Monsieur Boisclair, sachez partir...

PQ - leadership en jeu - la tourmente



M. Boisclair,
Pour l'avenir du parti et de la souveraineté, vous devez avoir le courage et l'élégance de partir maintenant.

Comme des dizaines de milliers de militants et de souverainistes, j'ai été atterré par les résultats des élections du 26 mars, mais ce qui m'attriste davantage, c'est la division profonde au sein de notre parti, qui s'exprime de diverses façons. Par exemple, cette espèce de faux dilemme: changer le chef ou le programme!
Il y a près de deux ans, une large majorité des membres du parti vous choisissait comme chef et, sur le plan technique, vous avez raison d'affirmer votre légitimité.
Même si je n'étais pas un de vos supporteurs en novembre 2005, j'ai toujours reconnu votre intelligence et votre éloquence: comme bien d'autres, je m'étais réjoui de votre candidature dans Gouin en 1989, et votre présence à mes côtés durant la compagne électorale dans La Prairie m'avait réconforté et avait comblé nos jeunes militants, dont Nicolas Girard, votre bras droit actuel, qui présidait alors notre comité des jeunes.
Depuis votre élection comme chef, j'ai espéré m'être trompé à votre sujet et sincèrement souhaité que votre leadership soit bénéfique au parti. Combien de fois, dans mon milieu de travail à l'hôpital ou auprès d'amis, ai-je revendiqué que l'on donne «la chance au coureur»? [...]
Je connais assez bien ce parti dans lequel je milite depuis plus de 30 ans et je peux apprécier les embûches qui guettent son chef lorsqu'il s'agit d'arbitrer les conflits internes. Le seul ciment qui tient ensemble les diverses factions, c'est la lutte pour l'indépendance du Québec! René Lévesque avait très bien joué ce rôle de rassembleur et, pendant des années, les courants «centre-gauche» et «centre-droite» ont pu travailler ensemble jusqu'à ce que le chef décide, en 1985, d'enlever ce ciment et d'ouvrir la voie à l'«affirmation nationale» de Pierre Marc Johnson, son successeur.
Le règne de M. Johnson n'a duré que deux ans et il a eu l'élégance de partir volontairement en novembre 1987, au moment où le parti s'acheminait rapidement vers une «méchante» descente aux enfers. L'arrivée de Jacques Parizeau a redonné au parti l'élan considérable qui l'a mené à la quasi-victoire du OUI en 1995!
Vos propos et ceux de vos proches concernant des changements profonds au programme sont inquiétants: par exemple, lorsque vous reprochez à votre prédécesseur, Bernard Landry, «d'avoir laissé le congrès de juin 2005 adopter une position intenable sur la tenue d'un référendum simplement pour sauver son leadership», j'estime que c'est à la fois inexact et parfaitement injuste envers votre ex-chef! [...]
Je regrette que vous n'ayez pas clairement assumé votre rôle de principal responsable de la défaite du 26 mars: vous avez plutôt blâmé des candidats et des militants, par exemple, pour la Capitale nationale ou encore la tenue annoncée d'un référendum tôt au cours du premier mandat.
Vous avez tort de croire que les électeurs ont boudé le Parti québécois à cause de cette clause du programme: je vous rappelle que le programme de 1994 et le discours de notre chef d'alors, Jacques Parizeau, énonçait clairement qu'un référendum aurait lieu dans l'année suivant la prise du pouvoir, et cela n'a pas empêché la victoire électorale et la quasi-victoire du OUI! [...]
Tôt après votre élection, en novembre 2005, vous avez déclaré: «Je n'ai pas été élu pour fédérer les insatisfaits.» Vous affichiez ainsi un manque flagrant d'empathie et de compassion pour les gens moins favorisés par notre système socioéconomique, d'autant plus que fédérer les mécontents, ce fut précisément une des recettes gagnantes de Mario Dumont et du Crédit social d'autrefois!
Autre déclaration, tout le contraire de celle d'un rassembleur, où vous avez critiqué «le copinage de chefs gouvernementaux, bien arrosé, avec les dirigeants syndicaux», qui, selon vous, marquait les négociations avec le Front commun quand le PQ était au pouvoir: totalement inexact et parfaitement insultant pour vos prédécesseurs et pour nos alliés politiques, chefs syndicaux! [...]
Les créateurs, les artistes et les intellectuels ont largement contribué à l'essor du mouvement souverainiste depuis René Lévesque, en passant par Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry: malgré votre prétention à présenter une «équipe de rêve», vous n'avez pas réussi à rassembler autour de vous, sauf de rares exceptions, les forces vives de notre Québec pourtant si dynamique!
Malgré vos grandes qualités, vous n'avez pas ce talent de conciliateur, vous ne savez pas être proche des gens «ordinaires» et la population ne se connaît pas en vous. Celui qui veut conduire un peuple vers son indépendance son destin, doit avoir une grande capacité de communiquer, d'expliquer, et doit pouvoir personnifier ce grand projet.
Le 26 mars dernier, la population du Québec et, parmi elle, un grand nombre de souverainistes n'ont pas voulu vous faire confiance: le verdict a été clair et vous ne devez pas vous accrocher, car une seconde tentative électorale se solderait par un échec encore plus retentissant pour le parti et pour la souveraineté!
De grâce, M. Boisclair, ne soyez pas l'artisan d'une autre mise en veilleuse du projet souverainiste et, avec élégance, libérez ce poste qui ne peut être occupé que par quelqu'un qui soit foncièrement convaincu de la nécessité de donner un pays au peuple québécois et qui soit capable de diriger une grande coalition gauche-centre-droite, à l'image de ce qu'est notre société!
***
Denis Lazure, Médecin psychiatre et ancien ministre (1976-1984) du gouvernement de René Lévesque

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Denis Lazure1 article

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Pour la plupart d’entre nous, le nom de Denis Lazure évoque immédiatement le premier gouvernement Lévesque. À titre de ministre des Affaires sociales, le docteur Lazure a joué un rôle de premier plan dans l’immense travail de réforme accompli par cette équipe. Celui qui a piloté la loi sur les personnes handicapés, qui a instauré l’avortement thérapeutique dans les hôpitaux et qui a mis sur pied le réseau de garderies, incarnait parfaitement ces deux grands moteurs de l’action du Parti québécois d’alors: la foi en l’indépendance du Québec et l’engagement actif envers la social-démocratie.





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