Monopole syndical en agriculture

Contre l'idée d'un référendum

Agroalimentaire - gestion de l'offre


Roméo Bouchard - Coordonnateur de la coalition SOS-Pronovost
Madame Josée Boileau, dans son éditorial de lundi, a fait un bon bout de réflexion sur la nécessité de mettre fin au monopole syndical de l'Union des producteurs agricoles (UPA), mais elle n'a pas suffisamment réfléchi, à mon avis, quand elle appuie la proposition d'un référendum consultatif avant de la faire. Cette proposition, qui n'a toutefois pas été confirmée de source gouvernementale, si démocratique puisse-t-elle paraître à première vue, ne tient pas la route.
Tout d'abord, il suffit de fréquenter le milieu agricole pour comprendre qu'il serait difficile, sinon impossible d'organiser un référendum consultatif valable sur l'accréditation unique en agriculture: comme la génération actuelle d'agriculteurs n'a pratiquement pas connu autre chose et est en quelque sorte captive à tous égards du syndicat unique actuel, le résultat d'un tel référendum serait forcément biaisé, même s'il était organisé par le Directeur des élections. Un peu comme si on demandait aux membres du Parti communiste chinois s'ils sont pour des élections libres! Ce n'est pas pour rien que personne n'en veut.
Mais surtout, dans l'optique du rapport Pronovost, la fin du monopole syndical en agriculture est une nécessité et concerne un droit fondamental dont l'application n'est pas facultative.
Une nécessité d'abord, pour la diversification de notre agriculture et la représentation adéquate de tous les agriculteurs, donc pour le succès de la réforme proposée. Un droit fondamental ensuite, celui de choisir librement l'association qui nous représente et qui négocie pour nous. Or les droits fondamentaux ne se gèrent pas par référendum: ils sont des droits autant pour les minorités que pour les majorités.
Imposer un syndicat unique au détriment de la liberté de choix, même sous prétexte de garantir un meilleur rapport de force, c'est ce qu'on appelle de la dictature; de plus, c'est se priver de la richesse qu'apporte la diversité et c'est s'exposer à des excès et à des abus de pouvoir de la part d'un syndicat unique. Nous en avons la preuve. En maintenant l'obligation de tous les agriculteurs d'appartenir et de cotiser à un syndicat, Pronovost préserve amplement le rapport de force des agriculteurs sans pour autant créer un État dans l'État avec un syndicat unique tout puissant.
Un cas unique
Précisons que ce qui est en cause, c'est l'accréditation unique et non la formule Rand (obligation de cotiser au syndicat accrédité), ni même l'obligation d'appartenir à un syndicat comme on vient de le dire. L'accréditation unique a été inscrite dans la loi de 1972 sans référendum: le référendum qui a suivi portait sur l'obligation pour tous les agriculteurs de cotiser à l'association unique, l'UPA en l'occurrence, puisqu'elle était la seule existante et regroupait plus de la moitié des agriculteurs.
Mais contrairement à ce que prétend l'UPA, l'accréditation unique n'est pas la règle au Québec. L'UPA est un cas unique au Québec et dans le monde.
Au Québec, l'accréditation unique et la formule Rand s'appliquent à l'échelle de l'entreprise et non à celle de tout un secteur d'activité comme dans le monde agricole, et l'allégeance syndicale peut être remise en question lors de chaque renouvellement de la convention collective de travail, ce qui n'est pas le cas pour les agriculteurs.
Même dans le secteur de la construction, où l'accréditation aurait difficilement pu se faire par entreprise, les travailleurs choisissent tous les trois ans entre cinq syndicats affiliés à des centrales différentes et, dans le contexte actuel, on aime mieux ne pas imaginer ce qui se produirait s'il n'y avait qu'un seul syndicat! Pourtant, c'est ce qui existe dans le secteur agricole et les résultats ne sont pas moins inquiétants.
Par sondage
Si le gouvernement veut avoir une idée de l'opinion des agriculteurs au sujet de l'accréditation unique, il a bien d'autres moyens de le faire, que ce soit par sondage scientifique ou toute autre forme de consultation. De plus, puisqu'il s'agit d'un enjeu de société, il doit aussi tenir compte de l'avis des autres secteurs de la société qui sont concernés par l'agriculture et de tous ceux qui ont à coeur la vie démocratique au Québec.
En fin de compte, c'est au gouvernement, comme législateur, qu'il revient de corriger la loi de 1972 et de faire respecter la liberté d'association et le droit à la représentation dans le monde agricole d'aujourd'hui, un secteur totalement différent du monde ouvrier, ne l'oublions pas, puisqu'il s'agit de nos jours d'entrepreneurs et de travailleurs autonomes répartis sur tout le territoire, dans des secteurs de production souvent totalement différents. Et la meilleure façon de le faire est d'appliquer intégralement la très sage recommandation 47 du rapport Pronovost.
La société québécoise a tout à gagner d'une relance de la vie démocratique dans le monde agricole. Un référendum consultatif sur l'accréditation unique auprès des seuls agriculteurs n'apporterait que de la confusion et des retards inutiles dans les décisions qui doivent être prises par le gouvernement au nom du bien commun et des droits fondamentaux.


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