À écouter plusieurs membres des médias et commentateurs politiques, le Québec serait un peuple foncièrement raciste. Il n'y a pas si longtemps, c'est Charles Taylor qui le disait en faisant à peine l'effort de déguiser ses mots.
Effrayés par l'inconnu puisque noyés dans un océan anglophone, les Québécois auraient développé une malsaine aversion de l'autre. Cette aversion, selon les tenants de la théorie, elle dépasse du jupon des Québécois chaque fois que ceux-ci tentent d'affirmer les valeurs qui font du Québec une société distincte du Canada et du reste du monde. À travers 150 ans d'histoire, le message du Canada au Québec a toujours été clair: si tu veux vivre avec nous, tu dois commencer par mourir. Aujourd'hui, ce message n'est plus chuchoté à notre oreille, il nous est hurlé dans un porte-voix.
À force d'essayer de se convaincre que toutes les cultures sont incomparablement importantes dans l'histoire d'un pays, on en vient à croire que celles qui ont fondé ce dernier doivent être diluées par souci d'égalité. Puisque toutes les cultures sont les bienvenues, alors en mettre une en valeur reviendrait à renier les autres qui l'entourent, aussi absurde que cela puisse paraître.
Voilà précisément le malaise que vit le nationalisme québécois ainsi que tous les autres nationalismes dans le monde.
Ce malaise est né de l'exercice masochiste qu'est le multiculturalisme. À vouloir faire de la place pour tout le monde, on en vient à se trouver envahissant et encombrant dans son propre chez-soi.
Donc on se fait petits. On ne se trouve pas trop beaux ni trop fins. En fait, on se trouve si intelligents de se trouver si laids qu'inévitablement, tous ceux qui se trouvent encore un peu beaux se font targuer de communautarisme ou de nativisme.
Because it's 2017.
Pourtant, la réalité est tellement différente.
Les Québécois ne sont pas racistes, par aucune mesure. S'il y a quoi que ce soit, ils sont incompris. Quand des gens citent la Charte comme un exemple vicieux du racisme des Québécois, ils démontrent une incompréhension profonde de la nature de la Charte. Fondamentalement, elle ne visait aucune religion ni aucun groupe. Elle n'était qu'une ligne dans le sable, juste la manifestation d'un peuple qui ne veut pas mourir. Radio-Canada dévoilait récemment que 65% des Québécois appuient un test de valeurs au moment de l'immigration. Vraiment, est-ce que 65% des Québécois sont racistes? N'y voyez-vous pas comme moi une autre manifestation du désir de vivre?
Chaque fois qu'il en a l'occasion, le Québec donne au reste du monde une leçon d'ouverture et de tolérance. Quand la guerre et les bombes ont démuni le peuple syrien, les portes fleurdelisées furent parmi les premières à s'ouvrir.
Quand il fut question de réfugiés, Montréal n'a pas hésité une seconde à se sacrifier et à devenir ville sanctuaire. C'est la même chose pour l'immigration. Même si l'élite médiatique et politique tire à boulets rouges sur quiconque ose suggérer une baisse des taux, les faits ne peuvent pas rester indéfiniment ensevelis sous les insultes. Avec un peu de perspective, regardons les chiffres.
Tout un melting-pot!
Pays bâti sur l'immigration et fier d'être un melting-pot, les États-Unis reçoivent chaque année un million d'immigrants. C'est beaucoup. Toutefois, ce million est dilué dans 340 millions d'Américains. En faisant le calcul, on arrive à 1 pour 340, environ. Ainsi, on juge qu'il faut 340 citoyens américains pour bien intégrer un nouvel arrivant. Au Québec, on admet 50 000 immigrants pour 8 millions d'habitants. Si on fait le même calcul, on arrive à 1 pour 160.
Malheureusement, le premier à s'approcher du sujet avec une perche de 200 pieds sera fusillé et on applaudira le tireur pour son sang-froid: «ouf, on a failli parler d'immigration!»
Vous avez bien lu. Ça veut dire que le Québec considère sa capacité d'intégration comme étant plus de deux fois supérieure à celle des États-Unis. Sans vouloir m'avancer sur ce que serait un plafond d'immigration plus réaliste, il semble évident que considérant les taux de francisation et de chômage, l'intégration des nouveaux arrivants nécessite un vrai débat public. De l'argent? Des ressources? Malheureusement, le premier à s'approcher du sujet avec une perche de 200 pieds sera fusillé et on applaudira le tireur pour son sang-froid: «ouf, on a failli parler d'immigration!»
Pour le bien de la nation (de ce qui en reste), les questions identitaires doivent être débattues et pour ce faire, il va falloir que toute une génération élevée dans la peur phobique du racisme découvre que l'identité n'est pas en soi exclusive.
Apprendre notre nom ne nous fera pas oublier celui des autres. Que ça ne les effraiera pas non plus.
Le fardeau de l'existence
Tristement, beaucoup de jeunes sont nés dans un monde qui a noyé le nationalisme dans les accusations de racisme et d'exclusion. Ils y voient une démarche de repli sur soi motivée par la peur de l'autre.
Pourtant, cette même génération n'est pas pour autant exempte de fierté et d'orgueil national. Par moments, elle est prise de ce que l'on pourrait qualifier de «spasmes nationalistes». Occasionnellement, ces spasmes nous rappellent que le Québec n'est pas mort et qu'il refuse de clouer son cercueil. Quand la SAQ a eu l'idée de génie de retirer les drapeaux québécois par souci d'économie, la province s'est levée d'un bond pour protester la décision et la SAQ a dû reculer. Même chose pour le crucifix dans nos hôpitaux : même si plusieurs se foutent bien de la religion catholique, très peu de gens étaient prêts à laisser partir l'héritage religieux qui habite le Québec. Ça fait partie de son histoire, de ses racines. Qu'arrive-t-il quand on coupe les racines d'un arbre, aussi majestueux soit-il? Sans fracas, il meurt.
L'ironie de la chose, c'est que ce délire est coupable du même racisme dont il accuse les Québécois. Si des gens font un lien malhabile entre les factions radicales de l'Islam et le reste du monde musulman, on les accuse de stéréotyper ce dernier et de faire preuve d'une ignorance inexcusable. Pourtant, on continue à mettre dans le même panier ceux qui crachent sur les communautés religieuses par xénophobie et ceux qui en font une critique constructive et intellectuelle. Ça aussi, ça compte comme stéréotyper un peuple au grand complet en calquant sa frange la plus déplorable. Ça aussi, c'est un racisme subtil.
Après la Révolution tranquille, c'est la mort silencieuse. Les quelques Québécois qui se lèveront pour dénoncer la mort prévisible du nationalisme seront les premiers à abandonner après avoir été disqualifiés du débat public : racistes, xénophobes, name it!
En pleine lutte pour sa propre survie dans un continent qui veut l'engloutir, on demande au Québec de ne pas trop faire de bruit en mourant pour ne pas déranger ceux qui dorment encore. Si certains acceptent de faire de beaux rêves, d'autres refusent et sont bien éveillés pour assister au cauchemar. Il me semble que le minimum de la noblesse, ce serait de les laisser y assister en paix.
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