Trump n’attaquera pas l’Iran prochainement

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L'objectif des Américain est de renverser le régime des mollahs de l'intérieur


Lorsque l’on travaille sur le Moyen-Orient, on s’en veut souvent de jouer les oiseaux de mauvais augure et de manquer d’optimisme. Il y a des raisons de s’inquiéter de nombre de situations explosives, déjà existantes avant l’élection du président américain en 2016, ou attisées par lui depuis.


Le Moyen-Orient est la poudrière numéro un depuis des décennies dans le monde. On se demande bien d’ailleurs si la région ne servirait pas de catalyseur des haines occidentales pour tenter de fédérer des nations fragilisées et individualisées autour d’une menace commune. Car l’Iran, comme la Corée du Nord, ou bien avant cela l’Irak, la Syrie et la Libye, semble bien souvent devenir un ennemi confortable pour des pays occidentaux inquiets de perdre leur leadership mondial et largement divisés sur de nombreux enjeux géopolitiques majeurs. Il vaut mieux s’allier autour d’un ennemi commun qu’autour de prétendus intérêts ou de peuples qui en réalité n’ont rien en commun.


Le merchandising politique autour de l’Iran a depuis des années été très efficace en cela. Et les tensions s’avivent toujours contre Téhéran à l’approche d’un scrutin américain décisif, comme le débat sur l’Algérie finit toujours par pointer dans une campagne présidentielle française pour diviser les Français.


Déjà en 2010-2011, le président Barack Obama, et futur candidat à sa succession, avait subi les foudres du… premier ministre israélien de l’époque et toujours le même, Benjamin Nétanyahou, en montant une cabale contre les États-Unis, leur reprochant leur angélisme et leur refus d’attaquer l’Iran. Barack Obama, qui portera avec les Européens les négociations qui mèneront à l’accord sur le nucléaire iranien le 14 juillet 2015, refusera toujours d’intervenir contre Téhéran. Il suffit de relire la presse de l’époque pour voir à quel point Nétanyahou s’agitait auprès de toutes les chancelleries, dans une vision messianique et religieuse, pour tenter de faire plier la Maison-Blanche et convaincre la communauté internationale que ce pays était le diable, et « Amalek », l’ennemi historique et absolu d’Israël, donc l’ennemi de toutes les nations.


Même scénario en 2016. Après l’élection de Donald Trump, Nétanyahou se félicitera de voir arriver à Washington un va-t-en-guerre prêt à en découdre avec tous les ennemis qui empêcheraient l’Amérique d’être à nouveau la plus grande et la plus puissante. Le retrait du président américain en 2018 du traité signé à Vienne sur le nucléaire iranien n’a pas redistribué les cartes et poursuivi le processus d’isolement de Téhéran : Trump a ainsi confondu les Européens frileux qui ont été les premiers, dont Total, à quitter l’Iran, de peur des sanctions économiques de la diplomatie du dollar.


Le gendarme du monde


Que cherche le président américain depuis des semaines ? Montrer qu’il reste le gendarme du monde élu par la Bible Belt et les évangéliques qui croient en un combat du bien (eux) contre le mal (l’Iran et la Corée du Nord entre autres) et à l’Apocalypse qui arrivera un jour plus ou moins proche. Et force est de constater que Trump s’y prend très bien pour embraser la région du Moyen-Orient et le monde : soutien total à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, qui mènent de nombreux combats antidémocratiques; isolement absurde du Qatar, là où se trouve Al Oudeid, la plus grande base américaine hors sol; désignation comme l’ennemi absolu de l’Iran, qui n’est certes pas un tendre, mais dont le « danger » est probablement exagéré quand on sait que le Pakistan, qui a l’arme atomique, tout comme son ennemi indien, pose davantage un vrai problème mondial.


Pourtant, comme l’a dit l’emblématique ministre des Affaires étrangères iranien, Djavad Zarif, Trump a failli depuis dans sa tâche non seulement d’être craint comme le méchant absolu, puisque peu le suivent, mais également dans la capacité par la « pression maximale » à construire un bloc d’alliés, notamment européens, pour faire plier les Iraniens.


Déstabiliser l’Iran sans négocier serait une erreur absolue que toute la région paierait pendant des décennies. Mais Trump n’aime guère négocier politiquement.  De plus, il a affirmé qu’après avoir ordonné une riposte, il y a quelques semaines de cela, il se serait ravisé au dernier moment. Marque de faiblesse. Cela fleure un peu en réalité le scénario hollywoodien et la téléréalité dont il raffole. La réalité est selon nous autre : faire plier l’Iran d’un point de vue économique est déjà en partie efficace puisqu’on parle d’un risque d’inflation de près de 40 % dans les semaines à venir, dont les Iraniens vont pâtir. Jusqu’à quand les jeunes Iraniens tiendront-ils sans provoquer le chaos contre leur régime ?


Business et pression économique


Nous avons plutôt tendance à penser que Donald Trump joue un simple numéro d’esbroufe depuis des semaines pour apparaître comme le gardien du temple du monde, fédérer ses électeurs convaincus d’une menace que seule l’Amérique pourrait arrêter. Et exceller dans un jeu qu’il pratique bien mieux que la politique : le business et la pression économique. De là à mener une guerre à un an des élections ? Non. Comme en 2011, tout va retomber rapidement avec la campagne américaine, les enjeux internes, la crise économique, l’immigration, les attentats suprémacistes, etc.


Alors que les États-Unis ont été en guerre quasiment depuis le début de leur existence, on constate qu’ils ne gagnent plus une seule guerre depuis le Vietnam. Alors, à quoi bon se lancer dans un tel conflit face à une armée régionale très puissante ?


On imagine mal Trump risquer de perdre sa réélection en 2020 sur une guerre aventureuse, une de plus, et gravissime pour toute la région, puisque l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis emboîteraient le pas, laissant dans le monde s’affronter les deux plus grands blocs idéologiques, politiques, culturels et religieux de la région. Et s’il n’est pas réélu, qui gérera ce chaos ? Bref, en deux mots comme en trois : rien à gagner. Donald Trump attendra au moins d’être réélu pour poursuivre sa théorie du chaos, c’est quasiment devenu une évidence. Mais en 2020 et après, si réélu, qu’aura-t-il alors à perdre ?









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