« On n’était pas du même bord, mais on cherchait le même port. » Jacques Brel, Le moribond [1961 / 1972]
Point d’ancrage : Les idiots utiles souverainistes de QS vont affronter le parti de Jean-Martin Aussant…
Bonjour mademoiselle Dorion (toute maman que vous fussiez, madame),
Par votre « éternelle » fraîcheur, et jeunesse, sans doute. À mes yeux. Et que je vous jalouse, comme de bien entendu.
Ce qui m’amène d’autant plus à m’étonner, d’emblée, et au plus haut point, de votre intention, en parallèle, de briguer les suffrages, également sous QS, dans la circonscription de Taschereau.
Et ce, à la faveur du prochain scrutin national (votre ami Zanetti dirait sans doute - ô richesse de vocabulaire et haute maîtrise de la signification des mots chez le bachelier de philosophie - scrutin provincial)
Misère…
Loin de moi, et sincèrement, croyez-moi, l’intention de vous insulter en quelque manière, mademoiselle Dorion, mais pour ma part je ne puis qu’acquiescer à l’idée révélée par le mot qui chapeaute, chez Vigile, la manchette du Devoir ici retenue. Laquelle rapporte la victoire, dimanche le 18 courant, de Sol Zanetti à l’investiture de Jean-Lesage pour Québec Solidaire.
Ayant été séduit depuis les tout débuts par Option nationale, considérant même votre opposition à madame Agnès Maltais, dans Taschereau, à la faveur de précédents appels aux urnes, en 2012 et 2014, comme un geste cohérent*, aujourd’hui, en revanche, je me vois littéralement sidéré par votre intention, en Octobre prochain, de vous présenter derechef, mais désormais au sein des troupes de QS (toujours dans la circonscription de Taschereau, de surcroît). Espace électif que dame Maltais, incidemment, laissera « vacant » d’ici là.
* (Discutable, certes, mais cohérent avec les valeurs de la défunte ON; bien qu’il m’eût apparu infiniment plus réfléchi, et intelligible, de vous présenter dans une circonscription autrement plus « canadian », qui, on le sait, ne manquent pas dans la région...)
Séduit, certes, par Option nationale. Bien qu’un éternel ado comme chef, avec un discours d’une faiblesse intellectuelle déplorable, ait constamment refroidi mes ardeurs. Mais enfin, c’était l’unique Parti pro-Indépendance, tout de même. Hic et nunc. Ce n’était pas rien à mes yeux. Nonobstant le départ, regretté, pour ce qui me concerne, de Jean-Martin Aussant.
Or, maintenant avalisé par le pourtant minuscule Québec Solidaire, Option Nationale fait dorénavant, en effet, figure d’idiote utile au sein de cette formation.
Une formation politique qui, et depuis toujours, n’a toujours présenté l’Indépendance du Québec que du bout des lèvres. Sinon constamment avec des gants blancs. Comme pour ne pas se souiller… les mains.
Ce n’est pas le lieu ici de démontrer * combien ce Parti QS — plongé bien profond dans... le ciment de la rectitude politique et du multiculturalisme à la canadienne, qui renie sa signature comme une vieille chaussette, ensuite, et qui, enfin, attaque en priorité, et en permanence (sinon en exclusivité !), l’unique autre Parti politique qui prône l’avènement du Pays de Gilles Vigneault et de Pierre Bourgault — est aux antipodes (j’exagère, mais à peine…) de ce qui constituait la colonne vertébrale idéologique d’Option Nationale.
* (La démonstration, au reste, se déploie d’elle-même dans l’actualité, jour après jour, sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre à des instruments d’analyse plus ou moins sophistiqués pour repérer le phénomène. Que seuls les ex-… Onanistes - repentants ? - semblent ignorer)
À dire vrai, mademoiselle Dorion, je ne suis pas étonné que votre collègue et ami Sol Zanetti puisse ainsi, et avec quelle facilité, se glisser les deux pieds dans la même bottine de l’idiotie utile. Et tranquille. C’est conforme au personnage. Qui, en dépit de tout, ou de presque tout, reste sympathique à mon entendement… Mais quelle naïveté… d’enfant d’école ! Comme si l’expérience des ans et de l’activité partisane (ici entendue au sens noble du vocable, c’est-à-dire : à 180 degrés de la manière Jean-Marc Fournier, disons) coulait toujours sur lui comme sur les plumes d’un canard.
