Corriger l'usurpation du nom "Terre-Neuve-Labrador"

Nouveau nom: Île-de-Terre-Neuve-Labrador-Côtier

Tribune libre

L’Acte d’Union entre Terre-Neuve et le Canada date du 23 mars 1949. En vertu de cet acte, la 10e province du Canada s’appelle officiellement la Province de Terre-Neuve. Ici, je tais la fraude probable intervenue dans la manipulation, par des fonctionnaires britanniques, des résultats du 2e tour de référendum tenu le 22 juillet 1948. Il y aurait eu inversion des résultats et les bulletins ont été détruits rapidement après le scrutin. Le résultat officiel livré pour ce 2e tour fut: 48% pour l’indépendance de l’Île et 52% pour l’union au Canada.
Arrêtons-nous au nom actuel que nous entendons ou lisons pour cette 10e province, à savoir Terre-Neuve et Labrador. Pourtant, ce n’est pas le nom contenu dans l’Acte d’Union du 23 mars 1949. D’où vient ce changement de nom?
Ce changement de nom remonte à l’année 1964, soit 15 années après l’entrée de Terre-Neuve dans la fédération canadienne. Il a été fait par le Labrador Act voté par l’Assemblée Législative de Terre-Neuve le 10 juin 1964: le nouveau nom étant Terre-Neuve et Labrador. Le Gouvernement du Québec a-t-il protesté à ce moment? Je ne sais pas.
Le géographe québécois Henri Dorion est dubitatif quant à l’exactitude de cette appellation sous l’angle de la géographie physique telle la topographie, Terre-Neuve étant une Île. Le cas est dubitatif aussi sous l’angle de la géographie politique, le Labrador ayant été divisé entre deux provinces par la décision du 1er mars 1927 du Conseil privé.
Encore en 2010, un flou constant persiste autour de la notion Labrador sous l’angle de la géographie physique et politique, surtout connu sous le nom de Péninsule du Labrador. De plus, le principe de “watershed”, soit la ligne de partage des eaux. retenu par le Conseil privé de Londres rencontre des ratés sur le territoire où les eaux parfois se déversent dans la Mer du Labrador, et parfois dans la bassin de la Baie d’Hudson ou de la Baie d’Ungava selon des pluviométries variables d’une année à l’autre.
Les québécois de 2010 ne doivent pas restés indifférents devant le dossier de la frontière entre le Labrador québécois et le Labrador côtier dévolu à Terre-Neuve le 1er mars 1927.
Quelques observations s’imposent quant à la décision du Conseil privé de Londres du 1er mars 1927, observations faites à partir de la contemplation d’une carte géographique des lieux:
a) le territoire nouvellement concédé à Terre-Neuve est immense: 210 000 kilomètres carrés. L’appétit de l’Empire pour sa colonie est insatiable.
b) dans le vol. 63, 1926-1927 de la revue anglaise The Times - Law Reports, on montre une carte du Québec et de la partie remise à Terre-Neuve. On lit sur la carte la légende “Area given to Newfoundland”, que je traduis “Territoire donné à Terre-Neuve”.
Pour donner un territoire, il faut en être propriétaire et c’est le Canada qui en est propriétaire, en grande partie si ce n’est pas l’entier. Et le Canada laisse aller tout ce territoire. Pourquoi? Faut-il se rappeler qu’en 1927, Terre-Neuve et le Canada sont deux colonies de la Grande-Bretagne. Cela justifie-t-il une telle soumission, un tel désintéressement, une telle générosité envers Terre-Neuve, dont l’Île est un cailloux très peu peuplé?
c) combien Terre-Neuve a-t-elle payé pour obtenir tout le territoire accordé le 1er mars 1927, et payé à qui? Si le prix est gratuit, il ne sera pas gênant pour le Québec d’offrir la réciproque lors de la prochaine négociation concernant le territoire du Labrador québécois.
d) le cas de la frontière longeant le 52e parallèle est pathétique: là, on ne suit pas le principe de la “ligne de partage des eaux”. Cela accorderait au Québec un 10 000 kilomètres carrés supplémentaires. Pourquoi au nord, un principe et au sud, un autre?
e) ceux qui ont rendu leur décision pour le Comité Judiciaire du Conseil privé, ce sont 5 lords. Il serait très intéressant sinon nécessaire de prendre connaissance du CV de chacun de ses illustres avocats ou administrateurs de sa loyale Majesté. Sont-ils situés en conflits d’intérêts rendant leur décision “inéquitable, nulle et non avenue”?
