Avant l'audace, du nerf

Ce que mérite le PQ et ce que nous méritons

Tribune libre

Il existe une « fenêtre-temps » que les indépendantistes seuls peuvent ouvrir, et seulement eux, et seulement s’ils perçoivent le danger à l’intérieur de la conjoncture actuelle. Le danger d’abord, c’est le retour aux affaires de la clique libérale. Avec les libéraux, Nous pourrions assister, en effet, à une véritable contre-révolution tranquille sur le long, un autre dix ans, quinze peut-être, laquelle à ce jour ils se sont abstenus d’engager la province de Québec, parce qu’avant qu’ils ne soient évincés par un formidable printemps, ils n’avaient pas encore réussi à fixer, fixer comme figer, comme bloquer, comme diviser et segmenter l’électorat, comme ils ont réussi à le faire avec le West Island pour leur seul avantage. Mais cela leur sera bientôt accessible sur bien plus grand que le West Island traditionnel, si on prend en compte le fait que le vote des nouveaux québécois, issus de l’immigration, a tendance à se déconcentrer de Montréal. À long terme, ce vote aura fort probablement le même effet de blocage au Québec que le vote du West Island n’en a eu à Montréal lors des fusions.
Si le P.Q. perd la bataille des sondages présentement, il peut malgré tout gagner la prochaine bataille électorale, majoritaire, parce qu’il en a gagné une de bien peu la dernière fois et que son électorat lui est fidèle. Même une courte victoire est une victoire. Les indépendantistes ne sont donc pas battus à l’avance. Nos ennemis ne seront pas davantage capables de nous ravager ni de nous battre la prochaine fois. Mais hélas, mille fois hélas, nous savons nous battre nous-mêmes. Si nous jouons mal notre partie- nous traînons une solide réputation de losers à cet égard- nous le perdrons, le pouvoir, même s’il s’agit d’un « minable pouvoir provincial », et d’autant plus minable qu’il est minoritaire. Mais nous pourrions le perdre peut-être pour bien plus longtemps que nous l’anticipons, et sans doute alors pour la plus grande désespérance de ceux qui avaient été les plus sincères, mais aussi les plus inconscients. C’est bien tard, sans doute, que certains inconscients s’apercevraient que les institutions fédérales avaient continué le travail entrepris en 1982 et qui consistait à écrire un nouveau Canada et Nous déclasser.
Un renversement de l’opinion publique sera donc possible et un redressement national à l’ordre du jour si le P.Q. devient majoritaire. Une majorité à l’Assemblée Nationale est une condition incontournable posée à la Cause Indépendance. Si même le P.Q. ne méritait pas de devenir majoritaire, (cela n’est pas inconcevable, ni hors de l’entendement, si on observe sa feuille de route…) Nous le méritons à sa place. Toute la patrie mérite maintenant, et non pas dans vingt ans ni dans dix ans, un gouvernement capable de se défendre, de défendre l’État contre ceux qui veulent l’affaiblir et de Nous défendre contre les éléments les plus toxiques à l’égard de notre sécurité culturelle et financière, de notre liberté. Ces éléments ne manquent pas. D’autant que le West Island se réveille et mobilise bien plus grand que seulement dans l’ouest de l’île de Montréal. Nous sommes donc contraints à la partisannerie. Nos ennemis nous y contraignent. Mais nous n’y sommes pas condamnés à perpétuité : il n’y a pas de barreaux à la « fenêtre », non plus qu’entre les indépendantistes…
Cette « fenêtre » a une durée prévisible: il vaudrait infiniment mieux, en effet, que le P.Q. retourne en élection, et la gagne évidemment, avant que les conservateurs d’Ottawa ne retournent eux-mêmes en élection¹. Autrement, si le gouvernement Marois s’applique trop longtemps à se laisser ballotter par les évènements, laissant toute initiative et liberté à ceux d’Ottawa de se donner un nouveau gouvernement, mous et caribous ensemble pourraient être contraints de faire de l’indépendantisme de rattrapage sur un très long terme, éparpillés, en déroute, sait-on jamais, en face d’un gouvernement fédéral renouvelé, lui fort d’une nouvelle légitimité à saveur canadienne mais aussi internationale, surtout, un « fédéral » alors en convergence certaine avec ce Québec déjà à genoux, celui de Couillard maintenant comme celui de Charest hier.
Il est grand temps de prendre froidement la bonne mesure des résultats électoraux du 2 Mai et du 4 Septembre. Il n’y aura pas de « vague » à la prochaine élection en faveur de personne de notre camp, seulement une immense et très âpre bataille, décisive peut-être. Le temps presse. Il presse de sortir du cycle des poses et des jérémiades, des excuses et des incantations. S’il fut un seul temps où la plus froide raison de la realpolitik doive être au service de notre Cause, c’est bien en cet été et cet automne 2013.
Les indépendantistes auront du mérite seulement s’ils ont du nerf, s’ils sont capables de serrer les dents et se redresser d’abord eux-mêmes. Nos chefs ont donc une redoutable responsabilité. Et cela les concerne tous, tous et toutes, et non pas seulement les chefs de partis, parce que la prochaine élection pourrait être historique. Eh oui, la prochaine fois, s’ils cessaient de se faire des histoires entre eux, les indépendantistes pourraient bien avoir rendez-vous avec l’Histoire. C’est d’ailleurs et très précisément ce que croient nos ennemis maintenant, qui s’estiment déjà vainqueurs de la prochaine élection et qui, conséquemment, se croient légitimes de pouvoir rallier alors le Québec à la constitution canadienne de 1982. Si cela advenait, ce serait le triomphe consacré du West Island, à l’époque le soutien le plus acharné de Pierre Elliot Trudeau au Québec, et maintenant de son fils Justin, au Canada.
Même s’ils n’étaient pas tous là en 1982, les indépendantistes ont une revanche à prendre. Nous sommes tous concernés maintenant. Et pas dans dix ans. Voilà ce que Nous méritons.
¹ Ne rejetons pas trop rapidement la possibilité d’élections fédérales hâtives. Sous quelque fallacieux prétexte, le « fédéral » est amplement capable d’avancer son agenda. Il reste en « guerre » sans les commandites. S’il en va seulement des intérêts actuels des conservateurs et des néo-démocrates à Ottawa, divergents en apparence, ces intérêts n’en sont pas moins en puissante convergence face à la montée possible du P.L.C. de Justin Trudeau.


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5 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    23 mai 2013

    Il y a urgence nationale, non pas urgence péquiste, nationale.
    Les poseurs et les rêveurs s’imaginent toujours que pour mener le combat de l’indépendance, il faut faire en alternance des choses grandioses ou vindicatives : si la Marche s’arrête, changer de chef, écrire un formidable programme, parfait, à lui seul mobilisateur, ou convaincre les québécois et les québécoises un par un et une par une, comme si l’indépendance ne pouvait advenir que si tout un peuple se « mobilisait »- Nous sommes en Amérique du Nord, simonac…- comme si tout un peuple pouvait se transformer en marcheur-militant. Il n’en est rien. Absolument rien. Du vent.
    L’indépendance sera un coup de force politique. Rien d’autre que politique, d’où l’importance de la realpolitik, de mettre puissamment l’État et sa gouvernance à contribution.
    Nous avons perdu depuis longtemps, et les fédéralistes itou, la bataille de la Mobilisation des individus, quand bien même elle serait citoyenne. Au coup de force de 1982, qui a laissé le peuple des « québécois et des québécoises » relativement indifférents (le Bloc est passé comme du vent, il n’en reste rien auprès de l’électorat), les indépendantistes devront répondre avec la même audace que celle de Trudeau, qui avait apparemment affronté les nationalistes de front, en réalité une simple diversion, d’une redoutable efficacité, et nous devrons avoir la même audace que lui pour affronter le West Island. Cela m’apparaît incontournable. Mais avant, ce qui est incontournable en premier et qui demande un sacré effort intellectuel, lequel bien des perroquets ne sont pas prêts à consentir, c’est que les indépendantistes réalisent bientôt et consentent ensuite à ce que le navire amiral péquiste obtienne une majorité parlementaire. Une analyse froide et rigoureuse de la conjoncture réduirait considérablement l’éventail des « moyens » apparemment souhaitables pour que la Marche reprenne.
    Certes, une majorité parlementaire péquiste ne garantirait rien quant à la Destination… mais n’enlèverait rien non plus à la marge de manœuvre de toutes les composantes du mouvement indépendantiste, bien au contraire, simonac, bien au contraire…
    La cause Indépendance n’aurait rien à perdre si le P.Q. devenait majoritaire, mais beaucoup s’il ne l’était pas, attendu qu’aucune autre formation indépendantiste n’est à même de le remplacer à pied levé.
    Précisément, n’en sommes-nous pas là ici-maintenant, tous les indépendantistes, mous et caribous ?



  • Archives de Vigile Répondre

    23 mai 2013

    Notre époque est une époque sans issue.
    La seule chose qui peut prévaloir, c'est le statu quo.
    Même si ce statu quo est de plus en plus insupportable étant donné les fermetures d'usines constantes, les pertes d'emploi constantes, les mesures d'austérité sans fin envers la population, l'appauvrissement continu d'une bonne partie de la population, il n'y a aucune alternative au statu quo du Système.
    Vous avez raison, il n'y aura pas de vague...
    Dans le contexte actuel, tous cherchent à protéger du mieux possible leurs acquis personnels.
    Il n'y a pas de projet de société possible à ce point de l'histoire où nous sommes rendus.
    Les forces qui charrient l'histoire sont au-dessus des forces humaines et concernent le domaine métaphysique, là où l'histoire échappe à l'être humain.

  • François Ricard Répondre

    23 mai 2013

    Il faut profiter de cette fenêtre pour défenestrer Mme Marois.
    C'est la condition essentielle.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2013

    «Une majorité à l’Assemblée Nationale est une condition incontournable posée à la Cause Indépendance.»
    Il ne reste plus que votre discours soit repris par les principaux intéressés du PQ pour qu'il devienne vraiment crédible. Entre temps, puisque cela risque fort de ne pas se produire, on peut toujours préparer les élections indépendamment des partis. Une convergence nationale, proposant un candidat indépendantiste et un seul dans chaque comté, faisant la promotion du candidat patriote ayant le plus de chance de l'emporter pourrait orienter les sceptiques et les désabusés et les décider à voter. Avec une liste indépendantiste indépendante, on pourra peut-être réunir la masse critique qui fera la différence pour l'avenir. Cela pourrait constituer le chaînon manquant dans la stratégie indépendantiste toutes tendances confondues.
    GV

  • Luc Bertrand Répondre

    22 mai 2013

    À monsieur Haché et à tou(te)s les autres qui ne l'ont pas déjà fait, inscrivez-vous au congrès "Convergence nationale" du NMQ qui aura lieu à l'UQÀM cette fin de semaine (24 au 26 mai). C'est votre chance de vous faire entendre pour éviter la répétition de l'élection du 4 septembre dernier ou, pire, le retour des libéraux au pouvoir! Ce congrès est totalement en marge des partis politiques et se veut le point de départ d'une conscientisation de la société civile québécoise du grave danger qui menace la possibilité réelle de faire notre indépendance. Pour plus de détails, visitez le site http://www.convergencenationale.org.