Un livre de Sandrine Rousseau : la prophétesse et la genèse du mâle

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Le manichéisme déconstructeur de la gynocrate


La pasionaria de l’écoféminisme en est certaine et le proclame haut et fort : la fin des temps est proche. « Anéantissement biologique », « hécatombe du vivant », « extinction de masse » : s’apprête à disparaître dans l’indifférence des puissants. « Ces mots terribles n’ont aucun effet sur nos politiques », écrit dans un essai au titre ésotérique, Par-delà l’Androcène, qui suggère néanmoins la possibilité d’un dépassement et donc d’un salut.


Il est vrai que les « révélations » contenues dans les récits apocalyptiques ont avant tout pour but de donner des raisons d’espérer à des communautés dans l’épreuve. Or, souffre. À Libération, le 24 août dernier, elle expliquait n’avoir jamais été autant « éco-anxieuse » que depuis qu’elle était à l’Assemblée nationale. Ses visions lui permettent néanmoins de dévoiler à ses contemporains le sens caché de l’Histoire et de leur révéler les origines du mal pour mieux le combattre.


L’Androcène fait référence à l’« anthropocène », concept utilisé pour désigner une nouvelle époque géologique qui aurait débuté avec la révolution industrielle et à partir de laquelle l’humanité aurait commencé à exercer une influence sur la géologie et les écosystèmes.


Pour et ses deux coauteurs, il faut cesser d’imputer de façon indifférenciée ce processus destructeur à l’humanité tout entière. Parler d’« androcène », c’est reconnaître que la faute originelle a été commise par des hommes qui « ont exploité et ont asservi une multitude d’individus pour leurs propres intérêts et ont décidé de cette société patriarcale et capitaliste ». Des mâles qui valorisaient « la guerre » et « la puissance » et qui ont imposé au monde leurs structures de domination. À Libération, elle explique qu’Elon Musk est « une figure de l’androcène ». Il correspond à cet « archétype d’homme, entrepreneur et conquérant » qui fascine « alors qu’il faudrait le considérer parmi les plus grands écocidaires de tous les temps ».


Car ce sont ces hommes qui ont corrompu le monde : dérèglement climatique, déforestation, colonialisme, esclavage, racisme, soumission des femmes, injustices sociales - tout est lié.


L’Androcène s’est manifesté dans la séparation entre la nature et la culture. À la nature considérée comme inférieure et soumise ont été assimilés « les animaux comme les femmes », « les Noirs » et les colonisés. Il faut donc désigner les coupables et déconstruire leur « système de valeur ». Se libérer « d’une vision viriliste et androcentrée du monde, où la nature vivante, sacrée, soignante, est devenue profit, ressources, revenu ». Alors, après les épreuves qui ne manqueront pas, le Bien finira par triompher, les écoféministes seront sauvés et leurs persécuteurs anéantis pour toujours.


a vu la terre nouvelle promise aux élus, car « déconstruire libère nos manières de penser et nos imaginaires, et nous permet d’envisager une autre société : égalitaire et juste, sobre et solidaire ». Les tonalités apocalyptiques des déclarations de Sandrine Rousseau, sa tentative d’élaborer un récit des origines et son évocation d’une nature « sacrée » illustrent la dimension mythologique de l’idéologie écoféministe qui croit pouvoir offrir une explication et une solution temporelles au problème du mal.


Comme nous l’avions évoqué à propos de l’hypothèse Gaïa, cette mythologie n’a rien de nouveau et se situe dans le prolongement de courants issus de la contre-culture des années 60 marqués par un rejet de la figure du père et un appel au retour d’un divin maternel et fusionnel, immanent au monde, porteur d’un système de valeurs féministes et écologistes.


Dans les années 1970, l’archéologue Marija Gimbutas proposait un récit des origines dans lequel une civilisation pré-indo-européenne, pacifique et vivant en osmose avec la nature, dénommée « culture préhistorique de la déesse », avait été détruite par des tribus indo-européennes de type patriarcal animées par une psyché guerrière et dominatrice.


Derrière le côté fantaisiste ou folklorique de ces théories se dessine une réécriture manichéenne de l’Histoire de l’Occident dans laquelle l’homme blanc hétérosexuel est appelé à résipiscence. Car Sandrine Rousseau en est convaincue : les temps sont proches. Si les hommes, « par-delà l’Androcène », veulent accéder au monde nouveau qu’elle annonce, il leur faudra alors prendre au sérieux l’appel des Walkyries écoféministes : « Machos de tous les pays, déconstruisez-vous ! »