Les Montréalais, que l'abondance des révélations sur l'octroi de contrats dans leur ville scandalise, ont-ils vraiment la tête à s'arrêter à qui révèle quoi à qui? Bien sûr que non: au rythme du grand déballage qui va s'amplifiant, ils veulent seulement pouvoir séparer le bon grain de l'ivraie. Qui fait le tri n'a strictement aucune importance.
Or dans la bouche de Louise Harel, le débat sur l'éthique à Montréal est en train de se réduire à la guerre des clans. Depuis vendredi dernier, alors que les révélations sur les relations entre son lieutenant Benoit Labonté et l'entrepreneur controversé Tony Accurso ont finalement mené au départ du premier, madame Harel a blâmé d'abord les médias, puis ses adversaires politiques, pour les rebondissements qui perturbent sa campagne.
Lundi soir, tout de suite après le débat télévisé des candidats à la mairie, elle en a remis, accusant l'entourage du maire Gérald Tremblay d'avoir exercé des pressions pour divulguer des informations aux médias. Hier, elle maintenait le cap sur son compte Twitter, réitérant ses déclarations de la veille.
Il est possible que ces accusations soient vraies. Mais franchement, cela n'intéresse que les férus de potins politiques, certainement pas les électeurs, et surtout pas dans le contexte actuel. Les Montréalais sont dégoûtés et ils se sentent bien seuls puisque le gouvernement Charest ne veut pas d'une commission d'enquête sur les magouilles du monde municipal. Abandonnés par Québec, ils attendent donc des candidats aux municipales qu'on leur parle franc, pas qu'on tire sur le messager.
Madame Harel a d'autant plus intérêt à bien cibler ses dénonciations que de plus en plus de voix s'élèvent pour dire qu'elle avait été mise en garde contre Benoit Labonté quand elle a fait le pari que son parti, Vision Montréal, était le meilleur véhicule pour gagner la mairie. Des voix anonymes, certes, mais qui convergent. Et des voix qui s'affichent, comme celles de Robert Laramée et Christine Hernandez, ex de Vision Montréal, que l'on peut lire dans notre page Idées.
Madame Harel, écrivent-ils, «n'a jamais répondu à nos efforts d'entrer en communication avec elle». Peut-être n'étaient-ils pas du bon clan? Mais peut-être aussi que madame Harel ne voulait pas connaître les dessous de son nouveau parti... Tout cela ne ressemble-t-il pas à un certain Gérald Tremblay, spécialiste du «je ne savais pas» et qui a attendu d'être au pied du mur avant de congédier les importuns...
Madame Harel a montré la porte à Benoit Labonté? Bravo. A-t-elle trop attendu pour le faire? Sûrement (dès la fin septembre, le site RueFrontenac.com publiait des informations sur une rencontre entre M. Labonté et Tony Accurso). A-t-elle bien réagi à ce départ? Non, car elle s'est surtout emportée contre les jambettes qui sont -- elle le sait bien -- l'ordinaire de la politique. Or Montréal a trop connu de politique ordinaire. Il est maintenant temps de faire preuve de courage et de leadership pour transcender les querelles de partis et s'attaquer à la corruption qui sévit, peu importe qui la dénonce.
jboileau@ledevoir.comm
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