Le silence dans lequel s'emmure le premier ministre Stephen Harper sur l'affaire Helena Guergis autorise tous les murmures et nourrit le tumulte. Il n'est pas commun qu'un chef de gouvernement dégomme un membre de son équipe, l'expulsant du caucus et glissant au passage le dossier à la Gendarmerie royale du Canada. Encore moins qu'il ne souffle mot sur les raisons motivant sa décision!
Des «allégations sérieuses» ont forcé M. Harper à demander cette démission, mais une semaine après l'annonce, tout n'est encore que spéculations et rumeurs. La commotion est d'autant plus grande que le premier ministre, spectateur et acteur de ce brouhaha, ne dit mot. Il fait un geste exceptionnel, mais ne précise pas le contexte dans lequel il s'inscrit. Ce silence devient gênant. La démission de Maxime Bernier, ex-ministre des Affaires étrangères ayant «oublié» des documents confidentiels dans un endroit non sécurisé, est encore fraîche en mémoire...
Le couple Julie Couillard-Maxime Bernier avait fourni une généreuse matière à rebondissements. Voilà que la ministre déchue Guergis et son mari Rahim Jaffer, ex-député conservateur, enflamment la colline parlementaire. Par courriel ou par personne interposée, Mme Guergis et
M. Jaffer ont confié hier au Devoir que ces fameuses allégations seraient disproportionnées. L'ex-ministre d'État à la Condition féminine, par la voix de son avocat, soutient même qu'elle n'en connaît pas la teneur exacte. Qui dit vrai?
C'est un flou insupportable que tant les partis d'opposition que les journalistes tentent de dissiper. Le réseau CTV a tiré une ficelle mardi en rapportant qu'un détective privé aurait informé un avocat conservateur d'une affaire de chantage liée à des stupéfiants. On n'en sait pas davantage. La principale intéressée, Helena Guergis, a qualifié cet ajout de «ridicule», l'associant à la rumeur qui se déchaîne.
À côté d'une prétendue affaire de drogues, on parle d'usage interdit de la voiture ministérielle et des locaux parlementaires de Madame par Monsieur. Il y a de tout dans ce tableau confus. Devant le stoïcisme du gouvernement, les hypothèses les plus folles tournoient. D'autres premiers ministres avant M. Harper ont expliqué ce qui les forçait à ordonner une enquête sur un membre de leur cabinet, et cela, sans présumer de leur culpabilité. Pourquoi ne serait-il pas ici de même?
Dans un contexte aussi exceptionnel que celui-ci, la transparence devrait constituer la carte maîtresse de Stephen Harper. Mais malheureusement, il n'en connaît guère la couleur. Alors que son gouvernement est secoué par cet «apparent» scandale, la commissaire à l'information Suzanne Legault a directement accusé le gouvernement conservateur mardi de manquer de cette nécessaire «culture de la transparence».
Ô ironie! Pendant que défile dans ce rapport critique la liste de tous les ministères n'ayant pas daigné se soumettre aux diktats de la Loi sur l'accès à l'information, le premier ministre reste de marbre. Il opte pour les «cachettes» plutôt que pour la vérité. Il s'agit d'un jeu dont le premier ministre ne sortira pas gagnant.
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machouinard@ledevoir.com
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