Les conséquences du fiasco de l'invasion de l'Irak, en 2003, font aujourd'hui douter l'Amérique. (Photo: Agence Reuters)
Les sportifs américains sont rentrés très secoués du Brésil, où ils participaient le mois dernier aux Jeux panaméricains, notait gravement la semaine dernière le Chicago Tribune. Ils ont essuyé des huées lors de la cérémonie d'ouverture, des «USA, allez en enfer» durant un match de volley-ball les opposant à l'équipe cubaine, et, pour finir, les applaudissements enthousiastes de la foule quand un gymnaste américain a eu le malheur de chuter... Cet épisode n'est que la dernière manifestation d'un antiaméricanisme de plus en plus acerbe.
Washington --Une étude intitulée «Malaise global», réalisée en juin dans 47 pays par l'institut Pew, souligne que «depuis cinq ans, l'image des États-Unis s'est ternie auprès de la majeure partie des pays du monde -- et s'est dégradée considérablement chez les alliés traditionnels des États-Unis, dans les Amériques, au Moyen-Orient et ailleurs». La Turquie établit un record, avec 83 % d'opinions défavorables. En France, 76 % des personnes interrogées désapprouvent «les idées américaines de la démocratie», selon Pew, qui a sondé un total de 45 000 personnes. Des scores presque similaires sont enregistrés en Allemagne, en Espagne, au Pakistan. Seule l'Afrique noire a globalement une vision positive des États-Unis et rares sont les pays qui ne se réjouissent pas de l'humiliation subie en Irak par la superpuissance.
Cette défiance à l'égard des États-Unis et de leur président inquiète les Américains eux-mêmes. Surtout le camp démocrate, qui n'a cessé ces dernières semaines de s'exprimer sur le sujet. Barack Obama, qui se présente aux présidentielles de novembre 2008, déplore que l'idéal américain de liberté soit «tragiquement associé par beaucoup à travers le monde à la guerre, la torture et le changement de régime par la force. Il n'y a pas si longtemps que cela, les fermiers vénézuéliens et indonésiens accrochaient des portraits de John F. Kennedy sur les murs de leur maison», déplore-t-il, assurant qu'être «cette Amérique-là à nouveau» est possible. «Tout le monde ne peut pas nous aimer, mais il ne faut pas non plus que tout le monde nous haïsse», rappelait de son côté, le mois dernier, la candidate Hillary Clinton à un partisan qui lui faisait remarquer que les États-Unis «ne sont plus la puissance mondiale qu'ils ont été».
La suprématie perdue
On est en effet loin de l'omnipotence américaine de la dernière décennie, lorsqu'en 1992 George H. Bush déclarait qu'«un monde autrefois divisé en deux camps armés ne reconnaît maintenant qu'une seule puissance prééminente, les États-Unis d'Amérique. Et il nous regarde sans crainte, car le monde nous fait confiance [...], car il sait que ce que nous faisons est juste». Loin aussi, la suprématie encore fièrement affichée en 2002 par son fils, George W. Bush, qui affirmait que «les États-Unis se trouvent dans une position de force militaire sans précédent, alliée à une grande influence politique et économique». Le géant américain venait alors de renverser légalement, avec ses alliés, le régime taliban en Afghanistan, et paraissait invincible. Le pays se drapait, de surcroît, dans l'extraordinaire capital de sympathie issu des attentats du 11 septembre 2001.
Les conséquences du fiasco de l'invasion de l'Irak, en 2003, font aujourd'hui douter l'Amérique. «Sommes-nous Rome?», demande, dans le titre de son récent ouvrage, le journaliste Cullen Murphy. Il compare les États-Unis à l'Empire romain du Ve siècle et se demande si ce «centre du monde» contemporain n'est pas aussi voué à une prochaine chute. Il voit la «décadence» dans l'écart qui se creuse entre les riches et les pauvres et dans l'incompétence d'un gouvernement par ailleurs arrogant.
Point de rupture
Les analogies historiques ont leurs limites, mais la cité-empire washingtonienne semble bel et bien dépouillée d'une grande partie de sa légitimité aux yeux du monde. «L'étirement des ressources financières et militaires», conséquence de la stratégie suivie par la Maison-Blanche dans sa «guerre contre la terreur», limite désormais considérablement l'aptitude des États-Unis à présenter une «menace crédible» à ses ennemis, qui s'en trouvent enhardis, s'inquiétait la semaine dernière, dans le New York Times, l'universitaire Samantha Power.
«Avec trop peu d'hommes et d'alliés, les guerres en Irak et en Afghanistan ont étiré les ressources du Pentagone jusqu'au point de rupture et agitent le spectre d'une défaite possible dans ces deux conflits. [...] Abou Ghraïb et Guantánamo Bay ont considérablement endommagé l'image de l'Amérique à l'étranger, [...] le gouvernement apparaît de plus en plus incompétent, [...] presque rien n'est fait pour les menaces du réchauffement climatique, la crise nationale du système de santé ou pour résorber le déficit...» Ce catalogue horribilis a été dressé en juillet par Leon Panetta, qui fut chef de cabinet de la Maison-Blanche sous la présidence de Bill Clinton. Comme beaucoup d'Américains, Panetta ne compte plus sur l'hôte actuel de la Maison-Blanche et met tous ses espoirs de redressement dans l'élection d'un nouveau président. Les Américains aussi, puisqu'ils sont désormais 65 % à désapprouver les actions de leur président, George W. Bush.
Une réputation ternie
L'image des États-Unis a perdu du lustre auprès de la majeure partie des pays du monde
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