Mais vous, mademoiselle Catherine Dorion. Vous…???
Jouer l’« idiote utile » ne correspond tellement pas à l’idée que je me faisais de vous. Au fil des ans. Vous, que je respecte.
Cela dit, et écrit, du clavier d’un homme de gauche. Mais vraiment de gauche. À mon âge « vénérable » non moins qu’à mes 18 ou 20 ans, alors déjà fort politisé.
C’est-à-dire, une Gauche qui n’a rien à voir avec les adolescenteries - d’une pauvreté intellectuelle à gémir - des Gabriel Nadeau-Dubois et autres Manon Massé. Sans compter, comme par surcroît, un Kadir qui s’autorise - nonobstant son coeur meurtri pétri de bonnes intentions, je n’en disconviens pas - une énormité sur deux à chaque fois qu’il bouge les lèvres. Eh oui, misère… À commencer par ses appuis aux invraisemblables déclarations publiques (pour rester poli en m’abstenant de les qualifier spécifiquement) de la belle Manon… Nom de nom ! Y a-t-il un adulte, quelque part, au sein de cette Équipe de journal étudiants en goguettes ? Sinon en couches.
J’imagine la colère perpétuelle d'un Bourgault face à pareille soupe d’une tiédeur fadasse. Laquelle, quant à l’essentiel, n’a rien à envier à la CAQuinescence manière François Legault. Et dieu sait (peu importe lequel !) que je ne suis pas pour autant un inconditionnel du Parti Québécois.
Je serais plutôt de style co-fondateur de quelque cellule. Camille-Laurin…
(Et voilà, n’est-ce pas, la Royal Canadian Mounted Police qui salive déjà. À faire saliver au carré Pavlov en personne. Notre Philippe Pétain national aussi).
Cela dit, tout de même bien tendrement à vous, Citoyenne Catherine !
[Postambule]
Depuis ce Vieux-Limoilou (en circonscription de Jean-Lesage…) que nous « habitons » tous deux en partage, mademoiselle jeune maman. Et où, n’est-ce pas, pullulent désormais Le (sic) Gentlemen
Question : Y a-t-il quelqu’un, chez Québec Solidaire, Catherine, qui se préoccupe de cette Kénédianisation de notre Maison nationale ? À Vitesse Grand V vers les cinquantines et les soixantines. Anté-Charte de la Langue française, anté-Révolution tranquille. Et anté-toute Dignité nationale. American Music absolument partout en prime, dans tous les cafés et les restaurants des lieux. Même notre impressionnant réseau de bibliothèques municipales (RBVQ / 25 antennes) nous offre CDs et DVDs en anglais à hauteur de 90% de tous ses achats de films et de musique autre que classique (auxquels, du coup, se voit consacré un budget absolument faramineux. À même les taxes et impôts des Québéco-Québécois, of course : mille Bravo ! à ces institutions québécoises, culturelles qui plus est, qui américanisent bien profond les filles et les fils de Cartier, Champlain, Frontenac, Montcalm. Et René Lévesque). Des films et des séries, incidemment, qui entrent à flots continus sur les rayons. Et pour ainsi dire jamais, ou rarement, très rarement, doublés dans la langue des indigènes que nous sommes. Mais voyons ! dira votre ami GND, derechef : Il faut être ouvert… Appelons cela la bêtise bien rasée et en complet-veston (eh oui, Brassens, grand ami du grand Jacky, avait bien raison : l’âge n’a rien à y voir ! Quand on est c… on est c...).
Bref. C’est « ça », Catherine, que vous désirez vendre à vos compatriotes, le 1er Octobre prochain, sous les couleurs de ce Québec bien nommé Sol…zanitaire…? Solitaire, dis-je. En effet. Pour cause de profondeur mince comme un écran de cellulaire. Car une femme ou un homme authentiquement de gauche, et épris du Pays de Félix Leclerc au surplus, ne pourra jamais plonger dans cette mélasse truffée de ces bons sentiments qui font toujours la pire des politiques. Mais vous, Catherine, vous y êtes. Bel et bien. Faudra m’expliquer ça un jour. Oui. M’expliquer comment vos jolis petits pieds délicats de femme se sont enfouis si aisément. Dans la même Bottine. Celle des Manon à moustache et des Gabriel sans un poil au menton (Eh non. Ça ne fait pas de moi un vieux mon’oncle débile pour autant. Juste un peu moins invertébré que Cormier).