Avant 1927, Terre-Neuve prétendait avoir reçu l’administration de la côte du Labrador, côté nécessaire pour les activités des pêcheurs dont le besoin vital de se procurer de l’eau douce et la gestion des dépôts de sel, sel nécessaire pour conserver le poisson et apporté comme ballaste à l’allée. À partir de la 2e moitié du XIXe siècle, l’Empire britannique est à son apogée et ses besoins en richesses naturelles sont grands. C’est à ce moment qu’on vide les forêts québécoise de ses grands pins blancs requis pour les mâts des nombreux navires construits en Angleterre. Les richesses naturelles du Labrador sont connues et sont dans la mire des industriels et commerçants anglais.
Le développement des richesses du Labrador intérieur ne se réalise pas simplement. Il faut attendre l'entrée de Terre-Neuve dans le Canada pour voir bouger un peu les choses, et pas au goût des terre-neuviens. Pour sa part, le premier ministre Joye Smallwood entre en action en établissant des contacts avec des financiers de Londres pour le développement de Terre-Neuve, sa province chérie. Ce sont des capitaux anglais, dont la puissante famille de banquiers Rothschild, qui sont investis dans le développement du Labrador avec, notamment, l’incorporation à Terre-Neuve en 1953 de la compagnie BRINCO pour British Newfoundland Company. C'est une filiale de Brinco qui signe avec Hydro-Québec pour le développement de la centrale Churchill Falls le 12 mai 1969.
Concluons: les anglais, très doués pour les faits accomplis et les précédents, réussissent, avec cette histoire des frontières du Labrador, à accaparer du terrain au détriment du Québec, comme avec la complicité du Canada. Ces malversations passent presque inaperçues dans l’histoire du XXe siècle. Encore aujourd’hui, nous vivons avec ces empiétements qui ont de graves répercussions sur le développement général du Québec.
Il est urgent que le Gouvernement du Québec clarifie ses connaissances et ses convictions quant aux frontières du Québec “non reconnues par le Québec”, tel que parfois écrit sur les cartes officielles. Tout n’est pas à faire, mais il y a des dossiers criants à mettre dans le public et à faire avancer.
Primo: les québécois, dans leurs écrits et leurs paroles, doivent bannir le nom “Terre-Neuve et Labrador” et le remplacer par “Île-de-Terre-Neuve-et-Labrador-côtier”.
La plus petite province du Canada s’appelle bien Île-du-Prince-Édouard parce qu’elle est une Île et ses habitants n’en font pas une dépression. Habituellement, les insulaires sont fiers de leur situation “distincte” des habitants de l’interland.
Secundo: parler de frontières avec Terre-Neuve n’est pas une nouvelle chicane; c’est de la négociation internationale. Il ne faut plus se fier au Canada pour régler ce dossier. S’il le faut, le Gouvernement du Québec devra faire appel à un tribunal international pour décider.
Tertio: si le dossier ne peut qu’être politique, traitons-le en conséquence.
Hors-d’oeuvre: l’annonce récente par Terre-Neuve-et-Labrador-Côtier du développement d’une nouvelle centrale hydroélectrique située à Muskrat Falls d’une puissance de 824 MW doit être considérée comme une bonne nouvelle par les québécois. Enfin, les terre-neuviens ont compris qu’ils font mieux d’acheminer leur électricité sur leur territoire pour desservir en priorité les quatre provinces de l’Atlantique qui ont bien besoin de cette énergie verte.
Les québécois, en bons voisins, ne sont pas contre le développement de l’hydroélectricité terre-neuvienne. Nous leur souhaitons bonne chance pour réaliser surtout le ligne d’acheminement de l’énergie jusqu’à la Nouvelle-Écosse avec deux traversée sous-marines. D’autre part, il est peu probable que la puissance de 824 MW dégage des surplus pour exporter vers les États-Unis-d’Amérique. Bonne chance dans la construction et bon contrôle des coûts.


