Les mythes du tout-anglais

en 2012, les fascistes et les ringards sont ceux qui tentent d’empêcher le Québec de devenir aussi français que le Canada ou les États-Unis sont anglais.

Tension linguistique - JJC trahit la nation!


En une courte entrevue accordée au magazine française L’Express, le linguiste Claude Hagège taille en pièces plusieurs des mythes soutenant la position hégémonique actuelle de l’anglais. S’opposant aux préjugés d’une proportion toujours croissante de la population adhérant au dogme du tout-anglais, il démontre de quelle manière l’anglais est une langue complexe, imprécise et de quelle manière elle s’attaque à la pluralité et à la pensée.


Mythe 1 : l’anglais serait une langue plus simple que le français.

Beaucoup parlent un anglais d’aéroport, ce qui est très différent ! Mais l’anglais des autochtones reste un idiome redoutable. Son orthographe, notamment, est terriblement ardue : songez que ce qui s’écrit « ou » se prononce, par exemple, de cinq manières différentes dans through, rough, bough, four et tour !

L’anglais ne constitue pas une langue plus simple à apprendre que notre langue nationale, bien au contraire. Sa prétendue simplicité tient à la possibilité de communiquer dans un nombre de mots très réduit, ce qui diminue la richesse du vocabulaire et nivelle la pensée vers le bas. Ce qui est gagné en apparente simplicité l’est perdu en précision.
Mythe 2 : l’anglais serait une langue précise.
Il s’agit d’une langue imprécise, qui rend d’autant moins acceptable sa prétention à l’universalité. [...] Prenez la sécurité aérienne. Le 29 décembre 1972, un avion s’est écrasé en Floride. La tour de contrôle avait ordonné : « Turn left, right now », c’est-à-dire « Tournez à gauche, immédiatement ! » Mais le pilote avait traduit « right now » par « à droite maintenant », ce qui a provoqué la catastrophe.

Au-delà de la pauvreté émanant de l’utilisation d’un « anglais d’aéroport », la langue anglaise elle-même est le plus souvent construite dans l’imprécision. À l’inverse, le français constitue une langue beaucoup plus cartésienne, logique, et précise. Il est souvent utilisé dans les traités à cause de cette précision.
Mythe 3 : l’anglais permettrait de communiquer avec le monde.
Je pars en guerre contre ceux qui prétendent faire de l’anglais une langue universelle, car cette domination risque d’entraîner la disparition d’autres idiomes. [...] Le problème est que la plupart des gens qui affirment « Il faut apprendre des langues étrangères » n’en apprennent qu’une : l’anglais. Ce qui fait peser une menace pour l’humanité tout entière.

L’anglais ne permet pas de communiquer « avec le monde », car le monde a des centaines, voire des milliers de langues différentes. Quand on fait le choix de faire d’une seule langue l’outil permettant toutes les communications, on contribue à réduire la diversité et la pluralité linguistiques mondiales. On contribue à l’éradication des langues minoritaires.
Mythe 4 : l’anglais serait avant tout un simple moyen de communication.
Seuls les gens mal informés pensent qu’une langue sert seulement à communiquer. Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture. En hindi, par exemple, on utilise le même mot pour « hier » et « demain ». Cela nous étonne, mais cette population distingue entre ce qui est – aujourd’hui – et ce qui n’est pas : hier et demain, selon cette conception, appartiennent à la même catégorie. Tout idiome qui disparaît représente une perte inestimable, au même titre qu’un monument ou une œuvre d’art.

Beaucoup d’anglomanes affirment qu’il serait plus simple pour nous d’avoir une seule langue pour communiquer. Ce que ces gens ne réalisent pas, et ce que tente de leur expliquer Hagège, c’est qu’une langue constitue bien davantage qu’un outil de communication. Une langue transmet la pensée, les valeurs, la vision du monde. Quand on détruit une langue, quand on permet l’ethnocide d’une communauté linguistique, on détruit une parcelle de la richesse de notre humanité.
* * *
Cette entrevue est lumineuse non seulement parce qu’elle s’attaque aux dogmes les plus puissants en ce moment, mais également parce qu’elle le fait avec candeur. Hagège ne cherche pas à s’embarrasser de la langue de bois et du compromis face à l’anglais, un discours tellement fréquent même chez ceux qui se prétendent francophiles. Il s’oppose de front à la pensée unique et il le fait d’une manière terriblement directe et efficace.
Il faut bien comprendre que la langue structure la pensée d’un individu. Certains croient qu’on peut promouvoir une pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c’est aussi imposer sa manière de penser. Comme l’explique le grand mathématicien Laurent Lafforgue : ce n’est pas parce que l’école de mathématiques française est influente qu’elle peut encore publier en français ; c’est parce qu’elle publie en français qu’elle est puissante, car cela la conduit à emprunter des chemins de réflexion différents.

Olivar Asselin, le grand journaliste et polémiste québécois du début du siècle dernier, affirmait qu’il ne suffisait pas de faire la promotion de la langue française, mais qu’il fallait également faire la promotion de la pensée française et se servir du français pour faire rayonner cette pensée en Amérique. Un siècle plus tard, Hagège nous rappelle cette réalité incontournable : la langue constitue le terreau d’où fleurit la pensée. Pas de langue, pas de pensée ; pas de langue française, pas de pensée française.
Défendre la pluralité, la diversité, défendre notre humanité en 2012, cela se fait en défendant notre langue, principal vecteur de transmission d’une pensée unique et originale, enrichissant l’humanité de notre présence. Comme le disait Bourgault : « Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule. »
Cela n’a jamais été aussi vrai.
Un dernier passage d’Hagège :
En quoi est-il ringard d’employer les mots de sa propre langue ? Et en quoi le fait de défendre la diversité devrait-il être assimilé à une idéologie fascisante ? Le français est à la base même de notre Révolution et de notre République !

Il aurait été possible d’aller plus loin : en 2012, les fascistes et les ringards sont ceux qui tentent d’empêcher le Québec de devenir aussi français que le Canada ou les États-Unis sont anglais. Ce sont ceux-là qui, propageant les faux mythes dénoncés par Hagège, œuvrent à réduire la diversité culturelle et à créer cet empire millénaire d’une seule langue et d’une seule culture prôné par un certain dictateur du passé.
Nous sommes la diversité sur ce continent et cette planète. Ne l’oublions jamais.


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