Cessons de financer le Festival d’été de Québec

Le français — la dynamique du déclin



La radio-poubelle de Québec a atteint les plus profonds abysses d’une pleutrerie qu’on croyait déjà inégalable. En organisant une campagne de boycottage de la musique québécoise pour le temps des fêtes, son Opération Merry Christmas du FM93 s’en prend au cœur et à l’âme des Québécois. Et tout ça pour quoi, dites-moi? Parce que de nombreuses personnes, dont Luc Plamondon, Nicolas Lemieux, Nathalie Petrowsky et votre humble serviteur ont souligné l’anglomanie croissante d’un festival de plus en plus déconnecté de ses racines et allant jusqu’à mépriser le caractère francophone du Québec en folklorisant et en dévalorisant sa musique. Tempête dans un verre d’eau? Pas du tout. Il s’agit à la fois d’un symptôme de plus de la bâtardise d’une population frustrée de ne pas pouvoir disparaître un peu plus vite et un signe de la nécessité croissante de couper toute subvention publique à ce festival.

Comment meurt une langue? Elle meurt lorsque l’élite, d’abord, la considère comme superflue, comme un boulet qu’on traîne pour satisfaire une populace trop niaise pour parler la langue qu’on considère comme supérieure. Elle meurt lorsque des gens comme [Dominique Goulet->29122], responsable de la programmation du Festival d’été de Québec, affirme que « la chanson française ne semble pas être la voie d’avenir ». Si NOTRE chanson ne constitue pas une voie d’avenir, qu’est-ce que cela implique, sinon l’acceptation du caractère irréversible de notre disparition? L’avenir se crée de nos mains, pourtant, et il y a encore des Québécois ici, des survivants, des résistants, qui ont envie de rêver et de se chanter autrement que dans une langue étrangère. Des Québécois qui n’ont pas la chance de vivre dans une ville aussi francophone que Québec et qui sont sur la première ligne de l’anglicisation qui nous gangrène. Des Québécois qui méritent la solidarité des gens de Québec. Si la musique québécoise n’a pas d’avenir, alors nous n’avons pas d’avenir, et c’est là une réalité qu’il serait suicidaire d’accepter.
Une langue meurt également quand les jeunes la considèrent de plus en plus comme étant ringarde et se dissocient de ses expressions culturelles. Elle meurt quand on considère comme quétaine la majorité de nos chanteurs et artistes, qu’on plaint le ton plaintif des complaintes représentant pertinemment la détresse d’un peuple d’Amérique du Nord constatant le recul, année après année, de son influence. Elle meurt parce que des attardés sur les ondes d’une radio polluant les ondes de la capitale nationale accusent nos artistes de ne vouloir que de l’argent. Ne manque-t-on pas un peu de souffle pour affirmer qu’un artiste qui choisit de se faire la voix de son peuple et de chanter dans sa langue veut s’enrichir, quand on contemple le triste guidounage de produits culturels aussi vides qu’insipides que forment les Simple Plan de ce monde? Qu’on vienne me dire, à moi, qu’un homme dans son sous-sol s’est dit, un bon matin: « je veux devenir riche, alors je vais chanter en français »! Quand on fait le choix de chanter pour faire de l’argent, on le fait comme un prédateur à la recherche de nouveaux marchés et on le fait en anglais.
Une langue meurt aussi comme est mort le gaélique irlandais: quand les enfants avaient honte de leurs parents qui osaient encore le parler. « Labhraím Béarla. Je parle anglais. » Le bilinguisme et « l’ouverture sur le monde » n’ont pas permis aux Irlandais de conserver leur langue autrement que dans un musée (ou à peu près); au contraire, ils l’ont perdue, parce qu’ils en étaient rendus à ce point où ils la considéraient comme étant inférieure à l’anglais et à mépriser quiconque espérait un futur en irlandais. Nous n’en sommes heureusement pas là encore, mais comment apprécier autrement le mépris le plus total dont fait acte une certaine frange de la population à l’égard de la culture musicale de leurs parents? Ces gens, n’en doutez pas, ont honte de leur musique. Ils crachent leur dédain d’une machine artistique commerciale québécoise, mais n’hésitent pas à embrasser une machine commerciale étrangère, sous prétexte qu’il s’agirait « d’une voie d’avenir ». Voie d’avenir? Je ne crois pas. Voie d’assimilation? Certainement. Quand il n’y aura plus personne pour écouter de la musique en français, c’est qu’il n’y aura plus rien de français en nous. Ce ne sont tout de même pas les Black Eyed Peas qui serviront d’exemple à une culture québécoise forte et fière…
Vouloir boycotter nos artistes sous prétexte qu’on s’en prend à un festival étant devenu une grosse machine à faire de l’argent et à rassembler des foules – avec l’argent de nos impôts – autour d’événements aussi futiles qu’étrangers à la culture québécoise, c’est contribuer au recul de notre langue commune et à sa marginalisation.
La culture est subventionnée au Québec, et c’est tant mieux. L’argent public, c’est NOTRE argent. C’est notre force collective, notre capacité à nous opposer COLLECTIVEMENT à des forces anglicisantes nous isolant dans nos petites réalités et arrachant petit à petit le peu d’amour que nous puissions avoir pour ce tout que constitue la nation québécoise. Cet argent, cette force, il faut qu’elle serve non pas à encourager les pressions anglicisantes et marginalisantes sur le français, mais plutôt à s’y opposer. Il faut que l’argent public serve précisément à encourager NOTRE culture et NOTRE langue parce qu’il s’agit bel et bien de NOTRE argent.
Même si nous ne pouvons rien faire, à court terme, pour nous opposer aux radio-poubelles et à leurs sales tactiques tenant davantage du suicide collectif que de quoi que ce soit d’autre, nous pouvons tout de même réclamer que ce festival ne reçoive plus un seul dollar de l’argent public et qu’il auto-finance ses activités anglophiles et dénationalisantes.
Sauf que cela nécessiterait des politiciens ayant le désir de se battre pour le mieux-être du peuple québécois, au risque de déplaire à quelques colonisés qui aimeraient pouvoir continuer d’agoniser en paix.
Ce n’est pas gagné.
Vous pouvez écouter l’entrevue que j’ai effectuée au FM93 avec Sylvain Bouchard.


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