Caire comme Charest?

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Comme dans la construction, c'est le règne de la corruption systémique qui explique les incuries


Hier, quand le ministre Éric Caire a présenté sa « Stratégie de transformation numérique gouvernementale », j’ai pensé à Jean Charest.


Le lien est évident, vous allez voir. Nous sommes en 2019, le vocabulaire a changé, mais il me semble que la promesse d’une utilisation des réseaux pour améliorer l’État, ainsi que le rapport entre lui et le citoyen, est vieille comme l’internet.


Dans les années 1990, on parlait des « inforoutes » de l’État qu’il fallait construire. (C’était joli, « inforoute », non ?)


Il y a 16 ans


La phrase que le ministre Caire m’a rappelée hier et que je veux vous citer ici, c’est en 2003 qu’elle a été prononcée. Le 4 juin très précisément (il y a 16 ans jour pour jour).


Jean Charest présente son premier discours d’ouverture comme premier ministre. Et il a un long passage sur le gouvernement « en ligne » ou ce qu’on appelle aujourd’hui la « transformation numérique » :


« Nous utiliserons les moyens technologiques d’aujourd’hui en appui à la vitalité de notre démocratie. Un des projets corollaires à la réingénierie de l’État est la création d’un gouvernement en ligne qui rendra aux citoyens tous les services applicables par Internet plus efficacement et à moindre coût. Ce gouvernement en ligne permettra par ailleurs de consulter les citoyens autant sur les politiques publiques que sur leur satisfaction à l’endroit des services rendus par l’État. »


Ç’a l’air si facile dit comme ça. Mais en 2019, on est encore loin de cet idéal. Pourquoi ? Soit qu’il y a eu d’énormes écueils insoupçonnés. Ou de l’incompétence. Ou de la malversation. Sans doute un mélange de tout cela.


Seize ans plus tard, bien qu’il y ait certains services disponibles en ligne dans plusieurs ministères et sociétés d’État, on semble loin de ce que l’ancien chef libéral nous annonçait à l’époque.


Or, combien de « stratégies » ont-elles été déposées depuis ? Combien de grands projets ont été lancés, pour ensuite s’enliser dans ce que nous appelons au Journal le « bordel informatique » ?


À quand un guichet ?


Le contraste avec les services bancaires « numériques » est frappant. Depuis plus de 30 ans, après avoir glissé une carte bancaire dans une fente et composé son code, on peut consulter ses données bancaires, effectuer des transactions, de partout.


Depuis 10 ans, tout se fait de plus en plus en ligne, sur des sites transactionnels. Tellement que les guichets automatiques sont en voie de disparition.


Dieu sait à quel point les données bancaires, financières, etc., sont confidentielles. Pourtant, les banques et caisses réussissent à nous les rendre disponibles au bout des doigts.


On ne peut vraiment pas en dire autant des services de notre État. Et alors qu’Éric Caire nous présentait sa stratégie hier, mon collègue Nicolas Lachance apprenait que le projet Accès UNIQC, sorte de guichet unique des services de l’État, a été suspendu. Trop coûteux...


Une commission d’enquête sur l’informatique, comme celle qu’Éric Caire prônait dans l’opposition, nous aurait peut-être permis de comprendre pourquoi l’État est si en retard sur le secteur bancaire.


Mais le gouvernement Legault et Caire ont abandonné l’idée. Le risque est peut-être de vivre encore d’autres dépôts de stratégies ronflantes alors que la vraie transformation numérique tarde toujours.