Avortement: malaise et dissonances chez les conservateurs

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La gauche québécoise se fait des peurs : comme Harper, Scheer n'ouvrira pas le débat sur l'avortement


Personne au Québec ne tient sérieusement à rouvrir le débat sur l’avortement.  



Sylvie Fréchette

Photo d'archives

Sylvie Fréchette




Premier plongeon raté  


Puisque les métaphores sportives sont courantes quand il est question d’un ou d’une athlète qui plonge dans le monde de la politique, pourquoi s’y refuser!   


Sylvie Fréchette aura appris à la dure, dès son entrée en politique, que cet univers a parfois plus en commun avec la boxe qu’avec l’art subtil du plongeon.  


Ne doutons pas des convictions et du réel engagement que ça prend pour se lancer en politique. Ce sont des choses qu'on doit applaudir. L’aspirant(e) politicien(ne) s’expose cependant à la critique, à l’analyse de son choix. Sylvie Fréchette a choisi le Parti conservateur et, du même coup, a affirmé adhérer au programme et aux valeurs que défend ce parti.  


Astreinte aux conventionnelles entrevues politiciennes, l’ancienne athlète olympique s’est ouverte un peu plus sur ses propres convictions.   


Une entrée à l’eau caduque. Et ratée.  


Sur le dossier de l’avortement, par exemple.   


En entrevue à Radio-Canada, Mme Fréchette a dit «qu’il n’est pas question que les conservateurs revisitent le dossier de l’avortement». Ah.   


C’est bien mal connaître ce parti.   


Les groupes de pression anti-avortement sont très actifs au Canada et le Parti conservateur auquel vient de se joindre Sylvie Fréchette est au nombre des formations politiques que ces activistes visent. Et avec un certain succès.   



Avortement: malaise et dissonances chez les conservateurs

Photo Randi Hogsden




Ardent militantisme anti-avortement  


Rétropédalons à l’élection ontarienne de 2018. Un groupe anti-avortement nommé CLC (Campaign Life Coalition) se félicite de voir que la législature provinciale ontarienne compte désormais plusieurs «alliés» au sein du parti de Doug Ford.   


Ces activistes dressent une liste exhaustive des candidats susceptibles d’épouser leur cause: recriminaliser l’avortement. C’est hallucinant de les voir aller.   


Déjà, après l’élection ontarienne de 2018, ce groupe a commencé à planifier ses alliances pour l’élection fédérale de 2019. L’objectif du CLC? Pas moins de 170 députés anti-avortement! Et pour faire avancer sa cause, le CLC, fondé en 1983, compte sur plus de 200 000 membres au Canada.   


Et ce groupe dispose de moyens considérables. Sur son site web, on trouve une analyse des positions de chaque député provincial et fédéral au Canada en fonction de ses prises de position actuelles et passées sur les dossiers de l’avortement ou de l’aide médicale à mourir, ainsi qu'en fonction de sa religion. Un feu de circulation accompagne l’analyse de chaque député. Feu vert s’il est sensible à la cause, feu rouge si c’est un adversaire.  


Au Québec, le CLC compte très peu d’alliés dans la législature provinciale, on le comprendra.    



Alain Rayes, lieutenant politique pour le Québec du Parti conservateur du Canada

PHOTO D'ARCHIVES, JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS

Alain Rayes, lieutenant politique pour le Québec du Parti conservateur du Canada




Dissonances conservatrices  


La journaliste Althia Raj a rappelé dans un texte du Huffington Post Canada, hier, à quel point il y a confusion chez les conservateurs sur cette question.   


Confusion ou... malaise.  


Le lieutenant québécois du chef conservateur Andrew Scheer, le député Alain Reyes, pourrait bien avoir induit en erreur plus d’une candidate pressentie. Car si l’ex-athlète olympique Sylvie Fréchette, ayant affirmé que les conservateurs ne reviendraient pas sur le débat de l’avortement, a été contredite dans la journée par son parti, elle n’est pas la seule dans son parti à s’être fait prendre.  


Par exemple, toujours selon Althia Raj, qui cite la journaliste Catherine Lévesque, les candidates Isabelle Lapointe (La Prairie) et Jessica Ébacher (Drummond) s’étaient aussi fait promettre que leur parti ne rouvrirait pas ce débat.  


Constatant cette dissonance, le bureau du chef conservateur a rectifié le tir. Car ailleurs au Canada, c’est l’inverse qui se produit. On y approche certains candidats en leur promettant, notamment, qu’ils pourront voter ou proposer des projets de loi selon leur «conscience» dans un cas comme celui du droit à l’avortement.  


Pas de surprise ici, comme l’explique Althia Raj. Si Andrew Scheer a réussi à gagner la chefferie du Parti conservateur, c'est, entre autres, grâce à l’appui de lobbys anti-avortement.   


Ironiquement, celui qu’il a défait, Maxime Bernier, aujourd’hui à la tête de son propre parti, n’hésite pas à utiliser le débat sur l’avortement comme un atout pour attirer des candidats anti-choix.   


Rappelons que, selon un sondage Léger publié il y a un an exactement aujourd’hui, 86% des Québécoises et des Québécois croient que l’avortement devrait être légal.  


On comprendra aisément le malaise qui existe au sein des troupes conservatrices au Québec. Car il y a dissonance majeure entre les intérêts de ce parti ailleurs au Canada, où l’on ne rechigne pas à s’allier avec des orthodoxes religieux anti-avortement quand cela fait poindre des gains électoraux, et la situation au Québec.  


Les conservateurs se le feront rappeler tout au long de la campagne, d’ailleurs. Sylvie Fréchette devra assumer son choix.




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