Crise étudiante

Charest exaspère Parizeau

Il est «inconcevable» d’avoir «laissé pourrir» le conflit, dit l’ancien premier ministre

États généraux sur la souveraineté


Robert Dutrisac - L’ancien premier ministre a repris une citation de François Mitterrand qu’il a lue récemment dans les journaux. « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. » C’était en mai 1968.
Exaspéré, Jacques Parizeau n’a pas de conseils à donner à Jean Charest tellement il trouve « inconcevable » que le gouvernement libéral, par son inaction, ait laissé se détériorer le climat social au Québec.
« Qu’on ait laissé pourrir pendant 14 semaines quelque débat social que ce soit, je n’en reviens pas », a déclaré Jacques Parizeau au cours d’une conférence de presse tenue dans le cadre du volet Capitale nationale des États généraux sur la souveraineté du Québec.
Selon lui, les gouvernements Charest et Harper, qui sont tous deux passés du statut de minoritaire à celui de majoritaire, sont devenus « trop autoritaires ». « Ils disent : “j’ai gagné, tu as perdu, je fais ce que je veux”. Ce qui reste aux opposants, c’est la rue », a avancé Jacques Parizeau. « Le système parlementaire britannique, ça demande une certaine retenue. »
L’ancien premier ministre a repris une citation de François Mitterrand qu’il a lue récemment dans les journaux. « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. » C’était en mai 1968.
Au-delà de la crise étudiante, on assiste à « un extraordinaire réveil d’une génération », estime-t-il. « C’est tout à fait fascinant. »
Ce n’est pas sans lui rappeler l’atmosphère de la Révolution tranquille. « La Révolution tranquille, dont on vante constamment les réalisations, c’est une révolution de jeunes », a-t-il fait valoir. « L’atmosphère, à ce moment-là, était irrésistible », à tel point que Daniel Johnson, père, bien qu’à droite, « fut emporté par le mouvement », a relaté Jacques Parizeau. « Et là, ça sent ça. Ç’a commencé avec les indignés et Occupy Wall Street. Écoutez, qu’on dépense 1000 milliards pour sauver les banques et que trois millions de familles américaines perdent leur maison, on s’indigne à moins que ça. »
Pour l’heure, Jacques Parizeau ne sait pas si le réveil politique des étudiants va profiter au mouvement souverainiste. « Il y a une seule chose qui me frappe », a-t-il dit. « C’est la première fois que je vois ça : que 200 000 personnes puissent manifester au Québec sans un seul drapeau canadien, je n’en reviens pas. Les manifestations sont en train de régler le problème identitaire. »
La réflexion politique des étudiants n’occultera pas la question de la souveraineté, croit-il. « On essaie d’échapper à ce débat-là, on n’y arrive pas », a souligné Jacques Parizeau, qui a cité en exemple « les efforts extraordinaires que Legault déploie » pour ne pas en parler. « Si tous les chemins mènent à Rome, toutes les discussions au Québec aboutissent invariablement à : qu’est-ce qu’on va faire de notre Québec ? »
Devant les quelque 125 souverainistes réunis à ces États généraux et de toute allégeance - Parti québécois, Québec solidaire, Option nationale, Parti indépendantiste, Parti vert -, Jacques Parizeau a insisté sur l’importance de préparer dès maintenant, dans le détail, la réalisation de la souveraineté qui passera par importante décentralisation du nouvel État.
Critiquant sans le nommer le PQ de Pauline Marois, l’ancien chef péquiste estime que la préparation de la souveraineté n’est « pas du tout » suffisante. « Pour moi, c’est un signe d’un manque évident de volonté », a-t-il dit. La « prolifération » des partis indépendantistes au Québec ainsi que la tenue des États généraux sur la souveraineté indiquent toutefois « que la volonté est en train de se préparer ».
Jacques Parizeau ne veut pas arbitrer les rivalités entre les différents partis indépendantistes. « Rendu à 81 ans, tous les souverainistes sont mes enfants. Et entre frères et soeurs, arrangez-vous », a-t-il dit, en faisant rire l’assistance.
Après le référendum de 1995, il y eut un « long passage à vide » qu’il arrive mal à comprendre, a-t-il dit à son auditoire souverainiste. « Mais là, ç’a assez duré. Il faut qu’on recommence à discuter de la souveraineté comme autre chose qu’une sorte d’idéal lointain, vague, émotif. »
« Il faut que la politique redevienne intéressante au Québec. On a du chemin à faire », a-t-il dit. Et aujourd’hui, ce sont les jeunes et leur critique du néolibéralisme qui rendent la politique intéressante, reconnaît Jacques Parizeau.


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