La suite de la COVID

Un Québec à deux vitesses

Que fera-t-on demain pour se relever de la crise ?

70f13bcd6bb029a02888bd91fa87854f

Tribune libre

Peu importe l’origine du coronavirus et de ses conséquences planétaires pas encore tout à fait comprises, cette pandémie est un grand révélateur des développements récents et, a fortiori, à venir au Québec.


Pendant près d’une génération, les Québécois ont été bercés dans une croissance relativement forte et ininterrompue sans aucune politique d’envergure sous-jacente, si ce n’est des retombées de l’état canadien devenu pétrolier.  Ainsi, nos enfants, pour la première fois de leur existence, font face à un évènement qui vient chambouler leurs habitudes, liberté et confort.


Également, peu importe si le confinement de cette ampleur était nécessaire ou non, il faut bien admettre qu’il a généré deux catégories de citoyens : Ceux qui reçoivent leur plein salaire et, parfois, même davantage et ceux qui devront se contenter de prestations diverses des gouvernements comme la PCU.  Question d’assurer une certaine « cohésion sociale », le gouvernement Legault de même que les municipalités n’ont pas eu le choix que de payer l’ensemble des fonctionnaires, qu’ils soient essentiels ou non.  Évidemment, payer les 5 000 employés de Loto-Québec dans ce qui pourrait apparaître de plus non essentiel pourrait faire jaser…


De ce confinement, il faut mettre en perspective que ce sont les employés du secteur privé, les travailleurs autonomes et les petits entrepreneurs qui ont subi et subiront la très grande majorité des dommages collatéraux de la pandémie (chômage élevé, faillites, pertes d’opportunités, etc.).  Plusieurs économistes parlent maintenant d’une chute brutale du PIB de 10 à 15% d’ici la fin de 2021.


Ainsi, d’une part, le secteur privé fait des pressions pour atténuer le confinement le plus rapidement possible pour survivre et, d’autre part, un secteur public (comprenant aussi les syndicats et les corporations médicales) qui ne voit que des risques en les multipliant au gré des discussions, notamment salariales; le gouvernement Legault devra trancher et la fin du confinement, sans doute progressif, ne sera pas facile puisqu’inédit.  


Au-delà des tensions privé-public qui se maintiendront au moins à moyen terme, nos aînés seront les grandes victimes de cette pandémie.  Cette situation met en lumière le déséquilibre dans le traitement inégal de ces aînés tel qu’abondamment décrit dans nos médias.  Il est de bon aloi de vouloir trouver un coupable et imputer la responsabilité à quelqu’un; certainement, la triade Charest-Couillard-Barrette ferait sans doute l’affaire, mais honnêtement, la CAQ n’avait aucun plan sérieux pour remédier à la situation (j’exclus ici le gouvernement Marois car minoritaire et de courte durée, mais avec un ministre, Réjean Hébert, qui voulait améliorer les choses…).


La situation de nos aînés s’ajoute à la longue liste de services qui se privatisent à qui mieux mieux : Écoles privées, garderies privées souvent mal encadrées, médecine privée émergente, etc.  L’éducation (incluant les garderies), la santé et, j’ajoute ici, le service de la dette constituent 80% du budget du Québec.  À ce total, il faudrait ajouter la Sûreté du Québec, les juges, avocats et greffiers, le Ministère des transports pour au moins l’entretien de nos routes, le Ministère du revenu, l’aide sociale, etc.  Tout cela traduit le fait que le gouvernement du Québec n’a peu ou pas de marges de manœuvre.


Il ne faut pas trop se fanfaronner sur les prouesses de discipline budgétaire et de la bonne gestion du Québec : Les récents surplus budgétaires apparaissent maintenant comme ponctuels et attribuables à une augmentation de la péréquation (dont la pérennité est incertaine) et, surtout, le bas taux de chômage avec le remplacement des baby-boomers et l’essor de la construction avec les taux d’intérêts historiquement faibles qui a favorisé l’immigration massive.


À partir de 2022, l’essentiel de la fonction publique aura été remplacée et, au plus tard, en 2026, pour le secteur privé.  Évidemment, cette pandémie va accélérer cet échéancier et le nombre de chômeurs et de prestataires d’aide sociale devrait remonter significativement et, surtout, si l’immigration massive se poursuit. 


Tant que le gouvernement du Québec ne mettra pas en place une politique économique d’envergure, les prochaines années seront très difficiles.  Déjà, avant que la pandémie ne survienne, les économistes (Desjardins en tête) prévoyaient de faibles taux de croissance pour le Québec ne dépassant 1,5% pour les années à venir.  Il faudra récupérer la chute du PIB dû à la pandémie et on comprend que cela prendra plusieurs années à se matérialiser.


Bien sûr, il est possible de rogner les prestations d’aide sociale, de couper certains fonctionnaires, de transférer certaines responsabilités, etc., mais il n’en demeure pas moins que des choix difficiles (et kafkaïens) devront être faits.  À défaut d’avoir une vraie République, il est toujours possible de s’attaquer à la seule que nous avons : Les médecins…


Il est aussi possible de spéculer sur l’ampleur du déficit prochain qui sera assurément important. Que ferons-nous des demandes syndicales pour le renouvellement de la prochaine convention collective ? De celles de nos médecins ?  Et j’en passe…  Le Québec se dote de services qu’il ne peut plus financer d’où le laisser-aller vers la privatisation autant tranquille que sournoise.  Quelles seront les cibles suivantes : L’école primaire privée pour payer un peu plus de soins à domicile pour nos aînés ?


La liberté individuelle (and speak english) telle que promue par nos Chartes n’a pas que des vertus. S’il est vrai que ces chartes sont le contrepoids naturel des régimes totalitaires, quelles en sont ses limites ?  Plus de liberté individuelle n’entraîne-t-il pas plus de conflits et, in extensio, plus d’actions gouvernementales pour arbitrer ces conflits ?


Qui dit plus d’actions du gouvernement, dit plus de législations et de règlements qui nécessitent plus de services et plus de $$$.  Il est plus que nécessaire que des actions collectives soient posées pour freiner la démesure de l’accroissement sans limite de nos services.


Un Québec qui maltraite ses aînés est un Québec qui va nulle part.  Des efforts louables seront effectués sans doute et nécessitera beaucoup de vigilance, mais cela ne sera pas assez.


Le Québec devra innover, mettre en place de nouvelles politiques économiques d’envergure, faire des choix difficiles, et se positionner autrement dans une foule d’enjeux.  Le Québec doit se réinventer, se prendre en main et se projeter dans l’avenir avec toute la solidarité dont il est capable.


Tant que le Québec existe, alors il ne se posera jamais un problème qu’il ne pourra résoudre.


 



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé