Ainsi, à en croire le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, les contributions au Régime de pensions du Canada (RPC) et à la Régie des rentes du Québec (RRQ) ne sont que des taxes. Ces vilaines taxes pour lesquelles son gouvernement ressent une allergie incurable.
En présentant les choses de cette façon, M. Flaherty fait preuve de malhonnêteté intellectuelle. Une taxe sert à financer les activités du gouvernement. Les cotisations au RPC et à la RRQ servent exclusivement à payer les rentes de ceux qui ont contribué. Le gouvernement ne peut pas piger dans la cagnotte.
Quand il parle ainsi, Jim Flaherty affiche ses couleurs idéologiques et son parti pris pour les employeurs, pour qui les contributions sont une forme de taxe sur la masse salariale. Même si l’histoire des ajustements précédents lui donne tort, le ministre dit s’inquiéter de l’effet d’une hausse des cotisations sur la reprise économique. Et le sort des futurs retraités, s’en soucie-t-il ?
Si dans 10, 20 ou 30 ans les retraités sont encore plus pauvres qu’aujourd’hui, comment pourront-ils contribuer à l’économie de demain ? On pourrait toujours espérer que M. Flaherty agira plus tard, mais il a même fermé la porte à la poursuite des discussions.
Et il s’est lui-même menotté avec ses allusions à une taxe. Comment, après avoir diabolisé pendant des années tout ce qui ressemble à une ponction fiscale, pourra-t-il un jour faire accepter aux Canadiens une augmentation de leurs cotisations dans le but, à plus long terme, d’augmenter la valeur des rentes versées ?
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Il y a là une forme de déni devant le défi du vieillissement de la population. Le gouvernement Harper a donné l’impression de s’y attaquer en modifiant l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse et en plafonnant le taux de croissance des transferts en matière de santé. Dans les deux cas cependant, il a plutôt protégé ses finances contre les risques associés à ce vieillissement, sans se soucier de l’appauvrissement futur des personnes âgées les plus vulnérables ni du fardeau financier que les provinces devront assumer pour faire face aux besoins en matière de santé.
M. Flaherty a démontré lundi, au lac Meech, qu’il n’avait d’oreille que pour les milieux d’affaires. De la Fédération de l’entreprise indépendante au Conseil du patronat, le message est clair : pas de hausse de contributions, ni maintenant ni à moyen terme.
Mais si on en est rendus à discuter de cette bonification des régimes de retraite publics, c’est parce que le secteur privé offre de moins en moins de régime de retraite à ses employés. Ces derniers sont laissés à eux-mêmes pour préparer leur retraite.
Que les travailleurs aient assumé une part de responsabilité n’est pas une mauvaise idée, mais encore faut-il qu’ils en aient les moyens et que ce qu’on exige d’eux ne soit pas irréaliste. Seulement le quart des Canadiens contribuent à un REER et seulement une fraction de ceux qui le font est capable de verser la contribution maximale permise.
Actuellement, environ le tiers des travailleurs du secteur privé bénéficient d’un fonds de retraite auquel contribue leur employeur. Les autres n’ont rien du genre. Ils dépendront à leur retraite des maigres rentes des régimes publics, de la Sécurité de la vieillesse et de leurs économies personnelles. S’ils en ont, bien sûr, ce qui n’est pas le cas du tiers d’entre eux.
Malgré cela, M. Flaherty persiste à privilégier les modes d’épargne volontaire qui, dans tous les cas, n’imposent aucune obligation aux employeurs. On comprend, dans ce contexte, qu’il les préfère. Tout comme le secteur financier qui les gère et en retire des revenus alléchants.
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Un régime public oblige, en revanche, les travailleurs et les employeurs à contribuer à une caisse collective dont la gestion n’est pas soumise aux mêmes impératifs que ceux des institutions financières. Les régimes publics sont solides, bien établis et ont une capacité de capitalisation que peu de citoyens sont capables d’imiter. Par conséquent, une bonification des régimes publics peut permettre d’en faire plus pour plus de gens tout en leur imposant un fardeau financier moins lourd que les solutions individuelles. C’est la solution la plus simple, la plus logique et la plus économique pour l’ensemble de la société.
Pour modifier le RPC, il faut que le gouvernement fédéral et les deux tiers des provinces représentant les deux tiers de la population soient d’accord. Mais même si elles sont unanimes, Ottawa peut tout bloquer. Comme on l’a vu lundi. Cette surdité fédérale est d’autant plus choquante que le problème qui pointe à l’horizon peut être prévenu. Pour autant, bien sûr, que nos dirigeants aient le courage politique d’agir tout de suite. Ce n’est pas impossible. La plupart des provinces sont prêtes à le faire, y compris le Québec et l’Ontario où les gouvernements sont minoritaires.
L’inaction conservatrice pourrait devenir un enjeu électoral, à en croire la Canadian Association of Retired Persons. Mais l’éventuel prix politique à payer ne sera jamais aussi lourd que celui que devront assumer les futurs retraités et les gouvernements qui devront venir à la rescousse.
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