De l'eau dans le gaz

La CPTAQ et le projet Rasbaska

Rabaska



Il fallait voir le ministre Claude Béchard hier, à sa sortie du Cabinet, pour comprendre à quel point l'avis négatif de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) sur le projet de terminal méthanier Rabaska, à Lévis, a ébranlé le gouvernement. On peut déjà prédire que Jean Charest donnera quand même le feu vert au projet. Mais l'avis de la CPTAQ pose un problème politique sérieux au gouvernement, qui jouissait pourtant de l'opinion favorable émise par le BAPE. Un autre Suroît, peut-être? Difficile à dire. Mais une nouvelle controverse, c'est évident.
Au fond, le gouvernement n'a que lui à blâmer si cet avis de la Commission vient donner de nouveaux arguments aux adversaires de Rabaska.
Le Conseil des ministres a trop attendu avant de la désaisir du dossier.
En vertu de la loi, le gouvernement avait le pouvoir de désaisir la Commission dès le mois de mars, lorsque la Ville de Lévis a demandé l'exclusion de la zone agricole des terrains convoités par Rabaska. Il lui aurait quand même fallu demander un avis de la CPTAQ, avis qui aurait été négatif. Mais en attendant jusqu'à l'automne, le Conseil des ministres a laissé aller les travaux de la Commission, qui a produit non pas une, mais deux opinions. Et celle d'hier est accablante parce qu'elle conclut que la Ville de Lévis et Rabaska ont échoué une seconde fois dans leurs efforts visant à démontrer que le terrain convoité est la seule option disponible.
Dans le pétrin
Le gouvernement Charest n'aurait pas été dans un tel pétrin s'il avait bougé dès que le BAPE a donné son aval au projet le 5 juillet, et avant que la Commission de protection n'émette sa première opinion le 20 septembre.
On pourra toujours prétendre que le Cabinet n'avait pas encore fait son nid, mais c'est douteux. Le gouvernement avait déjà exclu Rabaska des contraintes d'examen proposées dans sa Stratégie énergétique 2006-2015.
L'autre erreur gouvernementale est d'avoir présumé de l'avis de la Commission. Lors de sa conférence de presse annonçant la décision de soustraire ce dossier des mains de l'organisme, le ministre Béchard a soutenu que l'avis demandé ne serait pas un véritable avis, qu'il ne s'agirait en réalité que d'un "état de la situation". On imagine facilement la réaction interne de la CPTAQ, qui a toujours été très jalouse de son rôle de gardienne du territoire agricole.
Même si le président de l'organisme, Roger Lefebvre, est un ancien ministre libéral, la complaisance n'avait plus sa place après une telle déclaration. D'ailleurs, le gouvernement en a pris pour son rhume hier dans cette affaire.
L'avis de la Commission, qui était prêt dès vendredi dernier, n'a été transmis qu'hier matin, en plein milieu de la réunion du Cabinet.
Simple concidence?
Peut-être. Le ministre Béchard aurait sans doute préféré recevoir l'avis bien discrètement, mardi soir, question de préparer une réaction plus étoffée.
Le Cabinet voulait éviter que le projet ne soit paralysé devant les tribunaux en retirant le dossier à la CPTAQ.
Les adversaires du projet iront quand même devant les tribunaux si le gouvernement va de l'avant. Six cultivateurs de Lévis et de l'île d'Orléans comptent demander à la Cour supérieure de suspendre les travaux et de se prononcer sur la validité de la démarche gouvernementale.
Leur avocate, Me Guylaire Caron, a expliqué hier qu'elle entreprendra une démarche en "contrôle judiciaire" si le décret donne raison à Rabaska. Essentiellement, elle compte faire valoir que le gouvernement du Québec a privé ses clients de leur droit naturel de se faire entendre.
De l'eau dans le gaz? Non, du sable dans l'engrenage.
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