André CAILLÉ: postmortem du 28 septembre 2010

Monsieur Caillé: accompagnateur ou provocateur?

Tribune libre

Bonjour Monsieur Caillé,
Selon vos dires rapportés dans Le Devoir de jeudi 30 septembre 2010 en page première, «les réponses ont été fournies» à ceux qui ont posé des questions. À titre de postmortem, serait-il possible que le site internet de votre Association (AGPQ) présente la série d’informations que vous prétendez avoir fournie au public durant les 3 rencontres, soit celles de Bécancour, de St-Édouard-de-Lotbinière et de St-Hyacinthe, la dernière et non la moindre en ce beau mardi soir 28 septembre 2010, comptant sur la participation de près de 700 personnes.
Dans le dossier des gaz de schiste, considérez que la population est avide de connaissance, bien au-delà de ce que Nathalie Normandeau peut imaginer. Et cette même population possède une capacité de compréhension et d’analyse qui peut vous jeter par terre. Pouvez-vous être à la hauteur en fournissant de l’information rigoureuse et honnête?
J’ai parcouru le site internet de l’AGPQ et imprimé et lu le document intitulé “Projet gazier des shales d’utica - une richesse nouvelle pour le Québec”. Votre association devrait avoir à coeur d’améliorer le contenu de ce document qui va dans le sens d’apporter de l’information pertinente réclamée par le public du Québec.
J’y vais de quelques suggestions dans le sens d’améliorations en cinq points a, b, c, d, et e.
a) mettre à jour les données de 2006 apparaissant dans vos graphiques; on sera bientôt en 2011.
b) p.4, il est écrit “la production locale de gaz naturel devrait avoir un impact à la baisse sur le prix de la ressource,”. Pourtant la présidente de Gaz Métro, S. Brochu, n’a jamais fait une annonce dans ce sens, rabais qui pourrait intéresser les 127 000 clients résidentiels du Québec. Est-ce à dire qu’une baisse des coûts de production des gaz de schiste du Québec occasionnerait une hausse des profits qui serait captée uniquement par un petit groupe d’initiés? L’affirmation d’une éventuelle baisse du prix de la ressource ne devrait pas être un simple ballon. Vous devriez vous expliquer davantage.
c) p.6, il est écrit “l’eau injectée dans le puits pour la fracturation est ensuite en partie récupérée et transportée à des usines d’épuration ...” Cette affirmation contient plusieurs données imprécises dont celles-ci:
c.1: est-ce vraiment de l’eau ou plutôt une “saumure” qui répond à la définition contenue dans l’article 1 de la Loi sur les mines, à savoir “saumure = toute solution aqueuse naturelle contenant plus de 4% en poids de solides dissous”. Anecdote: l’eau (saumure) ici mentionnée, la boiriez-vous telle quelle?
c.2: “en partie récupérée...” récupérée dans quelle proportion? Le chiffre de 35% de solution aqueuse récupérée circule. Dans ce cas, il resterait un solde de 65% de saumure non récupérée. Des documentaires visuels circulent dans le public qui démontrent que des forages gaziers ont laissé derrière eux de graves contaminations des eaux souterraines et de surface. Tous savent que la ressource eau est un intrant irremplaçable pour la vie en général sur terre incluant les humains...! Et même les cultivateurs, attirés par les pesos des gazières, seront confrontés à de graves problèmes d’alimentation en eau pour leurs cultures, pour leurs animaux et pour eux-mêmes lorsque leurs sources et leurs puits artésiens seront contaminés. Cela s’est déjà produit chez nos voisins du sud.
Monsieur Caillé, si les membres de votre association ne peuvent pas démontrer à la population une plus grande maîtrise de leurs procédés d’exploration et d’exploitation comportant moins de risques pour la conservation d’une eau non souillée en tout temps, avant-pendant-après, vous ne méritez pas la confiance du public. Sur le site de votre association, on parle de forages verticaux jusqu’à une profondeur de 3000 mètres, sans compter les forages horizontaux. Vous faites preuve d’une inconscience brutale qui justifie l’accueil glacial de la population en général envers vos belles paroles.
c.3: les eaux récupérées sont “transportées à des usines d’épuration...”. À qui appartiennent ces usines d’épuration?
Qui acquittera les coûts de l’épuration des eaux usées provenant des forages des gazières? Est-ce la population en général? Pouvez-vous produire des ententes privées que vous avez conclues avec des usines d’épuration, qui à ma connaissance sont toutes municipales au Québec?
d) p.8 de votre document: cette page fait mention des nombreux permis requis par les gazières. Pourriez-vous mentionner les coûts qui sont associés à ces permis valides pour 5 ans et renouvelables pendant 5 années additionnelles (p.11, Rapport de gestion de Junex, 2e trimestre terminé au 30 juin 2009) Ailleurs, il est écrit ex.: 26$ pour moins de 25 hectares, etc. Et vos obligations de travaux chaque année représentant 0,50$ / hectare, etc. Il serait intéressant et instructif que l’AGPQ informe le public de tous ces chiffres parce que votre document parle lui-même de “retombées économiques directes” à la page 10. Tous les chiffres que vous avancez devraient être appuyés par un détail vérifiable par monsieur tout-le-monde. Il est tellement facile de publier de semblables rapports sur internet à accès général.
