Concilier notre développement social et notre prospérité économique

La politique familiale québécoise repose essentiellement sur trois piliers: son soutien financier généreux, son nouveau régime d'assurance parentale et ses services de garde à contribution réduite.

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Élection Québec - 8 décembre 2008



Une famille ayant deux jeunes enfants et un revenu familial de 75 000 $, représentatif de la classe moyenne, aura plus d'argent en poche au Québec que n'importe où ailleurs au Canada.




Récemment, ma collègue Suzie St-Cerny et moi publions le fruit de plusieurs mois de travail dans un livre intitulé Le Québec, un paradis pour les familles? Au moment de l'envoyer à l'éditeur, aucune campagne électorale au Québec n'était en vue, notre visée initiale n'était autre que de rendre compte du manque flagrant de visibilité entourant le soutien financier dont bénéficient les jeunes familles québécoises.
Concilier notre développement social et notre prospérité économique

En gros, une famille ayant deux jeunes enfants et un revenu familial de 75 000 $, représentatif de la classe moyenne, aura plus d'argent en poche au Québec que n'importe où ailleurs au Canada après le paiement de ses impôts sur le revenu (fédéral et québécois), de ses cotisations sociales (régie des rentes, assurance-emploi et assurance parentale
en tenant compte de ses prestations financières rattachées à la présence d'enfants et de ses frais de garde. Cette première position procure à cette famille un avantage financier moyen de 6000 $. Notez que la première position serait conservée même si les enfants fréquentaient une garderie à tarif régulier plutôt qu'une garderie à contribution réduite.
La politique familiale québécoise repose essentiellement sur trois piliers: son soutien financier généreux, son nouveau régime d'assurance parentale et ses services de garde à contribution réduite.
En développant un programme de services de garde à contribution réduite, le gouvernement du Québec a levé un important obstacle à l'emploi et favorisé le maintien ou le retour des parents sur le marché du travail. Or, il est assez troublant de réaliser que l'essentiel de la discussion concernant les services de garde à contribution réduite, malgré le fait que plus de 200 000 jeunes enfants les fréquentent, porte sur le manque de places. Évidemment, il ne faut pas minimiser les conséquences causées par le manque de places, il est facile de comprendre que les parents qui n'y ont pas accès se sentent exclus. Mais pour ces derniers, n'oublions pas qu'en envoyant leurs enfants dans une garderie à tarif régulier, ils ont droit, au Québec, à un crédit remboursable pour frais de garde relativement généreux.
Ce que l'on dit trop peu souvent, c'est que les services de garde à contribution réduite apportent également une série de retombées positives.
Comme d'autres, l'OCDE reconnaît que des frais de garde d'enfants élevés ont un impact négatif sur l'incitation à travailler, les comportements en matière de procréation et les perspectives de carrière à long terme, en particulier pour les femmes.
Au prix d'un effort budgétaire important, nos résultats montrent que les coûts de garde d'enfants d'une famille de la classe moyenne au Québec sont, en proportion du revenu net des ménages, les plus faibles: six fois moins qu'ailleurs au Canada, cinq fois moins qu'en France et même trois fois moindres qu'en Suède.
On ne peut donc passer sous silence les retombées positives sur le marché du travail de la généralisation des services de garde à contribution réduite. On note particulièrement une hausse du taux d'emploi des femmes âgées de 25 à 44 ans. Ces femmes, les plus nombreuses à avoir de jeunes enfants, ont vu leur taux d'emploi augmenter de 70,3 pour cent en 1998 à 79,3 pour cent en 2007. Cette hausse est de deux fois supérieures à l'augmentation du taux d'emploi des femmes ontariennes du même groupe d'âge. Résultat: en 2007, le taux d'emploi de ces Québécoises était le plus élevé de tous les pays du G7.
La pauvreté recule
De là, il faut aussi souligner le lien causal évident entre le travail et la réduction de la pauvreté des enfants. Selon une autre étude de l'OCDE, la pauvreté infantile est environ trois fois plus probable dans les familles biparentales où un seul parent travaille en comparaison avec une famille à deux revenus. La généralisation des services de garde a contribué, ce faisant, à favoriser l'emploi et à faire reculer la pauvreté des familles avec enfants. Et ça marche! Le seuil de faible revenu établi par la mesure du panier de consommation (MPC révèle qu'en 2004, 7,9 pour cent des enfants québécois vivaient dans un ménage à faible revenu comparativement à 16,3 pour cent en Ontario et à 14,9 pour cent dans la riche Alberta. Depuis 2000, le Québec a fait reculer la pauvreté beaucoup plus que toutes les autres provinces canadiennes.
Nous voilà maintenant en campagne électorale où les questions économiques sont sensées être au coeur du débat. Avec les chiffres que nous venons d'énoncer, les garderies font non seulement partie des mesures dites familiales, mais elles doivent aussi être considérées comme un outil économique.
Que proposent les partis politiques en la matière alors?
Le Parti libéral s'est engagé à ne pas hausser la contribution de 7 $ par jour et à créer 33 000 nouvelles places. Québec solidaire promet aussi 38 000 nouvelles places dans les garderies à 7 $. De son côté, le Parti québécois va plus loin avec l'idée d'«un enfant, une place».
Alors que le Parti libéral, Québec solidaire et le Parti québécois proposent de poursuivre l'implantation du réseau de garderie à contribution réduite, l'ADQ se distingue en proposant une allocation de 100 $ par semaine par enfant de moins de 4 ans plutôt que la création de nouvelles places dans les garderies à contribution réduite.
À cet égard, on entend souvent dire que les familles où un des parents fait le choix légitime de rester à la maison pour s'occuper des enfants en bas âge sont les «oubliées» de la politique familiale, entre autres, parce qu'elles n'utiliseraient pas les services de garde. La réalité est toutefois plus complexe, car même si une famille ayant qu'un seul gagne-pain n'utilise pas les services de garde, elle a un revenu familial plus faible que lorsque les deux conjoints travaillent et ce faisant, elle bénéficie d'un soutien financier accru.
Les garderies à contribution réduite sont un bel exemple que le développement social du Québec peut se concilier à sa prospérité économique. Compte tenu de leurs retombées positives, il semble souhaitable de concentrer les efforts à compléter la mise en oeuvre du réseau de garderie à contribution réduite, avant d'élaborer de nouveaux programmes tous azimuts.
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Luc Godbout - Archives La Tribune, Frédéric Côté
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Luc Godbout est professeur à la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.


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