Oui, Vigile dérange. Bien plus que vous ne le pensez. Les accusations d’antisémitisme portées par le Comité Canada-Israël cette semaine visent en apparence deux personnes à qui l’on reproche des propos dont tout le monde peut reconnaître à première vue le caractère mal avisé, mais il ne faudrait surtout pas être dupes de la manoeuvre et s’imaginer que le véritable enjeu est celui qu’on nous présente.
Au delà du prétexte de l’antisémitisme, il y a le contrôle du message sur Israël et ce que les Canadiens et les Québécois doivent en penser. L’antisémitisme ne sert qu’à ramener les « brebis égarées » dans le droit chemin.
Le régime Conservateur de Steven Harper a choisi d’appuyer sans réserves la vision d’Israël qu’en ont les sionistes, ceux qui ambitionnent de faire l’Eretz Israël (le Grand Israël) et lui redonner ses dimensions du temps de la Bible, quitte à grignoter un peu de territoire sur l’espace des autres, colonie de peuplement par colonie de peuplement.
Si l’on peut parfaitement comprendre le besoin légitime de sécurité à laquelle cette démarche correspond, il faut aussi comprendre que les ambitions territoriales des sionistes qui contrôlent l’État d’Israël se heurtent de front à la position toute aussi légitime des Palestiniens qui ne veulent pas se faire déposséder de leur territoire après s’être fait imposer l’État d’Israël par la volonté des Nations Unies en 1948.
Tant que les palestiniens n’ont pas d’État, la légitimité des besoins de sécurité d’Israël l’emporte sur les revendications des palestiniens. On comprend dès lors beaucoup mieux pourquoi Israël s’oppose depuis toujours à la reconnaissance par la communauté internationale d’un État palestinien. Alors, pour dissuader la communauté internationale de poursuivre cette voie, Israël lui oppose le terrorisme que pratiquent les Palestiniens,
L’argument pourrait être convaincant si la création de l’État d’Israël en 1948 n’était pas elle-même survenue au terme d’une série d’actions terroristes menées par l’Irgoun et la Bande Stern, à la tête duquel se trouvait en dernier Menachem Begin qui allait devenir par la suite premier ministre d’Israël. Pour ceux qui souhaiteraient obtenir un éclairage plus complet sur cette question, je conseille vivement la lecture de l’article que lui consacre Wikipedia. Je précise pour ceux qui n’apprécient pas toujours les sources de Vigile que Wikipédia n’est pas un site islamiste.
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Alors, voilà que Vigile, dans le souci éminemment louable et respectable d’informer correctement ses lecteurs sur les enjeux du monde contemporain, s’est mis à diffuser des articles qui ne font pas l’affaire d’Israël et du gouvernement Harper parce qu’ils proposent aux Québécois une autre vision de la situation que celle qu’ils voudraient leur voir épouser et qui est à la clé de leur dessein politique.
On oublie toujours que le monde est en guerre. On s’imagine toujours que la guerre est ailleurs, en Afghanistan, au Moyen-Orient, n’importe où ailleurs que chez nous. Mais il faut comprendre que le Canada est en guerre, que l’on se sente à l’aise ou non avec cette réalité, que l’on soit d’accord ou non. Le Canada de Harper a choisi de faire cause commune avec les États-Unis et Israël et ceux qui les appuient, comme l’Angleterre et la France de Sarkozy (qui n’est d’ailleurs pas la vraie France) et de mener une guerre dont l’enjeu est l’hégémonie d’une partie du monde sur une autre. Or, comme le disait Rudyard Kipling, « La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité », et c’est justement cette vérité que Vigile s’efforce de nous montrer.
Ça, c’est l’essentiel. Le reste est accessoire. Que la « tribune libre » de Vigile soit à l’occasion, et même souvent, le théâtre de certains débordements maladroits est une évidence qui saute aux yeux, mais qui tient à la nature même de l’exercice. Cependant, une chose est certaine, tous les points de vue y sont représentés, même certains qui à l’occasion peuvent faire grincer.
Mais pour moi, une chose est certaine. Vigile n’est pas un site antisémite. Si c’était le cas, je ne le fréquenterais pas et je n’y collaborerais pas. J’irais même jusqu’à le dénoncer publiquement, tant j’abhorre toutes les manifestations d’un esprit étriqué et malsain. Peu d’entre vous se souviennent qu’à l’époque où je siégeais comme député indépendant d’Iberville à l’Assemblée Nationale, j’avais proposé pour adoption la résolution suivante :
« QUE l’ASSEMBLÉE NATIONALE, dans un souci de réaffirmer les principes de la Charte des droits de la personne et des libertés et de favoriser la bonne entente entre tous les citoyens du Québec, quelles que soient leurs origines, condamne le nationalisme ethnique sous toutes ses formes et l’utilisation par qui que ce soit de ses thèmes, de ses stratégies et de son langage pour favoriser et entretenir la discorde entre les Québécois, dans quelque intérêt que ce soit,
ET invite en conséquence tous les groupes d’intérêt qui représentent les Québécois, indistinctement ou selon leurs origines, à s’abstenir de favoriser ou entretenir la discorde entre les Québécois sur la base de leurs origines ethniques ». (Mars 1997)
Je suis heureux de souligner que cette résolution avait été adoptée à l’unanimité.
Je n’ai évidemment pas changé d’opinion depuis, et c’est pourquoi je trouve l’accusation lancée par le Comité Canada-Israël complètement farfelue, inappropriée, et même à la rigueur diffamatoire. Je le répète, cette accusation n’est qu’un prétexte qui se trouve en plus à faire l’affaire du gouvernement Charest qui trouve que Vigile frappe fort et qui voudrait carrément éliminer cette voix discordante, et des fédéralistes qui voient que l’idée de l’indépendance reprend du terrain.
Toutes des raisons pour lesquelles il faut soutenir Vigile de tous nos moyens.