Solidarité Yves Michaud, organisme à but non lucratif ayant plus de 500 membres, rappelle à la population que l'Assemblée nationale a fauté de plusieurs façons avec son vote de blâme contre Yves Michaud.
Une attaque mensongère basée sur un ouï-dire
Ce vote largement médiatisé a porté atteinte à la réputation de Yves Michaud, laissant croire à de nombreux citoyens qu'il aurait tenu des propos inacceptables devant la Commission d'enquête sur la situation et l'avenir de la langue française. La réalité était tout autre. Les débats à la commission d'enquête étaient enregistrés et n'importe qui peut (en payant les frais) vérifier la tenue réelle de ce qui y fut dit. La réalité est que Yves Michaud n'y a tenu que des propos entièrement honorables. Une transcription légale de ces propos a été déposée en preuve à la Cour supérieure et est disponible pour quiconque veut en connaître la teneur.
Pourquoi tant de citoyens ont-ils trouvé important de soutenir Yves Michaud ? Dès le début, plusieurs qui le connaissaient bien ont été incrédules à l'idée que Yves Michaud aurait pu tenir des propos inacceptables à l'égard des minorités ethniques Face au ouï-dire, ils ont pris la peine de vérifier la véracité de l'accusation, ce que les députés de l'Assemblée nationale ne se sont pas donné la peine de faire avant d'appuyer cette motion complètement sotte. L'Assemblée nationale avait fait erreur sur les faits initiaux.
Journaliste avant de devenir député au Parti libéral du Québec (au temps de Jean Lesage), et subséquemment diplomate il manie la langue française avec une aisance et une précision que de nombreux professionnels de la langue souhaiteraient avoir. Yves Michaud a toujours été un grand défenseur de la langue française et il est respectueux des personnes sans égard à leur origine.
Au-delà de l'erreur initiale, plusieurs citoyens ont, avec raison, vu dans cette affaire une attaque vicieuse contre les québécois de souche française. En s'attaquant mensongèrement et de façon aussi ignoble à ce grand défenseur de notre langue, c'est tous les défenseurs du Québec français qu'on cherchait à faire taire. Et pour y arriver, on avait recours à la sempiternelle prétention mensongère si souvent répétée stupidement par certains journalistes de bas étage à l'effet que les québécois seraient racistes. Ce processus d'intimidation pour étouffer la parole est archi-connu et doit être combattu avec ténacité.
Les procédés utilisés : accusation mensongère, procès par association, généralisation raciste à l'encontre des francophones. Étrange qu'au Québec ces procédés infects véhiculés dans certains médias servent à répétition au détriment des seuls québécois de souche française ; voudrait-on laisser croire que ceux-ci ne sont pas tout à fait humains comme le reste de l'humanité qu'on ne procéderait pas autrement.
Mais dans cette affaire plusieurs citoyens ont aussi vu une autre chose particulièrement inquiétante : En transformant l'Assemblée nationale en tribunal pour accuser et porter jugement sur les paroles d'un citoyen on violait plusieurs principes fondamentaux de la démocratie. Le premier, le droit de l'accusé de connaître ce dont on l'accuse ; le deuxième, le droit de l'accusé d'être entendu pour se défendre. Ces deux premiers principes sont considérés des droits fondamentaux de l'homme.
Un troisième principe qui ne fait pas partie des droits de l'homme est néanmoins un des principes fondamentaux de la démocratie : c'est celui de la séparation des pouvoirs.
Cela fait déjà plus de 250 ans que Montesquieu a énoncé le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La séparation des pouvoirs constitue, avec la déclaration universelle des droits de l'homme, les deux grands fondements de la démocratie moderne. La séparation des pouvoirs signifie que les pouvoirs exécutif et judiciaire ne font pas les lois, que les pouvoirs législatif et exécutif ne font pas de jugements, que les pouvoirs judiciaire et législatif n'exécutent pas. Autrefois, les trois pouvoirs étaient regroupés entre les mains des rois. En élaborant le principe de séparation des pouvoirs, Montesquieu interpellait les penseurs de son époque pour dire que c'était trop de pouvoirs entre les mêmes mains. Subséquemment, la séparation des pouvoirs, quoique plus ou moins bien articulée dans chaque pays, est devenue une des principales caractéristiques des démocraties modernes. La séparation des pouvoirs est essentielle pour freiner les abus de pouvoir.
