, on découvre plein d’arguments qui permettraient de mettre en échec, à la Cour suprême, la primauté de l’intérêt du plus fort. Ainsi, compte tenu que le Parlement fédéral a délibérément occulté la question de la langue, il nous faut nous souvenir que l’objectif de la Confédération n’a jamais été de faire disparaître nos anciennes lois, mais de les mieux protéger en créant des institutions fédérales pour favoriser… « la prospérité des provinces » ! À l’époque, George-Étienne Cartier avait été clair et ferme sur le principe : la Confédération devait permettre aux Canadiens français de mieux protéger leurs lois et coutumes, héritées du Régime français, et consacrés par l’Acte de Québec.

Pour favoriser ainsi la « prospérité des provinces », il fut précisé au préambule de la nouvelle constitution que l’« union fédérale » ainsi créée « reposera sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni », ce qui voulait dire que cette dernière pouvait, selon les circonstances, servir de modèle ou de droit supplétif pour les institutions fédérales. En d’autres mots, on pouvait s’en inspirer ou y puiser une règle de droit chaque fois que le droit fédéral ne prévoyait pas de solution adéquate à un sujet donné. Alors peut-on en tirer des enseignements au sujet de la langue ? La réponse est oui !

Il est écrit, à l’article 1 de la Loi sur la Cour suprême de 1875, que le tribunal d’appel ainsi créé constituera une cour « de common law ». De cette qualification juridique découle la conséquence suivante : chaque fois que la loi fédérale laissera une question en suspend, on pourra se prévaloir des coutumes et des usages des principaux tribunaux de « common law » du Royaume-Uni. Ainsi, s’agissant de la question de langue à la Cour suprême, les précédents anglais en matière de langue peuvent être appliqués à titre de droit supplétif. Alors quel était l’état du droit anglais en matière de langue ?

En Angleterre, le plus ancien et le plus haut tribunal de common law est le Banc du Roi. Ce sont donc les précédents qui y ont pris forme qui peuvent servir de droit supplétif pour la Cour suprême du Canada. Plus précisément, c’est l’histoire de l’évolution de la langue devant ce tribunal qui s’avère éclairante pour notre sujet. Alors voici.

Les origines du Banc du Roi sont presqu’aussi anciennes que la conquête normande. À l’origine, bien avant que ce tribunal ne prenne le nom et la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, la justice était administrée par le roi en personne au milieu de son conseil. Chaque décision était dite « coram rege et consilie », c. à d. rendue devant la cour du roi et son conseil. Cette façon de rendre justice a duré pendant près de deux siècles. De plus, compte tenu que le roi et ses barons ne connaissaient que le français, les délibérations et les jugements se faisaient nécessairement dans cette langue.

Par ailleurs, le roi et ses barons n’étaient jamais tout à fait seuls à la cour. En tout temps, il y avait, assis discrètement à l’écart, un scribe ou clerc qui prenait des notes, enregistrait les décisions, ou lisait au besoin des extraits de documents. C’était l’usage d’avoir ainsi un clerc sous la main, d’autant plus que le roi et ses barons étaient de joyeux illettrés. Toutefois, rendre justice au milieu de ses barons était une charge exigente pour le roi qui se déplaçait continuellement aux quatre coins du royaume. Ces déplacements l’obligeaient à amener les parties au litige avec lui, ou à reporter les auditions, ce qui s’avérait lourd et onéreux pour les justiciables. En conséquence, le roi va se mettre à déléguer des responsabilités judiciaires à ses clercs. Ultimement, il va en autoriser quelques uns à entendre les litiges à sa place et à rendre les jugements en son nom. Le roi cessera d’être présent physiquement à la cour, mais il le demeurera fictivement, et tout jugement ne sera rendue qu’en son nom. Au fil du temps, cette cour prendra le nom de « Banc du roi ». Quant aux clercs, ils feront valoir leur dignité en se faisant appeler « Votre seigneurie ». Alors qu’adviendra-t-il de la langue du roi au cours de cette nouvelle étape de son évolution ?

