Une bénédiction

Crise sociale - JJC le gouvernement par le chaos



On dit que seuls les sots s’entêtent à répéter les mêmes gestes en espérant des résultats différents.
Le premier ministre Charest a bien des défauts, mais il est loin d’être un sot. Il ne répétera jamais l’erreur qu’il a commise au printemps 2007, quand il a choisi de faire campagne sur le bilan de son premier mandat. Il s’en est fallu de peu que sa carrière politique connaisse une fin abrupte.
Bien avant que Jacques Parizeau ne réfléchisse à haute voix sur le sujet, M. Charest avait très bien vu les avantages de la crise comme instrument politique. À l’automne 2008, l’implosion des marchés financiers lui en a offert une sur un plateau d’argent. Il lui fallait avoir les deux mains sur le volant pour permettre au Québec de surmonter cette terrible épreuve.
Bien entendu, il serait « grotesque » et même « ignoble » de penser qu’il a programmé de façon machiavélique un affrontement avec les associations étudiantes. En tout cas, il n’avait certainement pas prévu l’ampleur que prendrait la crise. Quoi qu’il en soit, puisqu’elle est là, pourquoi s’empresser de la régler ?
La porte demeure ouverte aux étudiants, a répété le premier ministre, mais il a clairement indiqué que le gouvernement n’entendait pas prendre l’initiative d’une nouvelle offre. L’idée d’une médiation, que la nouvelle présidente de la FECQ, Éliane Laberge, a tenté de relancer hier, ne trouvera vraisemblablement aucun écho à Québec. S’il fallait qu’une solution soit trouvée…
Faire campagne sur le bilan de son gouvernement cette fois-ci serait encore plus catastrophique qu’en 2007. Depuis plus de deux ans, les sondages révèlent un taux d’insatisfaction record. Même si les autres options ne sont pas très inspirantes, M. Charest sait très bien à quoi s’en tenir.

***

La polarisation de l’électorat provoquée par la grève étudiante est une véritable bénédiction pour les libéraux. On peut être pour ou contre la hausse des droits de scolarité ou la loi 78, mais on ne peut que condamner la corruption et le favoritisme. Même le cynisme auquel tout le monde cherchait un antidote n’a pas résisté à l’effervescence des derniers mois.
La crise étudiante est devenue ce que nos voisins américains qualifient de wedge issue, un enjeu qui force la population à prendre position. Depuis jeudi soir, M. Charest joue plus clairement que jamais la carte de l’ordre. Aux prochaines élections, il se présentera comme le champion de la « majorité silencieuse », qui n’est pas du tout indifférente à son confort.
Malgré les inquiétudes légitimes des organisateurs du Grand Prix et des autres festivals, les appels au calme du premier ministre laissent quelque peu sceptiques. Tant que les manifestations vont faire la manchette des journaux et des bulletins d’information, sans parler de la couverture en direct, les nouvelles embarrassantes peuvent passer plus facilement inaperçues.
En temps normal, le rapport du vérificateur général réveille les mauvais souvenirs. Cette fois-ci, il n’a pas eu droit au traitement habituel. La gestion pitoyable des CHSLD a pourtant de quoi faire enrager et l’octroi de centaines de millions consacrés à des projets d’installations sportives qui n’ont pas fait l’objet d’analyses par les fonctionnaires du ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports rappelle étrangement le scandale des garderies.
Dans deux semaines, l’Assemblée nationale ajournera ses travaux pour l’été et ne les reprendra vraisemblablement pas d’ici les élections. Sans la vitrine parlementaire, les partis d’opposition vont disparaître presque complètement de l’espace médiatique.
***
Au PQ, on est parfaitement conscient du danger, mais on fait le pari que les libéraux n’arriveront pas à transformer l’élection en référendum sur la hausse des droits de scolarité. Il ne sera cependant pas facile d’imposer d’autres thèmes si chaque étape de la tournée de M. Charest donne lieu à un nouvel affrontement entre les manifestants et les forces policières.
Certains rêvent plutôt d’un référendum sur le premier ministre lui-même. Le problème est que Pauline Marois est presque aussi impopulaire que lui. Entre deux maux, bon nombre d’électeurs pourraient bien décider de n’en choisir aucun et de donner une chance à François Legault. En s’assurant que le carré rouge est tatoué de façon indélébile sur la poitrine de la chef péquiste, M. Charest a fait en sorte que ceux qui craignent le désordre, tout en étant devenus allergiques au PLQ, se rabattent sur la CAQ.
Encore une fois, Mme Marois n’a impressionné personne jeudi soir, à l’annonce que les négociations avaient été rompues, se contentant de répéter pour la énième fois que M. Charest devrait s’impliquer personnellement dans le dossier. M. Legault avait au moins une proposition constructive à faire.
Soudainement, l’élection partielle du 11 juin prochain dans Argenteuil prend un nouvel intérêt. En principe, le PLQ devrait conserver l’ancienne circonscription de David Whissell. C’est la lutte entre le PQ et la CAQ qu’il faudra surveiller.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->