En se constituant en tribunal (pouvoir judiciaire) pour porter jugement contre un citoyen, l'Assemblée nationale (pouvoir législatif) a violé le principe de la séparation des pouvoirs.
L'affaire Michaud est en cour et celle-ci décidera ultimement si l'Assemblée nationale a outrepassé son pouvoir constitutionnel et si l'Assemblée nationale a violé l'une ou l'autre des chartes des droits (canadienne et québécoise). Cette situation, unique dans les démocraties occidentales, est d'une importance capitale. Si la cour décide que l'Assemblée nationale a outrepassé son pouvoir, elle rappellera aux députés actuels et futurs que l'Assemblée nationale n'est pas un tribunal. Si la cour décide que l'Assemblée nationale a le pouvoir de se constituer en tribunal pour juger des actes des citoyens il y aura de quoi s'inquiéter pour l'avenir de notre démocratie.
Dans pareille démocratie, n'importe quel parti majoritaire au parlement pourrait porter des jugements mensongers à l'encontre de n'importe quel citoyen, détruire sa réputation et briser sa vie en faisant de lui un objet d'opprobre public.
Dans l'État actuel des choses où un premier jugement a été rendu en faveur de l'Assemblée nationale au détriment de Yves Michaud, aucune personnalité publique (qu'il soit industriel, président d'un syndicat, maire d'une municipalité, président d'un ordre professionnel, journaliste, président d'une chambre de commerce ou autre) n'est à l'abri de pareil abus de pouvoir. Dans l'état actuel des choses, l'Assemblée nationale peut, par une accusation mensongère, s'attaquer à tout citoyen et détruire sa réputation. Tous les citoyens le moindrement actifs dans la société sont menacés dans leurs droits de parole, peu importe leur adhésion politique ou leur absence d'adhésion politique. Chacun doit penser que pareille affaire pourrait lui arriver un jour, arriver à un de ses proches ou arriver à une autre personne honorable qu'elle estime.
La motion sotte à l'Assemblée nationale a été proposée par les députés Boulerice (PQ) et Bergman (PLQ) et fut autorisée par Lucien Bouchard (premier ministre d'alors) et Jean Charest (chef de l'opposition d'alors). L'obéissance aveugle aux diktats des chefs de partis a fait le reste. On a vu à la télé les 109 députés présents voter aveuglément sur un ouï-dire comme le demandaient leurs chefs respectifs. À la télé on a vu l'actuel chef du Parti québécois bondir pour voter comme un petit caporal d'armée aux ordres d'un officier.
Aucun parmi Boulerice, Bergman, Bouchard et Charest ne s'est excusé de ce dérapage. Peu de députés du Parti québécois (le parti auquel adhère Yves Michaud) lui ont exprimé de regrets. Cela a pris plus de quatre ans pour que le chef actuel de ce parti décide de dire publiquement que le vote de blâme n'aurait pas dû avoir lieu. Il n'explique pas pourquoi cela lui a pris quatre ans pour le reconnaître publiquement. On ne comprend pas pourquoi il n'a pas fait réparation alors qu'il était premier ministre et que son parti détenait la majorité au parlement.
Dans son récent communiqué publié par plusieurs quotidiens sous le titre de « Une réforme nécessaire et attendue », Bernard Landry pose un premier geste public, timide mais très trompeur en vue du règlement de l'affront à Yves Michaud.
Il y prétend que le seul changement des règles parlementaires actuelles suffirait pour éviter que pareille affaire ne se reproduise. Il dit explicitement que « si les modifications envisagées avaient été en vigueur, l'affaire Michaud ne serait jamais arrivée ».
L'actuel article 324 suffisait, si on l'avait appliqué
Nous contestons vigoureusement cette affirmation de Landry. Les seuls articles du règlement de l'Assemblée nationale, qui traitent de la conduite d'une personne autre qu'un député sont les articles 324, 325, 326 et 327.
Parmi ces articles, le seul qui traite des motifs pour s'attaquer à un citoyen est l'article 324. Cet article se lit comme suit : « Tout député peut, par motion, mettre en question la conduite d'une personne autre qu'un député qui aurait porté atteinte aux droits ou aux privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres. »
Par cet article de son règlement, l'Assemblée nationale se donnait le pouvoir de débattre et de voter en faveur (ou en défaveur) d'une motion relative à la conduite d'un citoyen autre qu'un député, mais en précisant un seul motif pour exercer ce pouvoir : le motif à l'effet que la conduite du citoyen avait « porté atteinte aux droits ou aux privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres ». Il n'y a aucun autre motif dans le règlement. Ce règlement est un document public que tout journaliste le moindrement consciencieux peut vérifier.