Eh bien, la langue du roi, langue de la justice, va se consolider pour devenir une institution de premier plan. Compte tenu que toute coutume se forme à partir d’une observance rigoureuse des pratiques les plus anciennes, les juges vont se faire les plus ardents défenseurs de la langue française au titre de langue du roi et de la justice. Ils entendront les causes en français, exigeront des avocats qu’ils plaident en cette langue, et ils rendront leurs jugements en conséquence. De cette pratique résultera que les recueils de jurisprudence et les ouvrages de droit seront publiés en français. Même les étudiants des écoles de droit seront tenus d’étudier leurs textes et de faire leurs exercices en français. Cette coutume se poursuivra pendant des siècles avec rigueur et persévérance. Mais beaucoup se plaindront que la justice du roi soit rendue dans une langue qui n’était plus la leur.

Un bilinguisme judiciaire va se développer tout au cours du XVIIième siècle, puis le Parlement de Westminster adoptera la loi de 1731 [ 4 Geo. II c. 26 ] pour supprimer l’usage du français dans les actes de procédure. À cette occasion, lord Raymond, juge en chef du Banc du Roi, sera le premier à rendre un vibrant plaidoyer pour mettre en garde les lords du Parlement contre le danger qu’il y avait de bannir ainsi une langue dans laquelle tout le droit et son vocabulaire s’étaient développés pendant plus de six siècles. Il craignait également pour le droit constitutionnel de l’Angleterre compte tenu que la langue dans laquelle tant de jurisprudence avait été écrite risquait de ne plus être maîtrisée par les étudiants en droit. Aujourd’hui, les Anglais reconnaissent que cette mise en garde était fondée et regrettent qu’il n’y ait plus que quelques spécialistes capables de consulter leurs archives judiciaires, considérées comme un joyau sans égal laissé à l’abandon.

Est-ce à dire que, à partir de la loi de 1731, la langue anglaise allait devenir la langue obligatoire des tribunaux de common law dans toutes les colonies de l’Angleterre ? Absolument pas ! Voici pourquoi.

Premièrement, une distinction fondamentale s’impose, en droit anglais, entre une « coutume », loi héritée au fil du temps de la sagesse des ancêtres, et un « statut », loi politique votée le plus souvent distraitement et au gré des intérêts du moment par une majorité au Parlement de Westminster. Cette distinction est fondamentale en ce sens qu’elle a donné lieu à une théorie des sources dans l’interprétation du droit. Ainsi, la loi « politique » du Parlement – appelée statut – est lue et interprétée de manière à déroger le moins possible à la loi « coutumière » jugée plus sage, plus stable, plus conforme aux intérêts réels de la population. Par exemple, dans le libellé de la loi de 1731 [ 4 Geo. II c. 26 ], le législateur a lui-même pris la peine de spécifier que l’interdiction de l’usage du français n’aura force de loi que dans cette « partie de la Grande-Bretagne qu’on appelle Angleterre ». La loi de 1731 crée donc une exception à la coutume, mais n’en abroge pas le principe ! La longue tradition qui avait fait du français la langue du droit et des tribunaux de common law est maintenue à l’extérieur de l’Angleterre, ce qui, bien entendu, inclut la Cour suprême du Canada.

Deuxièmement, compte tenu de son objectif spécifique, la loi de 1731 [ 4 Geo. II c. 26 ] n’a nullement modifié le caractère patrimonial et officiel du français en tant que langue de la royauté anglaise. Là encore, la tradition résiste à la modernité  : le français reste la langue du roi comme si la loi de 1731 n’avait jamais existé. Bien entendu, les rois, à partir du XVième s., auront de plus en plus l’anglais pour langue maternelle, mais une coutume n’existe que dans la mesure où une façon de faire est répétée et, surtout, rigoureusement observée : jamais le Parlement de Westminster n’osera proposer le moindre changement au caractère historique de la langue française au titre de langue officielle de la royauté.

Troisièmement, les Anglais d’Angleterre ont toujours été, en nombre et en importance, les principaux sujets des rois d’Angleterre, mais jamais les seuls ! Ces rois ont toujours eu des dépendances et des colonies gouvernées par leurs propres lois et coutumes, et où la langue était autre que l’anglais. À titre anecdotique, il est bon de se rappeler que les rois d’Angleterre ont tenu mordicus à porter le titre de « rois de France ! » jusqu’au 1er janvier 1801.

