Le crime a été signé par des graffitis en hébreu « vengeance » et « le prix à payer » sur les murs de la maison. Les faits ont eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi, peu après minuit, dans le village de Douma près de Naplouse, au nord de la Cisjordanie. La famille Dawabcheh, un jeune couple et ses deux enfants dormaient paisiblement. Deux assassins se sont approchés, et ont jeté dans la maison des produits incendiaires. Un désastre. Ali, le petit bébé de 18 mois est mort brulé vif, et la mère, Riham, 26 ans, a été atteinte de brûlures du 3° degré sur 90% du corps. Le père Saad et l’autre fils Ahmed, 4 ans, ont été aussi grièvement brûlés, tous devant être hospitalisés.Le père serait brûlé à 80% au 3° degré. A ce stade, l’option est entre la survie et une vie définitivement cassée.
Le lieutenant-colonel Peter Lerner, porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré qu’une enquête avait été ouverte, et qu’il s’agissait de « rien de moins qu’un acte de terrorisme barbare ». Netanyahu a dénoncé un acte terroriste, et a appelé Abbas pour lui dire que la justice israélienne serait intraitable. En soirée, Abbas a déclaré « douter qu’Israël mette en œuvre une véritable justice », ajoutant que « les Palestiniens déposeraient samedi un nouveau dossier pour crime de guerre devant la Cour pénale internationale ».
Tout ceci est écœurant, de A à Z.
Un crime, ce sont des faits et un contexte, toujours.
Le contexte, c’est celui du mépris des droits du peuple palestinien depuis 1947 et la colonisation organisée par tous les gouvernements israéliens depuis 1967, pour miner l’avenir d’un Etat Palestinien. C’est le radicalisme de Netanyahu qui jeudi encore autorisait 300 constructions nouvelles. Le contexte, c’est donc 70 ans de politique sioniste.
Les faits ? Ils sont hélas simples, et encouragés par l’impunité. En mai, l’ONG israélienne Yesh Din a publié un rapport selon lequel 7,4% seulement des plaintes déposées par les Palestiniens contre les violences des colons conduisent à des poursuites, et un tiers débouche sur une condamnation. Donc 2%. Hier, Ban Ki-moon a critiqué le gouvernement israélien pour son « incapacité persistante à faire cesser l’impunité » des colons.
Aussi, la question qu’il faut poser, loin des déclarations tonitruantes maintes fois entendues, est simple : alors que ce crime a été commis en Palestine avec des victimes palestiniennes, pourquoi le gouvernement palestinien n’exige-t-il pas de juger lui-même les auteurs ?
Les dirigeants palestiniens dénoncent à longueur d’année les crimes commis par la puissance occupante et l’impunité qu’elle organise avec méthode, mais jamais l’Etat de Palestine n’a engagé lui-même les poursuites, organisant une instruction judiciaire, lançant des mandats d’arrêts et prenant à témoin l’opinion mondiale devant un Etat d’Israël qui refuserait de lui livrer les criminels… Soixante-dix ans de violation des droits, et pas un seul procès,… il a quand même de sérieuses questions à se poser !
Dans cette affaire, les colons sont partis se terrer dans leurs colonies, et ce n’est pas la police palestinienne qui ira les débusquer. Certes. Mais alors que Netanyahu a annoncé un enquête exemplaire, pourquoi le gouvernement de Palestine n’a-t-il pas ouvert lui-aussi une information judiciaire pour ce crime commis contre ses ressortissants et sur son territoire, et demandé que les criminels lui soient livrés ? Pourquoi renoncer à l’idée de juger les crimes des colons ? Des décennies de colonisation, de crimes, et jamais le début d’un procès… C’est sidérant, et ça montre ce qu’il en est réellement de la volonté d’exercer le pouvoir d’Etat. C’est un constat, cruel et tellement parlant.
Quant à l’histoire de « transférer ce dossier à la CPI », arrêtons la mascarade. Il ne s’agit pas de « transférer le dossier » mais de porter plainte, et malgré la ratification du traité de la CPI, qui est pleinement compétente depuis juin 2014, le gouvernement de Palestine n’a toujours pas déposé plainte pour l’agression militaire commise il y a un an sur Gaza, avec 2100 morts, des blessés graves par milliers, et des destructions de masse de biens civils. C’est donc un transfert d’informations sans plainte, et le seul but est de duper l’opinion… et discréditer la CPI. Alors qu’il s’agit de défendre les droits les plus fondamentaux, ces gesticulations sont pitoyables.
Qu’Abbas commence donc par déposer plainte contre Netanyahu pour les 300 constructions nouvelles annoncées jeudi, au nom du crime de colonisation (CPI, art. 8,2,b,viii). Là, on le prendra au sérieux,… mais ce n’est pas demain la veille.
Spectacle poignant que ce peuple palestinien livré à lui-même, et qui résiste.
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