OTTAWA – Le gouvernement Trudeau a essuyé un tir groupé, mercredi, de ceux qui l’accusent d’avoir sacrifié la protection des travailleurs de l’aluminium dans les ajustements apportés au nouvel Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Tant le premier ministre, les membres de son cabinet, que des voix libérales en coulisse se sont époumonées à dire que bloquer la ratification de l’entente priverait le secteur de l’aluminium d’importants gains.
«Avant cette entente, il y avait une garantie de 0 % d’aluminium nord-américain dans la production d’automobiles. Maintenant, c’est 70 %», a martelé M. Trudeau en Chambre.
La veille, des intervenants du secteur de l’aluminium ont rapidement font part de leurs craintes, à peine quelques instants après que l’accord commercial amendé ait été signé à Mexico. Ils dénoncent que l’industrie, qui compte huit alumineries au Québec, n’ait pas bénéficié de protections aussi rigoureuses que l’acier.
L’inquiétude a aussi gagné le premier ministre québécois François Legault, qui maintient être préoccupé et déçu. «On va avoir une compétition indirecte de la Chine», a-t-il déploré dans son point de presse de fin de mission en Californie.
«Bonbon de plus» pour l'acier
Le nouvel ALENA, rebaptisé Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), force tout signataire à s’approvisionner en aluminium et en acier servant à la construction de voitures en Amérique du Nord, à hauteur de 70 %. Or, les travailleurs de l’aluminium déplorent un flou dans la définition même de ce qui détermine l’origine de ce métal. Cela permettrait d’étiqueter comme nord-américain de l'aluminium importé au rabais de Chine, puis transformé sur le territoire de l'ALENA, avant d'être utilisé dans l'industrie automobile mexicaine.
«Cette situation procurera au Mexique un avantage indu qui est contraire à l’esprit du libre-échange», s’est indigné Renaud Gagné, directeur québécois du syndicat Unifor.
Pourtant, l’acier a obtenu la précision qu’il devra être fondu et coulé sur le territoire d’un des pays signataires. Cette clause qui entrerait en vigueur sept ans après la ratification de l’ACEUM est «un bonbon de plus» que l'aluminium n'a pas obtenu, a confirmé une source gouvernementale.
S'opposer ou non à la ratification?
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet demande au gouvernement Trudeau de rouvrir les négociations et d'obtenir la même garantie pour l'aluminium, sans quoi son parti votera contre la ratification du traité commercial.
«La gestion de l’offre, par petits bouts, on a fini par en sacrifier un gros morceau dans les négociations, mais là, c’est le cas pour l’aluminium au complet d’un seul coup», a-t-il pesté.
Le premier ministre Legault ne va pas jusqu’à demander qu’on mette en péril la ratification de l’ACEUM. «Quand on fait la balance des inconvénients, [...] on pense qu’il faut signer l’entente», a-t-il tempéré.
Même son de cloche du côté du président de l’Association de l’aluminium du Canada, Jean Simard, qui croit que tuer l’accord reviendrait à «jeter le bébé avec l’eau du bain».
Le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique n’ont toujours pas décidé comment ils ont l’intention de voter, mais plusieurs de leurs élus ont accusé Ottawa d’avoir laissé le Mexique et les États-Unis s'entendre seuls.
- Avec la collaboration de Marc-André Gagnon, Journal de Québec