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4 commentaires

  • François A. Lachapelle Répondre

    30 novembre 2010

    Merci aux lectrices et aux lecteurs de vigile d'apporter des suppléments d'information au sujet du changement du nom de la 10e province du Canada, changement de Terre-Neuve en Terre-Neuve-et-Labrador.
    Comme le précise le lecteur JPCD, c'est en 2001 que le Gouvernement du Canada a apporté un amendement constitutionnel à l'Acte constitutionnel de 1982 concernant le changement de nom de Terre-Neuve. Selon JPCD, le Québec n'a opposé aucune objection formelle parce que ce changement n'était que purement symbolique.
    Si JPCD rapporte véritablement ce qui s'est passé en 2001 dans ce dossier de changement de nom de Terre-Neuve, j'aimerais réfléchir aux dessous pluriels à comprendre aux mots "changement purement symbolique" tel qu'apprécié par JPCD lui-même. Ces trois mots, qu'on les prenne séparément, et encore plus quand on les prend ensemble, sont pleins de sens pluriels.
    Ici, je préfère mettre de côté la naïveté et le jovialisme.
    On parle d'un changement constitutionnel de nom s'appliquant à un grand territoire. Apparaissant en 2001, ce changement intervient 52 ans après l'entrée de Terre-Neuve dans l'Union avec le Canada en 1949. Pour faire un tel changement, il faut y tenir, il faut avoir de bonnes raisons. Pourquoi les deux mots "Terre-Neuve" n'étaient pas suffisants pour représenter cette 10e province? Pourquoi le Gouvernement du Canada n'a-t-il pas respecté la lettre de la décision du Conseil Privé de Londres du 1er mars 1927 qui a partagé le grand territoire de la Péninsule du Labrador entre deux colonies britanniques qui sont devenues deux provinces du même pays, le Québec et Terre-Neuve? Accoler le mot Labrador à Terre-Neuve crée l'impression que c'est tout le Labrador qui revient à Terre-Neuve.
    Il est écrit et connu par les initiés que le territoire couvert par le nom LABRADOR ou PÉNINSULE DU LABRADOR a évolué dans l'histoire et présente des limites floues encore aujourd'hui. La décision du 1er mars 1927 du Conseil Privé de Londres n'a pas établi les limites du Labrador, mais plutôt une frontière politique entre deux colonies. La recommandation du Conseil Privé de Londres est inconstante sur les principes qu'il retient, changeant selon que vous longez au sud le 52e parallèle, ou la limite sud-nord qui utilise la ligne de partage des eaux. De plus, les probabilités sont fortes que la décision rendue, avantageant largement la Colonie de Terre-Neuve, le fut en situation de conflits d'intérêts de la part des cinq Lords qui ont signé cette recommandation. Avec le Conseil Privé, rappelons que nous sommes au coeur du coeur de l'Empire britannique.
    Maintenant, que dire des mots "purement symbolique", une expression qui prête à confusion. Comme si c'était secondaire, accessoire, pas important, alors que les motifs de ceux qui ont exigé ce changement est probablement à l'opposé. Pour eux, disons les terres-neuviens intéressés, ce changement était primordial, essentiel et important. Mais pourquoi ce changement était-il si important? Je crois qu'il est faux d'envoyer un problème réel et important à la trappe sous le prétexte de "purement symbolique". Les récits allégoriques, la poésie du monde entier, les pictogrammes routiers, Freud et les psycholoques, les effigies sur les monnaies du monde ont très souvent sinon uniquement recours aux symboles. Les symboles touchent au coeur. Le langage des fleurs, les signes du zodiaque, les constellations dans le ciel, tout est symbolique.
    Dans le cas présent, je crois que les québécois auraient avantage à s'inspirer des terres-neuviens intéressés et instruits de l'importance des symboles. Alors, le Québec pourrait aussi demander un changement de nom en Québec-Labrador.

  • Jean-Paul Crevier-Delisle Répondre

    30 novembre 2010

    IL N'Y A AUCUNE USURPATION: la Constitution a été modifiée en 2001 de façon à substituer à la désignation constitutionnelle actuelle de Terre-Neuve celle de « Terre-Neuve-et-Labrador ».
    Le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement fédéral avaient confirmé au gouvernement du Québec que la modification recherchée ne constituait qu'un changement de nom purement symbolique et, par conséquent, qu'elle n'avait aucune portée territoriale ou frontalière.
    En conséquence, le Québec n'a opposé aucune objection formelle au changement de nom de Terre-Neuve.
    réf.:
    http://www.saic.gouv.qc.ca/centre_de_presse/communiques/2001/saic_com20011031.htm
    http://www.pco-bcp.gc.ca/aia/index.asp?lang=fra&page=canada&sub=constitution&doc=constitution-fra.htm
    jpcd

  • Archives de Vigile Répondre

    30 novembre 2010

    Bonjour madame Vallée
    La controverse est née d'un document du Bloc: "Pour envisager l'avenir autrement" (http://archives.vigile.net/02-6/bq-autrement.pdf) qui utilisait une carte du Québec sans le Labrador en page couverture.
    À ma connaissance, le Bloc n'a jamais exprimé de position précise sur le Labrador
    Alain rivet

  • Archives de Vigile Répondre

    30 novembre 2010

    Cette appellation de Terre-Neuve-et-Labrador n'a-t-elle pas été adoptée à la Chambre des communes, il y a quelques années maintenant, par tous les partis confondus, y compris le BQ ?
    Je peux me tromper, mais il me semble que cette affaire avait causé quelques « petits » remous chez les souverainistes québécois et qu'ils avaient baissé les bras.
    Avant de relancer ce dossier dans le public, il faudrait s'assurer que nous aurons l'appui du parti qui défend le Québec à Ottawa.