Brexit or not Brexit?

Une île qui se détache complètement de l'Europe

C’est parti, chez les Anglais, pour quatre mois de folie politique, de débats démagogiques ou détournés et de « show théâtral », selon les mots du chef de l’opposition Jeremy Corbyn… Avec un référendum à haute intensité dramatique, où les Britanniques devront prendre, selon le premier ministre David Cameron, « une décision que l’on prend une fois par génération ». Une décision sur le fameux « Brexit » : abréviation transparente, désormais célèbre, de « British » et « Exit ».

Le 23 juin, ils devront répondre, non pas par « oui » ou par « non » — car les europhobes paranoïaques, se méfiant des manipulations et des questions alambiquées, ont réussi à faire bannir le YES et le NO du bulletin référendaire —, mais par des mots censés être plus clairs : « rester » ou « partir », « dedans » ou « dehors »…

Alors qu’en fait, l’alternative, la vraie, serait plutôt entre : voulez-vous être « trois quarts dehors », comme c’est déjà le cas… ou bien « complètement dehors » ?

Donc tout un psychodrame — où ça jouera sans doute très dur, très bas, sous la mince couche du supposé fair-play britannique — pour aboutir à une décision qui, quelle qu’elle soit, aura sans doute pour effet de renforcer les tendances centrifuges qui mettent déjà à mal le projet européen…


Si par exemple, comme c’est très possible, David Cameron arrive à soutirer une victoire de justesse, par exemple 52 % pour le « IN » (dedans) et 48 % pour le « OUT » (dehors), le précédent sera établi : voilà un pays qui ne se considère aucunement lié par le grand projet européen, qui en fait un simple arrangement à la carte, en fonction du commerce et des intérêts matériels (libre-échange plus facilités financières), un pays devant lequel on se plie en huit pour qu’il ne parte pas… mais qui, par sa simple présence autour de la table, continuera à plomber tout progrès.

L’ancien premier ministre français Michel Rocard, lui-même chaud partisan du « Brexit », était hier au micro d’Ici Radio-Canada. Il disait que, pour l’essentiel, la présence des Britanniques dans l’Union se résumait de plus en plus à une capacité de nuisance : « Avec eux, ça bloque déjà au moment de rédiger l’ordre du jour. » M. Rocard croit que l’électrochoc d’un départ britannique pourrait s’avérer, qui sait ? une chance pour que l’Europe continentale se ressaisisse et inverse la tendance actuelle à l’éclatement.

Parce qu’en cas de victoire du « IN », non seulement la présence britannique continuera d’encombrer le paysage, mais le précédent de l’accord du 20 février, puis du référendum l’approuvant, pourrait donner des idées à d’autres dirigeants. Tout ça, alors que l’Union européenne prend l’eau de toutes parts… presque au sens littéral du terme ! Sur la question des migrants, voire sur celles de l’embryon d’une justice et de droits et libertés homologués par Bruxelles, plusieurs États pourraient aussi invoquer l’opting-out arraché par Londres et confirmé par tous.

Inversement — et malgré l’espoir de Michel Rocard —, la sortie du Royaume-Uni pourrait également accentuer une tendance à la fragmentation à l’échelle du continent.

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François Brousseau92 articles

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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