Cupidité débridée

Crise mondiale — crise financière


De grands pans de l'économie nord-américaine sont menacés d'effondrement. Voilà où nous a menés la philosophie de privatisation et de déréglementation depuis la fin des années 1970.
Donnez au marché la liberté de fonctionner sans intervention indue du gouvernement, disait-on, et le jeu de la concurrence servira de contrepoids aux excès. Ce fut l'effet contraire. On a donné le feu vert à une cupidité débridée dont nous subissons aujourd'hui les conséquences.

Une croissance lente et ordonnée ne suffisait plus. Il fallait s'enrichir... et vite. On se souvient notamment de l'affaire Enron. L'entreprise gonflait ses profits, masquait ses dettes et falsifiait ses comptes pour augmenter sa valeur boursière, qui a effectivement bondi de 90 % en un an. Les dirigeants se payaient des salaires astronomiques, sans pour un instant se préoccuper des 20 000 employés qui seraient mis au chômage et des centaines de milliers d'Américains qui y perdraient leurs économies de retraite.
Bulle spéculative
Dans les années 1990, la croissance du secteur technologique a eu un effet enivrant. La valeur des portefeuilles augmentait à une vitesse vertigineuse, la spéculation l'emportant sur une froide analyse de la valeur réelle des entreprises. Le résultat ? Avec l'éclatement de la bulle technologique en 2000-2001, la valeur de l'action de Nortel a chuté de 124 $ à moins d'un dollar, engloutissant des milliards de dollars en épargne. Le scandale qui en a résulté a jeté plus de lumière sur les pratiques financières de sociétés comme Nortel.
Plus récemment, la crise de l'immobilier aux États-Unis a encore une fois mis en vitrine les effets d'un appât du gain sans frein.
De grandes institutions financières, flairant un bon coup, ont autorisé des prêts hypothécaires à taux de départ réduits, suivis de taux d'intérêt plus élevés que ceux du marché, à des clients à risque.
Des milliers de foyers n'ont pu payer les taux relevés, les maisons ont été réappropriées, leur valeur a diminué et le crédit s'est resserré. Les séquelles se font toujours sentir à Wall Street avec les faillites de banques et de grandes sociétés d'investissement (dont Lehman Brothers). Encore une fois, on a misé sur des valeurs gonflées pour garnir ses coffres, avec un effet désastreux à plus long terme.
Rencontre au sommet
Que faut-il penser d'un système qui permet à des dirigeants de banques d'investissement, spéculateurs et présidents de grandes entreprises de jouer - et de perdre - les économies du public, parfois de manière frauduleuse, puis de prendre leur retraite avec des millions de dollars en primes ?
Hier, en pleine crise de confiance, les deux principaux candidats à la présidence - Barack Obama et John McCain - ont rencontré le président Bush pendant que les législateurs américains apportaient la touche finale à un programme de sauvetage de 700 milliards de dollars - dont rien ne garantit qu'il aura l'effet espéré.
Surveillance accrue
Washington semble au moins avoir tiré quelques enseignements de la crise. En vertu du programme d'assistance, le gouvernement américain pourra acquérir des actions dans les entreprises qui recevront une assistance financière.
L'État pourra ainsi surveiller plus étroitement leur fonctionnement et remettre une partie des profits aux contribuables américains. L'époque de privatisation des profits et de nationalisation des dettes, pour employer l'expression de Nancy Pelosi, leader démocrate au Congrès, semble remise en question pour ne pas dire, révolue. Tant mieux.
Par contre, la cupidité continue de très bien se porter, même au Canada.
Les prix excessifs et taux d'intérêt quasi usuriers n'ont pas disparu. Quand un citoyen commet un vol, il risque l'amende et la prison. Mais quand des banques et des pétrolières font des profits scandaleux, quand de grands magasins imposent des taux d'intérêt de 28 % à leurs détenteurs de cartes de crédit, quand des pharmaceutiques vendent des médicaments à prix exorbitants, elles agissent en toute impunité. On prépare déjà la prochaine crise...
pallard@ledroit.com


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