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6 commentaires
Alexandre Cormier-Denis Répondre
23 mars 2018En complément à ce très judicieux texte de M. Gouin :
Catherine Dorion, symptôme de l'échec du souverainisme
Dans un texte intitulé « Ce que je ferais aux gars de La Meute », l'ancienne candidate d'Option nationale, Catherine Dorion, exprime une xénophilie et un mépris anti-québécois typique de l'aile gauche du mouvement souverainiste. Bien qu'anecdotique, son texte incarne tout ce qui ne tourne pas rond au sein d'une certaine élite souverainiste totalement déphasée par rapport aux classes moyennes québécoises.
>>> À voir ici : http://nomos-tv.com/catherine-dorion-symptome-de-lechec-du-souverainisme
Éric F. Bouchard Répondre
24 mars 2018M. Cormier-Denis, n’avez-vous jamais songé à la possibilité que ce soit vous et non Catherine Dorion qui soit décalé en québécitude? La québécitude se définit dès l’origine comme un néo-nationalisme. Elle se voulait en rupture avec notre nationalité ancestrale qui était perçue par nombre d’intellectuels comme inapte à la modernité. Pourquoi donc Mme Dorion, en phase avec la quasi-totalité des élites québécoises héritières de ces intellectuels, aurait-elle tort de mépriser le vieux fonds identitaire canadien-français? Le PQ l’a toujours fait. Par conséquent, ceux qui se fourvoient le plus sur cette question, sont ces nationalistes d’aujourd’hui qui refusent l’évidence et projettent dans le souverainisme québécois quelque chose qui ne s’y trouve pas.
Je concède qu’au départ ce n’était pas si évident. Au tournant des années 1970, les nationalistes canadiens-français ont, sans doute par calcul, fait une sorte d’union stratégique avec les néo-nationalistes pour hâter la souveraineté du Québec. Malheureusement, ils en ont fait les frais. Choisissant dès cette époque de plomber durablement l’accession à la souveraineté pour mieux faire avancer leur redéfinition sociétale, les progressistes (du PQ et du parti libéral) ont su au fil des décennies imposer de par la loi une québécitude pluraliste à mille lieues de celle sublimée par les nationalistes canadiens-français.
Les jeux de la québécitude sont ainsi faits depuis longtemps, M. Cormier-Denis, et vous le savez mieux que bien d’autres, ils nous mènent droit à la louisianisation.
Ne croyez-vous pas qu’il serait temps d’admettre les erreurs du passé, de prendre acte de la réalité de la québécitude et d’organiser, en toute connaissance de cause, une défense conséquente des Canadiens-Français?
Alexandre Cormier-Denis Répondre
26 mars 2018Il faut relire le livre de Jean Bouthillette Le Canadien français et son double pour comprendre à quel point cette dénomination nationale a été inhibante d'un point de vue politique et identitaire.
À ce compte-là, pourquoi ne pas retourner directement au terme de Canadien tel qu'il était utilisé avant même la Conquête pour désigner nos ancêtres ? Pourquoi s'arrêter en si bonne route ?
Certes, je suis le premier à faire le constat que la Révolution tranquille a été un échec. Notamment en raison de l'effondrement des forces conservatrices.
Mais redonner un vernis passéiste à la défense de notre cause nationale ne fera que nous folkloriser un peu plus. Au fond, c'est ce que souhaitent faire les Anglo-Saxons : faire de nous une minorité ethnique parmi d'autre au sein de l'Amérique du Nord, sans réelle ambition universaliste et nationale.
Remarquez comment les anglophones adorent le terme de Canadien français et détestent celui de Québécois : le premier nous ramène à notre condition de moitié de quelqu'un d'autre et le second fait preuve d'une volonté de puissance qui les agace incroyablement.
Sans compter que l'association avec l'État où nous sommes (encore) majoritaires me semble tout à fait compatible avec la construction d'un État souverain. En abandonnant le contrôle de l'État, nous redeviendrons une sorte de minorité ethnique, une communauté comme une autre du melting-pot post-national de l'État fédéral.