e) J’ajoute une autre information au bénéfice du lecteur, celle concernant la durée d’un bail d’exploitation. Dans le document mentionné ci-haut, à savoir “Projet gazier des shales d’utica - une richesse nouvelle pour le Québec” à la p.9, vous faites référence au bail d’exploitation émis par le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Combien coûte un tel bail valide pour 20 ans ou pour la durée de vie du gisement? Nous comprenons que les permis et les baux émis concernent un durée prolongée. C’est une autre raison qui milite en faveur d’un moratoire pour bien informer la population AVANT de permettre à notre Gouvernement du Québec de foncer la tête baissée. Augmenter le seuil des exigences de sécurité envers les gazières et les pétrolières est un service à leur rendre pour éviter le pire et les coûts du type de ceux que BP affronte dans le Golf du Mexique.
Ne soyez pas surpris des exigences du public qui demande tant d’information détaillée et vérifiée. La raison se trouve dans le fait que les ressources naturelles que vos compagnies membres convoitent appartiennent par droit à la population du Québec. Vous vous trompez de faire main basse sur autant de richesses en allongeant la jambe.
D’autres sujets capitaux se greffent à vos projets d’exploration et d’exploitation comme:
1. votre empressement suspect à agir en catimini avec la complicité du gouvernement et d’employés clés qui sont récemment passés sur les listes de paies des gazières. Vous pratiquez la stratégie du “fait accompli” avec vos gros sabots en plus de chaparder légalement des informations géologiques payées par le public.
2. votre rejet catégorique d’un moratoire pour laisser le temps à la population du Québec de faire le tour de la question. Le public veut et possède la capacité de comprendre les véritables enjeux. Évidemment, la cupidité de tous les détenteurs d’actions de Junex et consorts pousse fort sur la locomotive à incidence économique. Mais, cette avidité aux profits peut être refroidie par une volonté du public d’exiger plus de redevances pour ses richesses naturelles et une protection totale de l’eau douce qui coule dans les veines du pays du Québec.
3. votre scénario de victimes, entendons les gazières et pétrolières du Québec, en menaçant de poursuites le gouvernement du Québec advenant un moratoire. Et de là, votre stratégie du “fait accompli” pour générer des pesos dans les poches d’un petit groupe d’actionnaires en escomptant des bénéfices futurs.
4. Tout le volet des subventions publiques et des abattements fiscaux devrait être chiffré pour le bénéfice des payeurs de taxes que sont les québécoises et les québécois. Sauf tout le respect qu’un travailleur honnête impose, on ne peut en 2010 oblitérer les impacts environnementaux pour créer des emplois. Et on ne peut pas fermer les yeux sur toutes les sortes de subventions publiques pour encourager un secteur de l’économie, serait-ce celui du gaz naturel et du pétrole. Le dossier des subventions publiques et avantages fiscaux contient une approche perverse: les rendements affichés par les entreprises subventionnées sont faussés à la hausse et leur rentabilité artificielle trompe. Pire, les profits qui n’ont pas de frontières, ignorent toute reconnaissance envers leur terre natale et migrent vers des cieux plus cléments où les impôts sur les fortunes sont minimes. Je crois que nous faisons face ici à un avantage contenu dans la nationalisation des richesses naturelles où les profits profitent localement, ce que le privé ne peut pas garantir. Les compagnies telles que Talisman et Questerre possèdent leur siège social en Alberta et sont imposées là-bas et non au Québec: alors, exit les bénéfices et les nouveaux capitaux hors Québec.
Monsieur Caillé, pensez-vous que vous avez un bon dossier à titre de président de l’Association des gazières et pétrolières du Québec (AGPQ)? Vous devriez peut-être réactiver votre carte de l’autre AGPQ, celle des golfeurs professionnels du Québec. En attendant, bonne réflexion et j’espère que la première AGPQ livrera la marchandise de l’information exigée par les québécois.


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1 commentaire

  • Jacques Bergeron Répondre

    2 octobre 2010

    Caillé est surtout détenteur de plusieurs millions d'actions de Junex qui lui interdisent de s'exprimer en dehors de ses intérêts. Voilà pourquoi il ne peut défendre les intérêts de celles et ceux dont le sol, le sous-sol,le paysage, l'air et l'eau sont spoliés par les travaux des sociétés désireuses de s'emparer de notre sol et de notre sous-sol peu importe les intérêts environnementaux et la santé du peuple du Québec. Il me semblerait important qu'on demande à ce commissionnaire, agissant comme conseiller auprès du groupe Junex, combien de millions d'actions (4 selon mes données)il possède dans cette société. Cela pourrait éclairer plusieurs citoyennes et plusieurs citoyens du Québec lorsqu'il se présente devant elles et eux sous prétexte de les éclairer sur le gaz de schiste et les profits qu'il pourra en retirer dès lors que les puits produiront le gaz qui viendra polluer le paysage du Québec, l'air que nous respirons et l'eau que nous buvons.