Le maire de Montréal, Michael Applebaum, a été arrêté au petit matin ce lundi comme un vulgaire malfaiteur en compagnie de deux comparses. Il avait nié vigoureusement jusqu’ici sa participation à un scandale immobilier dans son arrondissement Côte-des-Neiges -Notre-Dame-de-Grâce. Le voilà l’objet de quatorze chefs d’accusation. Montréal est touché au coeur.
La mise en garde habituelle voulant que tout accusé doive bénéficier de la présomption d’innocence s’impose, même devant des accusations aussi graves que complot, fraude envers le gouvernement, abus de confiance et actes de corruption. Néanmoins, de telles accusations jettent un opprobre sur Montréal et tout le Québec. Elles exigent de la part de Michael Applebaum des explications qui ne peuvent se limiter à ce banal « je n’ai rien à me reprocher » qu’il a opposé jusqu’ici aux soupçons dont les médias ont fait état à son sujet en début d’année.
Il y a dans l’arrestation du maire Applebaum quelque chose de profondément débilitant. D’abord, parce qu’il s’agit du premier magistrat de la plus grande ville du Québec qui, au titre de président de la Communauté métropolitaine de Montréal, est le représentant de près de 3,5 millions de Québécois. Il est le personnage politique le plus important après le premier ministre du Québec. Le titulaire de cette fonction se doit d’avoir une conduite exemplaire. Certes, il n’a commis aucune faute dans son rôle de maire, les gestes qui lui sont reprochés ont été commis alors qu’il était maire de son arrondissement, mais il a pu s’élever à ce poste où, ô triste ironie, il se faisait le champion de la probité, réclamant aux entreprises qui ont fraudé la Ville de Montréal ces dernières décennies de la rembourser. Il voulait restaurer l’honneur de Montréal. Il lui apporte la honte.
Bonjour le cynisme. Après la mise en cause des maires des petites municipalités, du maire Vaillancourt à Laval, de l’ancien président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, où donc s’arrêtera ce scénario des horreurs politiques ? Qui sera la prochaine personnalité à être accusée de fraude et de corruption ? Qui donc voudra croire que l’on s’engage dans le service public pour servir ses concitoyens alors que c’est pour se servir que tant de politiciens l’ont fait ? « C’est comme ça que ça marche depuis les années 1960 », nous répètent les témoins entendus par la commission Charbonneau pour justifier la perte de tous repères moraux dont ils sont atteints. Un véritable cancer social.
L’arrestation de Michael Applebaum ébranlera de nouveau la confiance des Montréalais dans leurs élus au moment même où s’amorce la campagne qui conduira à l’élection d’un nouveau conseil municipal en novembre. Les candidats à la mairie sont plus nombreux que jamais. Il y a là un signe de vitalité démocratique. Les Louise Harel, Richard Bergeron, Marcel Côté, Mélanie Joly et Denis Coderre veulent faire le grand ménage qui s’impose. Ils auront besoin de l’appui des Montréalais qui devront sortir massivement pour voter le 3 novembre prochain. C’est la seule arme dont ils disposent pour combattre le cynisme et dire un retentissant « Assez ! ».
Cette affaire Applebaum aura entre-temps un effet paralysant sur l’administration de Montréal. Si ce n’est déjà fait, le maire démissionnera. L’honneur lui impose de le faire. Un nouveau maire intérimaire sera élu par le conseil, comme le prévoit la loi, mais il ne pourra faire plus qu’expédier les affaires courantes avec le comité exécutif de coalition actuel qui devrait demeurer en place. Il n’y a pas nécessité de tutelle. La situation de Montréal n’est en rien comparable à celle de Laval, mais il serait important, pour rehausser l’autorité des dirigeants de la métropole, de dépêcher un observateur depuis Québec, dont le rôle serait de confirmer que tout se passe dans les règles.
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