La faute des révolutionnaires tranquilles n'a pas été d'associer le territoire où nous étions majoritaires avec la Nation, mais d'adhérer naïvement au progressisme bon chic bon genre de la contre-culture des années 1960'.
Je rappelle par ailleurs qu'il n'existe pas encore de citoyenneté québécoise. Elle pourrait très bien reposer sur le droit du sang plutôt que sur le droit du sol...
« Le Québec aux Québécois » est un slogan clair, compris autant par nos adversaires que par nos propres troupes.
Éric F. Bouchard Répondre
26 mars 2018Merci de répondre, même si ne vous le faites pas vraiment. Mon propos traitait de la justesse de vos positions dans la réalité du Québec actuel. Pas la québécitude que vous auriez espérée, pas celle théorique de vos maîtres à penser, pas celle du «Québec aux Québécois» des années 1970, celle d’aujourd’hui, celle avec laquelle il nous faut composer. Car cette québécitude, inclusive, elle est là. Nos élites «multiculturalistes» sont bien là, elles dominent toutes les sphères de la société québécoise. Elles font évoluer et précisent depuis 50 ans la québécitude dans laquelle nous vivons. Sommes-nous d’accord?
De par nos grandes lois (loi 101 ou loi 99), cette québécitude réelle, nous la partageons pleinement avec les Québécois des communautés ethniques dont l’apport au développement commun est reconnu, et avec les Québécois d’expression anglaise qui jouissent quant à eux de droit consacrés qui font d’emblée de l’anglais une langue d’usage. Nous sommes Québécois au même titre qu’eux, nous votons comme eux. En sommes, nous formons avec eux le peuple québécois sur lequel repose la légitimité de l’État québécois. Elle est là notre réalité.
Catherine Dorion adhère à cette québécitude inclusive qui est celle de sa société, celle de l’État du Québec. Vous, en revanche, ne semblez pas la partager. Vous semblez tenir à une autre québécitude, une québécitude qu’on ne définit jamais, quelque chose qui serait vécue dans la tête du plus grand nombre, et qui réapparaitrait comme par magie dans un Québec souverain, fruit de l’application d’une doctrine d’État imparable. Et c’est là où je ne vous suis plus. Vous n’avez pas encore saisit la mesure de votre taille, dirait-on. Et si vous le permettez, je répondrai à cet aspect de la question directement à M. Pomerleau.
Ceci dit, le livre de Bouthillette est en effet remarquable pour sa description de l’aliénation qui amène un Canadien-Français honteux de ses origines à se renier au profit d’une identité canadienne salvatrice. Bouthillette juge sévèrement ce reniement. Pourtant, en conclusion, il nous invite au même reniement, et pour les mêmes raisons, mais cette fois au profit d’une identité québécoise salvatrice... Canada ou Québec, c’est la haine et le reniement de soi le fonds du problème, mais Bouthillette en était trop atteint lui-même pour s’en être aperçu. C’est dire que la déconsidération de la nationalité canadienne-française qu’on y trouve, procède d’un même discours, tout aussi subjectif et conjoncturel, que ceux qui alimentèrent la légendaire Grande Noirceur, elle en constitue le fondement pour tout dire. La valeur de l’ouvrage pour juger du bien-fondé de notre nationalité est par conséquent quasi nulle.
Qualifier d’inhibitif, de passéiste et de folklorique le nationalisme des Canadiens-Français, celui qui nous a fait vivre et protège notre singularité depuis la Conquête, est bien léger de votre part. Ce sentiment a nourrit une telle résilience chez nous que nous avons survécu et grandit (de 70 000 à 6 000 000 d’âmes) durant 200 ans, en dépit des pires exactions de nos conquérants et de bien des déperditions. Il a pratiquement fait du Québec un État national. Duplessis gouvernait pour les Canadiens-Français et il en était fier. Sa fierté, cette fierté, on aurait dû la recevoir en partage, et il nous faudrait la retrouver.
Depuis qu’on altère le nationalisme canadien-français, depuis qu’on le déprécie de toutes les manières au bénéfice de la québécitude, nous nous effaçons dans une inéluctable minorisation ethnique. C’est la québécitude qui nous aura fait perdre le contrôle de l’État. Je croyais simplement que vous vous en étiez aperçu.
