Une grave crise de déni

PQ - leadership en jeu - la tourmente


Il faut être dans une grave crise de déni pour penser, comme André Boisclair, que la remise en question de son leadership relève de la «science fiction». La question du leadership de M. Boisclair a été posée par l’ensemble de l’électorat québécois le 26 mars dernier et elle reste entière.
Mais ce qui est encore plus remarquable dans ce déni, c’est de voir M. Boisclair proposer presque exactement le même processus qui a mené au programme indéfendable qu’il accuse– très justement – d’avoir, en partie tout au moins, causé sa défaite.
À l’assermentation de ses députés, mercredi, M. Boisclair a soutenu que son propre avenir dépendrait des réformes qu’il proposera à son parti. Une proposition de nouveau programme sera soumise et «c’est à travers cette proposition-là que les gens verront s’ils m’accordent leur confiance», disait-il.
Le problème, c’est qu’on va se retrouver dans une situation assez semblable à celle de 2003, quand Bernard Landry a lancé la «Saison des idées» après sa propre défaite.
M. Landry avait alors lancé une vaste remise en question du programme, essentiellement pour échapper aux remises en questions tout à fait normales du leadership d’un chef qui vient de perdre une élection.
Tant et si bien que tout ce qui a pu sortir de grand rebrassage du programme n’a pas été évaluée (sic) en fonction des idées, mais en fonction de ce que cela pourrait bien dire à propos du vote de confiance envers M. Landry.
Même si M. Landry a fini par faire toutes sortes de concessions – qui allaient de la création du «club politique» du SPQ Libre pour la gauche du PQ au libellé de la clause qui allait devenir la plus litigieuse du programme, soit de tenir un référendum «le plus tôt possible dans un premier mandat» – il a tout de même perdu son vote de leadership.
Avec le résultat que M. Landry a laissé en héritage un programme qui avait été conçu d’abord et avant tout pour l’aider à gagner son vote de confiance et qui aura, ensuite, considérablement nui à son successeur.
Aujourd’hui, qu’il le veuille ou non, M. Boisclair propose la même chose : une remise en question du programme qui sera inévitablement mesurée en fonction de son leadership.
Mais, surtout, il propose une procédure qui permettrait de faire l’économie d’un débat sur son propre leadership, un débat totalement inévitable dans tout parti qui vient de subir une défaite aussi cruelle.
Autant il serait inutile pour le PQ de rejeter l’entière responsabilité de la défaite sur les épaules d’André Boisclair, autant il est inutile pour celui-ci de tenter d’échapper à sa responsabilité.
M. Boisclair aime à dire qu’il a fait «une belle campagne». Il serait plus exact de parler d’«une campagne sans faute». Son vrai problème, c’est qu’elle fut une campagne sans impact. Quoi qu’ait pu dire M. Boisclair, cela semblait n’avoir aucun effet dans l’opinion publique tant sa cause semblait avoir été entendue et réglée avant même le déclenchement des élections.
Sa «belle campagne» lui donne peut-être le droit d’influencer l’échéancier, mais elle ne lui permet pas de se soustraire au jugement des membres de son parti, avant une élection qui, sous un gouvernement minoritaire, peut arriver plus vite que prévu.
Aujourd’hui, M. Boisclair fait le constat – correct – que c’est le référendum promis dans le programme de son parti fut un boulet qu’il a traîné pendant toute la campagne. Sauf que, pour un chef, ce constat est aussi un terrible aveu : soit qu’il n’avait pas le leadership suffisant pour corriger le tir et prendre ses distances d’un programme qui amenait directement son parti dans le mur.
Après cela peut-on penser, de façon réaliste, qu’André Boisclair pourra tenir tête à un parti connu pour manger ses chefs? Qu’il pourra triompher là où un René Lévesque et un Lucien Bouchard ont échoué?
Même pour quelqu’un qui n’a plus rien à perdre, c’est une bien grosse commande.


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