Quatrièmement, il est évident que les usages changent au cours des siècles, mais tout changement, même généralisé, n’acquiert pas nécessairement force de loi. Par exemple, un usage, même très ancien et généralisé, ne pourra acquérir force de loi s’il tend à se substituer à un usage plus ancien… ayant déjà force de loi ! En ce cas, il n’y aura qu’une loi expresse du Parlement de Westminster qui pourra lui donner force de loi. Le même principe s’applique en matière constitutionnelle. Ainsi, encore aujourd’hui, la reine d’Angleterre est tenue de donner son assentiment à un projet de loi qu’en français. Le fait que sa langue maternelle soit l’anglais n’y change rien : c’est la tradition qui fait la loi. Consentir par mégarde en anglais serait tenu pour nul de nullité absolue. Les apparences sont donc souvent trompeuses : il faut prendre la peine de toujours examiner l’état du droit à un moment donné pour distinguer ce qui est légal de ce qui en a seulement les apparences. Cette mise en garde vaut particulièrement pour les pays où « le fait colonial » a tendance à se placer au-dessus de la loi.

Cinquièmement, en matière coloniale, la règle a toujours été que les lois du Parlement de Westminster ne s’appliquaient pas aux colonies acquises par « conquête, cession ou traité », sauf exception pour les lois sur le commerce et la navigation. En conséquence, si les lois anglaises ne s’appliquent pas à ces colonies, à plus forte raison la loi de de 1731 [ 4 Geo. II c. 26 ] où le législateur a pris la peine de préciser que l’interdiction de l’usage du français n’aurait force de loi que dans cette « partie de la Grande-Bretagne qu’on appelle Angleterre ». Bref, la loi de 1731 n’a été adoptée que pour accommoder les Anglais, chez eux en Angleterre ! et non pas pour en abroger le principe.

Au Canada, le Parlement fédéral a voulu maintenir la tradidion anglaise en spécifiant que la Cour suprême serait un tribunal de common law, tout en gardant le silence au sujet de la langue. Ce silence s’explique d’ailleurs mal quand on sait que la Confédération, mise en vigueur huit ans auparavant, avait été fièrement présentée par les Pères fondateurs comme un pacte « amical, cordial et fraternel » entre deux nations liées par un pays en partage. Pour passer d’une si belle promesse à la réalité, il aurait été tellement plus simple d’affirmer sans réserve la pleine égalité des deux langues du Canada. Mais le Parlement fédéral, fort de sa majorité de langue anglaise, a misé sur un espace d’incertitude qui reniait les promesses « d’amitié, de cordialité et de fraternité » si chaudement proclamées quelques années auparavant.

Dans les faits, cet espace d’incertitude allait dans la logique du réflexe habituel où coloniaux et colonisés reconnaissent spontanément le degré de dignité dévolu à chacun. C’est en ce sens que, à la Cour suprême, l’anglais s’imposera sans discussion ni contestation comme langue des vraies affaires. Le vieux réflexe colonial a été d’autant efficace que l’injustice, au lieu d’être vivement dénoncée comme une trahison de l’esprit de la Confédération, sera reçue comme une fatalité, pour ne pas dire comme une sorte de complicité obligée du colonisé. C’est ainsi que, de petite lâcheté en petite lâcheté, la Constitution de 1867 se remodèlera au fil des actes de soumission. Le colonianisme, ce n’est pas seulement la domination du plus fort : c’est surtout la capitulation du plus faible ! Mais il y a d’autres arguments qui militaient en faveur du français à la Cour suprême. Examinons.

Au delà de la coutume anglaise sagement établie et fidèlement observée au cours des siècles, il y a un argument majeur qui milite encore en faveur du français à la Cour suprême : il s’agit des anciennes lois et coutumes du Canada. En 1663, le français est devenu, par la mise en vigueur de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, la langue officielle et de la justice au Canada. Malgré le changement de régime et la Proclamation royale de 1763, cette ordonnance ne sera pas abrogée ni même modifiée : ce qui veut dire que – jamais ! – elle ne cessera d’être la loi fondatrice du français au Canada.

