Budget 2010-2011 - Les mauvaises cibles

Budget Québec 2010 - suites


Depuis la lecture du budget, la plupart des commentaires ont porté sur la façon inéquitable retenue par le gouvernement Charest d'augmenter ses revenus. Or le vrai défi, c'est celui des dépenses, tant dans les grands réseaux qu'au sein des sociétés d'État où les privilèges font partie de la culture d'entreprise.
L'engagement le plus exigeant du budget du Québec 2010-2011 n'est pas de taxer davantage, un truc facile et instantané, mais de faire porter 60 % de l'effort du côté des dépenses... sans en affecter la qualité. Pour illustrer l'ampleur du défi, il suffit de comparer avec l'Ontario: pendant que le Québec prévoit ramener sa dette (déficits cumulés) de 35 % à 29 % du PIB en seulement cinq ans, l'Ontario suivra le chemin inverse en laissant la sienne grimper de 24 % à 29 %!
Pour réussir cet exploit, le gouvernement Charest parle de ralentir le rythme d'augmentation de ses dépenses de trois milliards par année qu'elles seraient normalement, à deux milliards. Quand on sait que les médecins, les policiers et les 475 000 syndiqués demandent ensemble beaucoup plus que ces deux milliards d'augmentations par année, on comprend que l'exercice laissera des plaies sanglantes dans les services publics et que les années de paix sociale tirent à leur fin au pays de Jean Charest.
Québec se promet d'abord de geler les coûts de la rémunération totale dans tous les ministères et organismes, forçant chacun d'eux à réduire ses dépenses de façon très importante pour absorber toute augmentation de salaire à venir.
Puis, on étendra la politique de non remplacement d'un retraité sur deux à tous les services administratifs des grands réseaux de la santé et de l'éducation et on tentera de sabrer le nombre de cadres que l'on a laissé grimper ces dernières années. Malheureusement, à cause de l'aspect tout à fait improvisé d'une opération pourtant indispensable, le climat de travail et le rendement des employés seront affectés partout où la hache remplacera le scalpel.
Là où des gains de productivité très importants, de l'ordre d'un milliard ou deux par année, auraient dû être ciblés, c'est au sein des sociétés d'État comme Hydro-Québec, la SAQ, Loto-Québec et les autres. À titre d'exemple, Québec demande à Hydro-Québec de réduire ses dépenses d'un total de 275 millions pour les trois prochaines années, soit à peine 1 % des quelque 23 milliards de dépenses prévues. Or, malgré la baisse de son dividende de 400 millions par année, Hydro s'apprête à distribuer près de 50 à 100 millions en primes à ses employés, portant ainsi leur augmentation salariale à plus de 6 % pour une énième année consécutive.
Le même scénario prévaut à la Société des alcools, à Loto-Québec, à la Caisse de dépôt, à la SAAQ et à la SGF... tiens, celle-là même qui a doublé la rémunération de son président pour la porter à plus de 500 000 $ l'an dernier malgré des pertes d'un demi-milliard en deux ans. Cherchez l'erreur!
À l'évidence, les grenailles qui tiennent lieu de gains de productivité dans les sociétés d'État n'apparaissent au dernier budget que pour faire croire au bon peuple que tout le monde apporte sa contribution. En fait, ce sont les travailleurs de première ligne de nos grands réseaux de la santé et de l'éducation qui feront les frais de cette majestueuse improvisation budgétaire destinée à séduire les milieux d'affaires et le lobby d'économistes qui leur sert de caution intellectuelle. Et l'on ose qualifier cela de courageux?
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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