Dans le Canada, le Québec n’est pas libre

La crise de régime viendra

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La loi 21 fait ressortir les contradictions du fédéralisme canadien


Comme on pouvait s’y attendre, le débat autour de la laïcité ne s’est pas terminé avec l’adoption de la loi 21. Non pas parce que les Québécois veulent le poursuivre, mais parce que le cadre politique et constitutionnel dans lequel ils évoluent limite considérablement leur liberté collective. En d’autres mots, le régime canadien les enserre et limite leur liberté collective. On le voit ces jours-ci avec la charge du Canada anglais, qui en appelle explicitement à ce que le régime canadien milite ouvertement contre la loi 21, pour la jeter par terre. On le voit aussi avec la contestation de la loi devant les tribunaux – la juge Nicole Duval Esler représente de manière caricaturale un gouvernement des juges militants, qui ne fait même pas semblant de se dissimuler derrière la prétendue objectivité du droit. On l’a vu en cours cette semaine: son opposition à la loi 21 est ouverte est affichée – elle n’a jamais fait mystère de ses convictions, cela dit. Et bien évidemment, dans son esprit, sa légitimité est supérieure à celle des élus de l’Assemblée nationale. 


On retiendra une chose de cette séquence: le Québec peut bien se faire croire qu’il dispose d’une grande autonomie collective malgré son appartenance à la fédération, qui serait essentiellement non-contraignante, on sait bien que c’est faux. Dès que les choses se corsent, il doit prendre son trou. C’est le régime canadien qui détermine l’espace dont dispose le Québec, et si ce dernier entend mettre de l’avant son propre modèle d’organisation de la vie civique, dans une perspective qui ne reflète pas l’idéologie canadienne officielle, il sera combattu. Aucun gain n’est définitif dans la fédération, comme en témoigne l’histoire de la loi 101. Le Québec peut toujours légiférer dans le sens de ses intérêts, il est constamment ramené à la réalité de sa subordination politique. Il se pourrait, de ce point de vue, que nos autonomistes découvrent très rapidement qu’on ne peut pas vraiment s’affirmer sans se séparer. Le destin du Québec, dans la fédération, est la soumission. Le Canada refusera toujours de le voir pour ce qu'il est : l'État national du peuple québécois. 


Que se passera-t-il si les tribunaux invalident la loi 21? Le gouvernement Legault décidera-t-il de les défier au nom de la démocratie? Si oui, il s’engagera dans une crise de régime qui tôt ou tard, l’amènera à remettre en question le lien fédéral et à plaider pour une réhabilitation de la souveraineté populaire. Il ne souhaite assurément pas aller jusqu’à la crise de régime. Mais si la décision démocratique du peuple québécois est suspendue d’une manière ou d’une autre, il devra réagir de manière exceptionnelle, en se montrant à la hauteur de l’enjeu. Il aura contre lui l’essentiel du commentariat, le milieu juridique, le Canada anglais: il aura avec lui le peuple. S’il se soumet, un espace politique se dégagera pour une alternative nationaliste refusant de se soumettre au régime canadien. Reste à voir si une force politique voudra occuper cet espace. Théoriquement, cela devrait être le rôle des péquistes. Mais sont-ils capables de surmonter leur malaise sur les questions identitaires et de sortir d’une vision désincarnée du nationalisme pour assumer clairement, et fermement, le conflit politique avec le régime? Cela reste à voir. 





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