Le gouvernement du premier ministre Stephen Harper n’aura à affronter l’électorat que dans deux ans, mais cette affaire Duffy lui collera à la peau tant elle a valeur de symbole. Toutes les contradictions morales des conservateurs se trouvent illustrées par le comportement de Mike Duffy et de quelques autres sénateurs. Du bonbon pour leurs adversaires politiques.
On ne peut dire de ce gouvernement qu’il est perclus de scandales, surtout si on compare son dossier en matière de moralité publique à des gouvernements fédéraux précédents.
Il faut à cet égard se rappeler le record inégalé d’« affaires » que détient le gouvernement de Brian Mulroney. Les Canadiens balayèrent littéralement les progressistes-conservateurs de la carte en guise de punition en 1993 et confièrent le pouvoir aux libéraux de Jean Chrétien. En dépit de toutes leurs belles promesses, ils nous donnèrent la mère de tous les scandales, les commandites.
Les 90 000 $ réclamés sans droit par le sénateur Duffy à titre d’allocation de résidence pourraient sembler affaire banale à côté des millions payés en commandites qui permirent à des amis des libéraux de s’en mettre plein les poches. Mais la moralité ne se juge pas en milliers ou en millions de dollars volés au trésor public. Elle se juge en fonction des valeurs morales que l’on affiche et que l’on pratique.
Or, il se trouve que celles prônées par le premier ministre Harper lors de la campagne électorale de 2005 qui le porta au pouvoir étaient très élevées. Les conservateurs allaient laver plus blanc que blanc et, promettait-il, ce serait tolérance zéro pour les fautifs. On sait aujourd’hui qu’ils ne sont pas plus propres que les autres.
Aux yeux de l’opinion publique, le problème du gouvernement Harper n’est pas tant qu’un Mike Duffy aura abusé des fonds publics. Dans n’importe quelle organisation, que ce soit un gouvernement ou une entreprise privée, il y aura toujours des gens qui trouveront le moyen d’abuser du bien public. Le vrai problème est celui de la tolérance que des dirigeants manifesteront à l’endroit de ces personnes, ce dont le sénateur Duffy a selon toutes les apparences bénéficié.
Le chef de cabinet du premier ministre, Nigel Wright, suivait de près l’affaire Duffy. Le don de 90 000 $ qu’il a fait à titre prétendument personnel au sénateur pour qu’il rembourse le Sénat visait à mettre le couvercle sur cette affaire. Difficile d’y voir une maladresse pour laquelle M. Wright a payé en démissionnant de son poste. Difficile aussi de ne pas voir dans l’indignation à retardement manifestée par le premier ministre Harper à l’endroit de son sénateur et de son chef de cabinet autre chose que de mauvaises excuses pour se dégager de toute responsabilité.
Le premier ministre est en mode de gestion de crise dans l’espoir de se prémunir le mieux possible des retombées négatives de cette affaire, qui seront bien plus grandes que les 90 000 $ en cause. Pour la première fois, on touche à la crédibilité de Stephen Harper et de son gouvernement. Comment pourra-t-il désormais défendre les inspecteurs de l’assurance-emploi qui tirent à vue au premier soupçon sur les fraudeurs en prétendant qu’il faut préserver au nom de l’équité l’argent des contribuables ? Le Sénat est aussi financé par les contribuables. Il ne peut y avoir une telle chose que les bons fraudeurs et les mauvais fraudeurs.
Il est coutume de dire qu’en politique une crise chasse l’autre. Le sénateur Duffy cessera bientôt de faire les manchettes quotidiennes, mais il en restera quelque chose. On sait que ce gouvernement n’est guère différent des autres. On connaît son talon d’Achille. Les Canadiens le regarderont désormais d’un autre oeil. D’un oeil beaucoup plus critique.
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