Alexandre Cormier-Denis Répondre
28 mars 2018La « québécitude » n'existait pas entre 1867 et 1936, et cela n'a pas empêché qu'une élite soumise à l'ordre fédéral canadien ne domine notre politique provinciale éhontément.
Duplessis a négocié les termes de notre dépendance économique envers le monde anglo-saxon en préservant le plus possible l'autonomie de l'État québécois.
Il est normal que la dénomination du peuple recouvre celui de l'État que nous voulions souverain.
On peut très bien soutenir l'argument de la superficialité de la nation québécoise comme le faisait Fernand Dumont qui affirmait qu'il n'y a qu'une « société québécoise », puisque seuls les Canadiens français se définissent comme Québécois.
D'ailleurs, personne ne s'y trompe. Pour avoir vécu dans un environnement urbain particulièrement multiethnique, je peux confirmer que les immigrés et leurs enfants désignent les « de souches » par le terme Québécois, se référant à eux-même par leurs origines nationales.
Le problème de fond n'en est pas un de terminologie (Canadien français ou Québécois) mais de vision de ce que recouvre la souveraineté.
Depuis 60 ans, le mouvement souverainiste confond le progressisme et la construction d'un État souverain.
Les pistes cyclables, le féminisme et les congés parentaux ont tout à voir avec la social-démocratie et très peu avec la souveraineté.
Les mots « armée », « frontières » ou « banque centrale » sont totalement absents du débat souverainiste alors qu'ils devraient être au centre de toute réflexion sérieuse.
Le terrorisme intellectuel de la gauche souverainiste qui nous empêche de parler de tout ce qui compte vraiment (démographie, immigration, service de renseignement, etc.) doit cesser, car il est train de tuer la possibilité même de voir advenir la souveraineté.
Le cas catalan doit d'ailleurs nous servir de contre-modèle absolu : leur naïveté les a mené dans un cul-de-sac prodigieux que les naïfs souverainistes québécois n'ont pas su prévoir aveuglés qu'ils sont dans la foi démocratique héritée de Lévesque.
On pourra toujours débattre sur l'opportunité ou pas d'utiliser les termes de Québécois ou de Canadiens français (ils recouvrent la même réalité) mais cela ne change rien à l'affaire de fond : notre marginalisation démographique se fait à la vitesse grand V.
Si nous ne voulons pas devenir une vaste Acadie, il est impératif qu'un gouvernement un tant soit peu nationaliste prennent le contrôle de l'État pour stopper, ou du moins ralentir, la déferlante migratoire.
Le grand parti nationaliste que je souhaiterais voir advenir n'est pas pour bientôt, je le crains. Il faudra faire avec les mollassons qui sont présentement aux commandes de la Coalition Avenir Québec et du Parti québécois.
Éric F. Bouchard Répondre
29 mars 2018Votre réponse me plait et me désespère tout à la fois. Car je souhaite tout comme vous un État national pour ma nation, un État qui lui permette de jouir des pleines prérogatives régaliennes, malheureusement réservées depuis la Conquête, à la Couronne britannique et aux administrations coloniales qui en sont issues. Sur cette visée, sur ce combat nous sommes en plein accord.
Mais sur les assises de ce combat, nous ne nous entendons pas. À mon sens, un tel combat ne peut se faire que de manière explicite, il ne peut être implicite. Si on cherche à établir un État français pour une nation française, on ne peut combattre au nom d’un peuple bilingue, composé de francophones et d’anglophones. Si on juge que la nation canadienne-française possède le droit de s’autodéterminer, qu’elle peut réclamer le Québec pour en faire son État national, et bien on le dit d’emblée. C’est ce que, dans le plus grand exercice démocratique de notre histoire, -les États généraux du Canada français- tous les principaux corps de notre nation s’étaient donné comme objectif en 1967. Un objectif centré sur nous seuls auquel les tenants du néonationalisme progressiste refusaient d’adhérer. Sans aucun scrupule, ils ont alors saboté les États généraux et ses résolutions afin de laisser toute la place au masque de la québécitude.
