Se peut-il que le recul de l'enthousiasme pour la souveraineté et le référendum soit la faute du Parti québécois lui-même?
Le 30 octobre 1995, la foudre s'est abattue sur le Québec. Les résultats du référendum furent éclatants. Avec un vote de 50,58%, 54 288 Québécois de plus ont choisi le camp fédéraliste. Pas moins de 49,42% d'électeurs se sont prononcé en faveur de l'indépendance.
Un peu moins que la moitié des électeurs du Québec a manifesté son attachement à l'option nationaliste. Un Québec divisé en deux parts (presque) égales. Quand j'étais petit, on disait «rasé compte pas».
Hélas! Ce fut une défaite amère, alors que ce fut en réalité une presque victoire historique. Il s'en suivit deux décennies de déprime. La revanche anticipée de 1997 n'eut pas lieu même si le Parti québécois fut au pouvoir ces années-là.
Juste à ce moment, j'ai quitté le Québec, donc le Canada, pour naviguer en mer sur mon voilier pendant huit ans. À mille lieues de toute information.
J'ai alors vécu le choc du retour en 2006.
Incroyable, le Québec était complètement transformé en si peu d'années. Un trou béant dans ma culture. L'enfant prodigue que j'étais s'est retrouvé confronté à une révolution électronique. L'internet et le téléphone cellulaire s'étaient incrustés dans la culture quotidienne. Déjà, de nouvelles habitudes de communications avaient pris racine.
La crise des accommodements religieux avait un fort vent dans les voiles. Un phénomène d'immigration alimentait des débats virulents. L'apparition d'une culture de femmes voilées sur la place publique créait des émois et émoustilla le nationalisme conservateur.
Les médias en faisaient leurs choux gras et manchettes. Sans oublier la braise de la corruption qui échauffait les fondements d'un idéal utopique.
Puis, ce fut la commission Bouchard-Taylor qui donna la parole à plus de 3400 Québécois. Une démonstration historique de la démocratie.
Même le débat de la défaite de 1995 s'était évanoui dans ce brouillard. Le Québec était si différent que je n'y trouvais plus mes repères habituels.
Et la suite!
Déjà de célèbres personnages connus pour leur accointance péquiste reprochaient au Parti de prendre la voie des mécanismes traditionnels de la politique et l'abandonnaient.
Il y avait cette tendance d'avoir un discours «bonne administration conformiste» et le sempiternel questionnement sur la pertinence d'un référendum. En fait, pourquoi un référendum? 1995 arborait la couleur de la nostalgie. L'échafaudage de multiples stratégies électorales nourrissait à tort l'essentiel de la construction d'un référendum.
Je réalisais que le discours indépendantiste transportait les espoirs d'une précédente génération. Qu'il y avait de nouvelles idéologies qui naissaient dans l'air ambiant. Que de nouvelles générations prenaient le flambeau avec de nouvelles aspirations. Malgré le court hiatus de 18 mois qu'un référendum potentiel vint interrompre.
Un nouveau Québec moins batailleur émergeait
Les succès des nombreuses batailles de la Révolution tranquille sont devenus des acquis. Le Québec francophone a oublié qu'il est toujours une minorité fragile au Canada et en Amérique du Nord. Que la langue n'est pas un acquis.
Si la culture française s'anglicise, on dira qu'elle s'internationalise. Que le multiculturalisme canadien ouvre la porte à une immigration massive qui diminuera la francophonie canadienne et constitutionnelle au rang d'une autre culture, on parle de l'inclusion et on oublie l'intégration. On parle du vivre ensemble côte à côte, quand c'est plutôt le vivre ensemble inclusif et métissé qu'il faut rechercher.
On parle d'un socialisme de plus en plus corporatif, alors qu'il faut privilégier un socialisme qui aspire au dynamisme privé de l'enrichissement de la société. En conspuant le libéralisme des investissements illégaux à l'étranger qui nous appauvrit.
Quand les nouvelles générations adoptent les plus récents concepts, comment les entraîner dans un tourbillon indépendantiste quand elles s'accommodent du fédéralisme?
Pourquoi un référendum quand on n'a pas un pays émoustillant à leur présenter?
Je me souviens d'une époque où l'idée de l'indépendance n'était pas affriolante pour la majorité des Québécois, qui avaient peur. Pourtant, à la surprise générale, le parti de René Lévesque prit le pouvoir.
Pourquoi? Parce qu'il y avait des associations locales qui firent du porte-à-porte intensif pour rassurer les gens et répondre à toutes les questions susceptibles de générer des craintes.
Le référendum était l'argument sécurisant, mais pas un objectif.
On proposait un pays. La fierté d'un pays. Par le pouvoir de la vente, de la conviction. On écoutait les citoyens. Aucun sondage n'avait prévu le dénouement.
Les croisés de l'époque avaient fait une campagne électorale non orthodoxe sans user des techniques habituelles. Une campagne de convictions. Loin des stratégies des vieux partis et des sondages aléatoires.
Le Parti québécois d'aujourd'hui est loin de ses racines et de la ferveur des débutants. On argumente sur la stratégie du bon gouvernement et du référendum immédiat ou reporté. Ce sont là des questions secondaires, tant et aussi longtemps qu'on ne dira pas le pourquoi d'un référendum et pourquoi ce serait mieux après. Et convaincre sur le terrain tous les francophones et les autres, puisque maintenant le Québec est plus multiculturel, interculturel et inclusif. Finie, la théorie des Québécois de souches.
Depuis 1995, le Parti québécois a peut-être été l'artisan du déclin de sa cause. Sans rallumer la flamme du pourquoi, il est prévisible qu'il n'y aura pas de référendum, surtout gagnant.
Si le Parti québécois ne rajeunit pas sa façon de faire, pour revenir comme à ses débuts, il deviendra un bon vieux parti comme les autres, appelé peut-être à disparaitre ou à devenir un parti de coalition sous la férule de la proportionnelle.