Alors que Québec s’apprête à mener une consultation au sujet du pouvoir des conseils d’administration par rapport aux offres d’achat hostiles, l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS) affirme que les conseils devraient pouvoir « simplement dire non » et que l’absence d’un tel droit « n’est pas étranger » au déclin des sièges sociaux.
Dans une première prise de position, publiée hier, la section québécoise de l’IAS estime que Québec doit « permettre aux conseils d’administration d’être juges du bien-fondé d’une offre d’achat non sollicitée en fonction de la règle de l’appréciation commerciale », cela nécessitant toutefois une « discipline rigoureuse ».
Lors d’un entretien, le président du conseil de l’IAS-Québec, Jean La Couture, a dit qu’il ne s’agit pas de mettre en oeuvre des mesures protectionnistes mais « d’avoir les mêmes mesures qu’ailleurs », une référence à la trentaine d’États américains qui ont adopté une règle similaire.
L’idée de donner plus de pouvoirs aux conseils a pris de l’ampleur en 2012 lorsque le quincaillier américain Lowe’s a fait une offre d’achat non sollicitée pour Rona. Le geste a suscité de vives réactions à Québec, où le Parti libéral, alors au pouvoir, a immédiatement affirmé le besoin de protéger cette entreprise jugée stratégique en raison de ses fournisseurs québécois.
Il y a quelques semaines, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a affirmé en commission parlementaire que le Parti québécois allait « très prochainement » lancer la consultation, ce à quoi son prédécesseur, Raymond Bachand, l’a incité à carrément déposer un projet de loi ou, au pis aller, à tenir une commission parlementaire consultative.
Des conseils limités
« Actuellement, il est difficile pour une société canadienne ciblée par une offre d’achat non sollicitée de simplement dire non et de rester indépendante, a écrit la section québécoise de l’IAS. Les conseils d’administration sont limités dans leur capacité d’examiner d’autres alternatives que la vente et de prendre une décision basée sur les intérêts à long terme de la société. »
L’IAS a ajouté que « le cadre réglementaire actuel n’est certes pas étranger au déclin régulier du nombre de sièges sociaux canadiens par des prises de contrôle étrangères. Leur nombre a d’ailleurs sérieusement chuté depuis 1999 ; pensons simplement au fleuron québécois Alcan inc. vendu au profit de l’anglo-australienne Rio Tinto en 2007 ».
Lors de l’étude des crédits à l’Assemblée nationale au milieu du mois de février, le ministre Marceau a dit que son objectif, en organisant une consultation, est de « voir comment la communauté d’affaires réagit à la possibilité de revoir l’encadrement légal ».
En complément, l’ex-ministre Raymond Bachand, qui se trouve en fin de parcours de la course à la chefferie, a affirmé que, « quand Couche-Tard ne peut pas acheter Casey’s, mais que Casey’s pourrait acheter Couche-Tard, quand Alcoa peut acheter Alcan, alors qu’Alcan ne pouvait pas acheter Alcoa, il y a quelque chose qui ne marche pas ».
En 2009, le temps filait
La Loi sur les sociétés par actions a fait l’objet d’une réforme colossale en 2009, mais la question des pouvoirs des conseils d’administration n’a été que légèrement évoquée en commission parlementaire. Si on avait voulu s’y attaquer, le processus aurait été prolongé de quelques mois, car il aurait fallu que d’autres juridictions avancent dans la même direction, principalement l’Ontario, a dit M. Bachand hier lors d’un entretien.
Le National Post a écrit au mois de janvier que les avocats spécialisés à Toronto s’attendent à ce que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario présente cette année de nouvelles règles pour les conseils d’administration.
À défaut d’introduire le pouvoir de carrément refuser une offre d’achat hostile, croient ces avocats, la CVMO pourrait au moins leur donner plus de temps pour la combattre.
Un «non» vraiment québécois
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