Cet article (324) n'accorde aucun pouvoir à l'Assemblée nationale de s'attaquer à un citoyen pour une conduite qui n'a pas porté atteinte aux droits ou aux privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres. Le règlement de l'Assemblée nationale ne précise pas explicitement d'interdiction de s'attaquer à un citoyen pour d'autres motifs, mais la réserve ou la retenue de ce règlement qui ne propose aucun autre motif pour s'attaquer à un citoyen implique que lorsque ce règlement a été rédigé et adopté, on s'interdisait de s'attaquer à un citoyen pour d'autres motifs. En clair, on considérait que de s'attaquer à un citoyen pour d'autres motifs cela risquait d'être considéré abusif, tant face à l'opinion publique mais aussi face aux autres lois, notamment les chartes des droits canadienne et québécoise. Sans être explicite c'est évidemment implicite ; quiconque connaît bien la langue française peut comprendre cela.
Cette retenue dans le règlement actuel a aussi un autre fondement. L'Assemblée nationale. en tant qu'institution législative, a pour rôle de faire des lois et non pas celui de porter jugement sur la conduite et les opinions des citoyens. L'Assemblée nationale n'est pas un tribunal idéologique. Le pouvoir législatif en tant qu'institution n'a pas un rôle judiciaire lui permettant de porter jugement sur les comportements des citoyens. C'est le principe même de la séparation des pouvoirs qui a été violé par les députés siégeant à l'Assemblée nationale.
Les députés ont violé leur propre règlement
L'article 324 suffisait donc pour interdire la tenue du vote de blâme, mais dans le feu de l'action et la routine parlementaire étant ce qu'elle est, le président de l'Assemblée nationale de l'époque ne s'en est pas rendu compte. Il aurait pu, sur-le-champ, empêcher la tenue de ce vote. Si un député quelconque de l'Assemblée nationale avait alors porté à l'attention du président le fait que l'article 324 prévoyait un seul motif pour mettre en question la conduite d'une personne autre qu'un député, Jean-Pierre Charbonneau (grand démocrate qui était alors président) se serait certainement fait un plaisir de l'appliquer. Les députés de l'Assemblée nationale ont violé leur propre règlement en tenant ce vote de blâme.
Que Landry prétende aujourd'hui que le seul changement des règles suffira est tout à fait loufoque. Ils ont violé leur propre règlement dans le passé et rien ne les empêchera dans l'avenir de violer tout nouveau règlement quel qu'il soit puis de faire la sourde oreille aux protestations des citoyens.
Un changement des règles ne changera rien à la légèreté intellectuelle des députés qui se permettent de se servir de l'Assemblée nationale comme d'un tribunal pour porter jugement sur les paroles des citoyens. De même, un changement des règles de l'Assemblée nationale ne changera rien à la servilité des députés face aux diktats des chefs de partis.
Il n'y a que deux solutions honnêtes à cette affaire : Soit que l'Assemblée nationale reconnaisse librement avoir fait erreur ou que l'Assemblée se fasse dire par la Cour qu'elle a fait erreur. La première solution étant plus honorable que la deuxième, les députés auraient intérêt de choisir la première. Mais, les députés choisiront-ils l'honneur ?
Peu importe leur parti, les députés de l'Assemblée nationale auront-ils le courage, l'honnêteté intellectuelle et l'intégrité de le faire librement ? L'assemblée nationale continuera-t-elle à dépenser l'argent des citoyens pour combattre Yves Michaud en cour au lieu de reconnaître son erreur ?
Avec grâce nous accordons à Monsieur Landry le mérite d'avoir reconnu publiquement (après plus de quatre ans) que le geste de l'Assemblée nationale était fautif et que Yves Michaud ne méritait pas cela ; il va même jusqu'à faire son éloge. Mais il n'explique pas pourquoi cela lui a pris plus de quatre ans pour comprendre l'importance de dire publiquement dans quelle direction était la justice et l'éthique. De plus, il se permet de prétendre qu'un changement du règlement serait un correctif adéquat.