Cet escamotage anti démocratique était tout sauf sémantique. La nation canadienne-française (et ses droits séculaires) était ainsi niée au profit du peuple québécois qui comprenait désormais, mis sur un même pied, anglophones et francophones, ou pour le dire autrement, les descendants des colonisateurs et les natifs colonisés. Ce n’est pas anodin. À partir de ce moment, le processus d’assimilation qui avait eu cours dans le reste du Canada pouvait se réenclencher, cette fois au cœur même de notre foyer national. C’était inévitable pour qui suit les travaux de M. Verrier. Les Anglo-saxons sont sociologiquement dominants en Amérique du Nord, et partager une même identité avec eux, en tant que Canadian ou que Québécois, c’est à terme, s’assimiler à eux.
Alors dire aujourd’hui que Québécois = Canadien-Français relèverait plutôt de l’autosuggestion. Certes, on nous l’a fait croire au départ, mais c’était simplement pour profiter de la ferveur nationaliste. Dans les faits, cela fait 50 ans que, politiquement et légalement, toutes autorités, toutes élites et tous partis confondus affirment le contraire. Le PQ le premier. Il a été fondé pour cela. Pour effectuer cette rupture identitaire. Pour fondre la nation canadienne-française dans un peuple québécois bilingue et multiculturel. On peut l’appeler «interculturalisme» ou le «nous inclusif», ou que sais-je encore, dans les faits, c’est avec quelques nuances du multiculturalisme à la canadienne.
Ce qui nous reste, et je suis d’accord avec vous, c’est une appellation pratique ou ethnique, un Québécois honoraire en quelque sorte. Car pour exprimer la réalité sociologique que les Canadiens-Français forment toujours (nous représentons tout de même un peu moins des 2/3 de la population), il est plus simple dans le quotidien, et entre voisins, de nous dire «Québécois». Le complément «francophone de souche» est alors implicite. À l’écrit cependant, il nous faut maintenant le spécifier pour préciser de qui on parle. Nous sommes au mieux des Québécois francophones. Vous mesurez toute la valeur de la québécitude : passer d’une nation qui défendait ses droits dans le Canada, à une communauté ethnolinguistique qui, avec largesse et esprit d’universalité, partage le seul Québec avec d’autres communautés. Qui sait, lorsque nous serons en minorité, nous serons peut-être récompensés de tant d’abnégation en étant affectueusement surnommés, les «Anciens Québécois». Plus caustiques, d’autres préférerons peut-être parler de nous comme de «bons souchiens».
Vous savez, si les anglophones et les allophones tardent à s’identifier au Québec, ce n’est qu’une question de temps, le temps que le Québec pluraliste fondé par le PQ leur ressemble davantage. Les ancêtres des Canadiens anglais eux-mêmes, ont longtemps refusé de se dire «Canadiens», tant que ce vocable se référait trop exclusivement à nous.
Quoi dire de plus? La québécitude, ses origines, la rupture identitaire qu’elle constitue, les changements démographiques et socio-politiques qu’elle induit, l’avenir qu’elle nous réserve, tout cela se place toujours dans l’angle mort du mouvement nationaliste-souverainiste, c’est un point aveugle, dont on ne discute pas. Tel un acte de foi, on considère que Québec nous est nécessairement favorable, qu’il nous faut par conséquent tout lui sacrifier et que les seuls responsables de notre déclin restent Ottawa et les fédéralistes.
Je vous suis donc reconnaissant d’avoir bien voulu échanger sur le sujet. Si j’ai pu faire comprendre que cela ne pouvait être aussi simple, ce sera ça de gagné.
Et si un jour on voulait réfléchir à une refondation de notre combat sur les droits nationaux des Canadiens-Français, je serais bien heureux d’en discuter avec vous.
Petite curiosité : Je préfère utiliser la graphie «Canadiens-Français», dominante au 19e, car «Canadiens français» n’a été imposée qu’aux lendemains de la Grande Guerre. L’adjectif qualificatif était alors jugé moins subversif, plus consensuel par les tenants d’un nationalisme pancanadien… Une quarantaine d’années tard, sous la plume de Bouthillette et de bien d’autres, ce qualificatif était désormais trop peu distinctif, si insignifiant qu’il dépréciait notre réalité nationale toute entière. Québécois, c’était bien plus fort… On connait la suite. Ah! La sémantique, on la néglige peut-être, mais nos adversaires eux, en ont toujours fait une arme.