Pour ce qui est de la langue anglaise au Canada, on est face à une zone de non-dit et de non-droit puisque jamais le Parlement de Westminster ne jugera opportun – comme il l’avait fait pour l’Angleterre en 1731 – de lui octroyer ici quelque considération que ce soit. Bien entendu, elle jouira des privilèges de son statut colonial, mais il y ne faut pas s’y tromper : qui dit « colonial » ne dit pas forcément « légal ». Le colonialisme est un phénomène de pouvoir qui se soucie assez peu de légalité, et encore moins de justice. Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir juste. En fait, quand on prend la peine de bien considérer l’évolution de notre droit, il faudra attendre la Loi sur les langues officielles de 1969 pour que l’anglais soit enfin proclamé langue officielle du Canada. À part quelques dispositions spécifiques à la loi de 1867, tout ce qui est antérieur à 1969 en faveur de l’anglais relève du fait colonial, et non de la loi.

De 1663 à 1875, l’évolution du droit relatif à la langue au Canada se résume donc comme suit :
a) L’Ordonnance de Villers-Cotterêts, mise en vigueur au Canada en 1663, a fait du français la seule langue officielle de l’État et de la justice ;
b) Cette ordonnance, confirmée en 1774 par l’Acte de Québec, n’a jamais été abrogée : ni par le Parlement de Westminster, ni par le Parlement du Canada, ni par l’Assemblée législative du Québec ;
c) Aucun statut du Parlement de Westminster n’a jamais proclamé l’anglais langue officielle du Canada ;
d) La Loi constitutionnelle de 1867 n’a pas proclamé l’anglais langue officelle du Canada ;
e) La Loi sur la Cour suprême de 1875 ne dit rien sur la langue et ne comporte aucune clause autorisant ses juges à utiliser l’anglais lors des audiences ni à écrire leur jugements dans cette langue ;
f) Seule la loi de 1969 sur les langues proclamera le français et l’anglais langues officielles du Canada.
g) Mais au-delà du droit, l’anglais s’imposera comme fait colonial… jusqu’à ce jour !

Ainsi, malgré un état de droit qui, légalement, favorisait bien davantage le français que l’anglais, les juges de la Cour suprême n’hésiteront pas à faire de l’anglais la langue officielle de leur tribunal. Au lieu d’examiner l’état du droit dans un esprit de justice, au lieu de partir du principe que la loi de 1875 avait été adoptée dans l’intérêt de tous les justiciables, ils vont se comporter comme si la justice pouvait privilégier l’intérêt du plus fort, comme si le droit pouvait être autre chose qu’un pouvoir moral juste. Censés incarner l’idée de justice au sein de cette constitution qui n’avait pas dix ans, les juges de la Cour suprême vont appliquer sponténament la loi naturelle de tout colonial en pays conquis : l’intérêt du plus fort. Pouvaient-ils prévoir que les justiciables de langue française se résigneraient à une telle parodie de justice ? Eh bien, l’histoire n’a pas attendu pour leur donner entièrement raison : consentir à une injustice est encore plus facile que de la commettre.

Aucun juge ne peut ignorer que le droit est l’une des matières qui se prêtent la plus mal à la traduction. Entendre un appel par traducteur interposé et étudier un dossier d’une grande complexité – à partir d’un simple résumé !!! – constitue une aberration. Tout juge qui se prête à un tel exercice se place aux antipodes du bon sens quand on sait qu’une seule faute de ponctuation peut perturber la lecture d’un texte, déséquilibrer une phrase, en faire basculer le sens, trahir une idée essentielle. Alors que font ces juges unilingues à la Cour suprême ? Òu avez-vous vu une malhonnêté intellectuelle plus crasse que ça !

Eh bien oui, il y a pire : refuser de se battre pour exiger le droit à la justice dans son propre pays est d’une indignité incommensurable !

Christian Néron
Membre du Barreau du Québec,
Constitutionnaliste,
Historien du droit et des institutions.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    20 septembre 2015

    L'enseignement de l'histoire à l'école a une dimension civique et idéologique évidente. Il assure la cohésion d'un peuple. L'histoire enseignée n'est jamais neutre et sert un projet politique. Ainsi, l'histoire repentante sert le multiculturalisme par abaissement de la culture dominante diabolisée et rehaussement des autres cultures posées en victimes de l'histoire.