À hauteur d'homme

Ce sont surtout les gouvernements en difficulté qui s'imaginent qu'un discours inaugural peut être l'occasion d'un nouveau départ. La plupart du temps, on y voit plutôt la confirmation qu'ils sont au bout du rouleau.

PLQ - les derniers feux - Printemps 2011



Après des années de laxisme dans la défense du français et des «valeurs québécoises», certains ont du être surpris en entendant le premier ministre Charest commencer son discours inaugural en évoquant la nécessité d'affirmer «notre différence et notre manière d'être».
Il est cependant apparu très vite que, dans l'esprit de M. Charest, cette affirmation n'a pas un caractère collectif. Elle est plutôt l'affaire des artistes et des écrivains et elle doit se faire à l'extérieur du Québec plutôt qu'à l'intérieur.
Pour célébrer le 50e anniversaire du ministère de la Culture, il a donc annoncé que son gouvernement allait prendre le relais d'Ottawa en créant un nouveau fonds destiné à financer des projets d'artistes québécois sur la scène internationale.
Certes, «les artistes génèrent un vent de liberté universel», mais cette initiative ne libère pas le gouvernement de ses responsabilités au Québec même. Pour mieux faire avaler la pilule de la légalisation des écoles passerelles, qui permettent aux riches d'acheter le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, il avait fait miroiter diverses mesures pour renforcer la situation du français, mais le projet de loi est mort au feuilleton. Hier, M. Charest n'en a pas soufflé mot. Pas plus que du projet sur les accommodements raisonnables dans l'administration publique, qui constituait un autre objet d'embarras pour le gouvernement.
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En toute justice, malgré les redites, les phrases creuses et le pétage de bretelles, le discours d'hier était quand même moins insipide que celui de mars 2009, dont la seule nouveauté était l'octroi de certificats de sélection aux étudiants étrangers désireux de demeurer au Québec après leurs études.
Dans le domaine de l'éducation, il faut même saluer un certain effort d'imagination, malgré d'évidents emprunts à l'ADQ. Le seul problème est que les mesures annoncées ne correspondent pas nécessairement aux problèmes les plus criants. N'y a-t-il vraiment rien de plus urgent pour lutter contre le décrochage que d'équiper toutes les classes du Québec de tableaux intelligents et d'acheter des uniformes pour les équipes sportives des écoles secondaires?
Le président de la CSQ, Réjean Parent, a sans doute raison de dire que le gouvernement devra «marcher sur la peinture» quand il mesurera mieux les impacts de sa promesse d'imposer l'apprentissage intensif de l'anglais en 6e année d'ici cinq ans. La mesure serait certainement bénéfique, mais le Québec n'a tout simplement pas les ressources humaines pour la mettre en oeuvre dans un horizon aussi court.
Dans l'immédiat, cette annonce a cependant l'avantage de couper l'herbe sous le pied du PQ, qui veut étendre la loi 101 au niveau collégial. Si les francophones n'ont plus besoin d'envoyer leur enfant au cégep anglais pour apprendre la langue de Shakespeare, pourquoi verser encore une fois dans le «radicalisme»?
Pour le reste, M. Charest s'en est tenu aux généralités. Cela fait des mois que le gouvernement promet un cadre législatif et réglementaire serré de l'exploration et de l'exploitation du gaz de schiste. À sa énième annonce, le Plan Nord demeure toujours aussi mystérieux et M. Charest aura quitté la politique depuis longtemps quand les automobilistes feront le plein d'électricité pour 10 $.
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Si le discours inaugural se voulait une sorte de testament, M. Charest aurait dû laisser un legs plus positif, a déclaré Amir Khadir. En huit ans, le premier ministre a fait la preuve qu'il était une bête politique. S'il était aussi un homme de vision, cela se serait su. Hier, il a simplement été égal à lui-même.
En 2003, peut-être a-t-il vraiment cru à la réingénierie de l'État. Quand elle a échoué, il a été manifestement désorienté. Après la défaite de 2007, les anciens conseillers de Robert Bourassa l'ont convaincu de revenir à la bonne vieille recette du développement économique. Il a beau répéter que le Plan Nord sera aux années 2020-2030 ce que la Manicouagan et la Baie-James ont été aux années 1960-1970, quelque chose ne colle pas.
Personne ne pouvait sérieusement penser qu'il annoncerait soudainement la tenue d'une enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction ou l'imposition d'un moratoire sur le gaz de schiste. Pour être déçu, il aurait fallu avoir des attentes et les Québécois n'en ont plus à l'endroit de M. Charest.
Ce sont surtout les gouvernements en difficulté qui s'imaginent qu'un discours inaugural peut être l'occasion d'un nouveau départ. La plupart du temps, on y voit plutôt la confirmation qu'ils sont au bout du rouleau.
On peut d'ailleurs se demander pourquoi M. Charest a décidé de prononcer le sien au moment où l'Assemblée nationale va ajourner ses travaux pour deux semaines. S'il voulait qu'on l'oublie au plus vite, c'était la meilleure chose à faire.


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