On se demande toujours quand Jean Charest et Mario Dumont suivront l'exemple tardif de Bernard Landry. Peut-être pensent-ils que ce n'est un problème que pour le Parti québécois et qu'ils en rigolent avec leurs collègues. S'ils pensent ainsi, ils se trompent. C'est un problème pour tous les citoyens du Québec. Viendra un jour où le Parti québécois reprendra le pouvoir puis fera réparation avec sa majorité parlementaire et les réticences du PLQ et de l'ADQ de se joindre à la réparation restera dans l'histoire. Les chefs et les militants de ses partis auraient intérêt à commencer à réfléchir à cela s'ils ne veulent pas se retrouver seuls à ne pas faire réparation. Ils auront alors à en supporter l'odieux.
Pour mettre un terme à cette affaire, Bernard Landry suggère que Yves Michaud accepte le grade de chevalier qui lui serait décerné par le Conseil de l'Ordre national du Québec, honneur que Monsieur Michaud a refusé. Nous devons rappeler que l'Assemblée nationale et le Conseil de l'Ordre national sont des institutions tout à fait distinctes. La suggestion de Landry diffère peu de celle de dire à une personne qui a été hospitalisée pendant des semaines suite à un empoisonnement alimentaire chez un restaurateur, d'abandonner ses poursuites judiciaires contre ce restaurateur sous le prétexte qu'un autre restaurateur lui servira un bon dessert.
Le bonbon du Conseil de l'Ordre national ne réparerait aucunement le viol des droits fondamentaux de Yves Michaud ni le viol du principe de la séparation des pouvoirs. Le bonbon du Conseil de l'Ordre national ne réparera pas l'étourderie collégienne des parlementaires et ne sera aucunement un frein à la répétition de pareille bêtise.
La solution proposée par Bernard Landry évite de faire face à l'essentiel : la reconnaissance par l'Assemblée nationale de son erreur. C'est cette reconnaissance qui amènera les députés à une plus grande intégrité intellectuelle, à vérifier les faits qui leurs sont proposés et à une plus grande éthique face aux droits des citoyens.
La société civile doit réagir vigoureusement
Le respect des droits ça se vit dans le quotidien et cela doit d'abord et avant tout se vivre à l'Assemblée nationale. Celle-ci doit être un exemple d'honorabilité pour toutes les instances de notre société. Nous n'avons aucune difficulté à reconnaître aux députés individuels le droit à l'erreur, car, comme le dit le dicton, « l'erreur est humaine ». Le privilège de l'immunité parlementaire est un privilège individuel ; mais l'immunité individuelle qui protège les députés ne doit pas protéger l'institution collective qu'est l'Assemblée nationale. Lorsque les députés agissent collectivement au nom d'une institution comme l'Assemblée nationale et commettent un abus énorme comme celui commis contre Yves Michaud, la société civile doit dire avec vigueur que cela est inacceptable. C'est à la société civile de se solidariser et de s'assurer que de tels abus ne se répètent pas.
Les députés d'aujourd'hui et de demain doivent comprendre que le respect dû à l'Assemblée nationale par les citoyens, la principale institution des Québécois, dépend de l'intégrité collective des députés. Au-delà des divergences individuelles d'opinion, au-delà des conflits partisans cette intégrité collective nécessite la reconnaissance collective des erreurs pour qu'il y ait réparation. On ne fait pas le ménage en balayant la poussière sous le tapis.
Quand Bernard Landry, Jean Charest et Mario Dumont auront compris cela puis auront agi en conséquence, les citoyens auront plus de raison de faire confiance en l'Assemblée nationale et dans leurs députés. Il est plus honorable de reconnaître une erreur en toute simplicité que de prendre une multitude de moyens détournés pour nier sa responsabilité ou cacher qu'elle a eu lieu.
De nombreux citoyens qui regardent les débats de l'Assemblée nationale qualifient ce qu'ils voient de cirque. Ce n'est pas notre avis car (malgré les lacunes occasionnelles) nous avons une vision particulièrement élevée du rôle de l'Assemblée nationale. Compte tenu de certains comportements vus et entendus à l'Assemblée nationale, nous pouvons toutefois comprendre que de nombreux citoyens s'interrogent sur la qualité du travail à l'Assemblée nationale. Il n'en tient qu'aux députés d'améliorer l'image publique de celle-ci.
L'affaire Michaud
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