De la Chine à Assad, l’aventure c’est l’aventure

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L'importance géostratégique de la Syrie et du régime Assad


De la Chine à Assad, l’aventure c’est l’aventure



17 juin 2015 – Pour une fois, attardons-nous à une prospective assez audacieuse, qui se formule avec le titre «Un bloc militaire
eurasien va-t-il prendre forme pour combattre L’Armée de la Conquête lancée contre la Syrie ?
». L’auteur(e) est une dame Christina Lin,
qui n’est ni une amatrice, ni une rêveuse impénitente. Elle est chercheuse à l’université SAIS-John Hopkins, au Centre des relations
transatlantiques, après avoir été directrice de la politique chinoise au département de la défense (Pentagone). Elle a publié un livre qui
témoigne de son expertise chinoise qui lui est évidemment naturelle puisqu’elle est d’origine taïwanaise, La nouvelle Route de la soie :
la stratégie de la Chine dans le grand Moyen-Orient
. Sa spécialisation à cet égard porte sur l’évolution stratégique de la Chine, non
pas dans le cadre asiatique/Pacifique mais à l’inverse, dans le cadre eurasien et par rapport au monde moyen-oriental ; donc,
l’évolution de l’Eurasie qui nous concerne directement puisque la Russie y est partie prenante avec la question tchétchène, – la Russie qui
est l’objet d’une crise fondamentale avec le bloc BAO à propos de l’Ukraine.



Sur son blog de Times of Israel et à la date du 13 juin
2015
, Lin publie un article intitulé “Assiste-t-on à l’émergence d’un bloc militaire eurasien pour combattre l’‘Armée de la Conquête’ en
Syrie ?”. Ce texte précise de façon dramatique l’intérêt que Lin, en tant que spécialiste des affaires chinoise et eurasienne en connexion
avec le Moyen-Orient, porte à la situation spécifique des rapports de la Chine avec la crise syrienne, et cela dans un contexte que nous
qualifierions par exemple d’“eurasien-élargi” ; c’est-à-dire, un contexte marqué par la proximité nouvelle de la Chine avec la Russie,
des relations de l’Eurasie avec l’Iran qui est sur le point de changer de statut avec la fin possible des sanctions, tout cela impliquant
les divers pays rassemblés pêle-mêle dans diverses organisations, essentiellemet les organisations telles que la SCO (Organisation de
Coopération de Shanghai, ou OCS en français), la CSTO (l’Organisation du Traité de Sécurité Collective) rassemblant au départ les anciennes
républiques de l’URSS, voire les BRICS. Tout cela est écrit dans la perspective désormais très proche des réunions de la SCO et des BRICS,
en juillet en Russie. L’idée centrale de Lin porte sur l’intérêt inquiet de la Chine pour la situation syrienne, en cas de chute d’Assad, –
avec la crainte qu’une chute d’Assad conduisant à une prise du pouvoir par des djihadistes et une certaine “stabilisation” de la crise
syrienne “libèrent” des combattants de cette nébuleuse pour des expéditions vers l’Eurasie et notamment vers la province chinoise musulmane
du Xinjiang. (La même logique, aussi bien d’inquiétude et de tension concerne la Russie vis-à-vis de la Tchétchénie, voire l’Inde vis-à-vis
du Cachemire, – nous sommes bien dans le contexte de l’Eurasie.)



Dans un article précédent, le 12 mai
2015
, Lin avait développé le point particulier de l’intérêt de la Chine pour la crise syrienne, et la tendance de cette puissance à
défendre Assad contre ses ennemis djihadistes. A ce propos, Lin impliquait la Turquie, principale instigatrice avec l’Arabie de l’assaut
djihadiste contre Assad, constatant ainsi un “antagonisme objectif” entre les Chinois et les Turcs. Cet antagonisme a des racines plus
profondes, qui concerne la population des Ouïghours, musulmane sunnite et
turcophone, habitant le Xinjiang et ayant des revendications à cet égard, au travers de l’organisation TIP (Turkistan Islamic
Party
) , avec des perspectives qui emplissent de terreur le pouvoir central chinois. Il y a donc un vieux contentieux entre Erdogan
lui-même et les Chinois, concernant d’une part les ambitions nécessairement mégalomanes du premier et les inquiétudes évidemment
obsessionnelles des seconds, tout cela par rapport au Xinjiang et aux Ouïghours...



«Back in 1995, while Erdogan was mayor of Istanbul, he named a section of the Sultan Ahmet (Blue Mosque) park after Isa Yusuf Alptekin,
leader of East Turkestan independence movement and China’s archenemy in the 1990s. After Alptekin’s death, Erdogan erected a memorial in the
park to commemorate Eastern Turkistani Sehitlerinin, or martyrs, who lost their lives in the “struggle for independence.” In 2009, bilateral
relations reached a nadir when
[Erdogan] labeled Chinese crackdown in Xinjiang as “genocide” and in 2014, AKP’s mouthpiece Daily
Sabah began to be used as a platform for similar anti-Chinese rhetoric.



»Moreover, a July 2014 article challenged the legitimacy of China’s claims over Xinjiang and featured the vice president of World Uyghur
Congress announcing, “East Turkestan issue is under Turkey’s responsibility.” Ankara further challenged Beijing’s authority over Chinese
Uyghurs when in November it offered to shelter illegal Uyghur refugees caught in Thailand, prompting China’s quick rebuke for Turkey to stop
interfering in China’s internal affairs and supporting “illegal immigration…
[that] harm security of the relevant countries
and regions.”
»



Dans ce texte, Lin appréciait la Turquie comme étant, aux yeux des Chinois “le Pakistan d’un Afghanistan que serait la Syrie”, organisant un
flux constant de nouveaux combattants djihadistes avec la fourniture de toute la logistique nécessaire er la profusion de faux passeports
turcs, certains de ces combattants venus du Xinjiang en tant que fidèles Ouïghours, pour alimenter l’“Armée de la Conquête” anti-Assad dont
les Turcs sont, avec les Saoudiens, les principaux pourvoyeurs et qui rassemble un patchwork de diverses organisations djihadistes. Lin
signale, dans un autre article, du 1er juin
2015
, que cette “Armée de la Conquête”, qui est l'objet d'une grande hostilité de la part de Dash/ISIS parce qu’elle est formée
d’entités nationales qui s’affirment comme telles, contre l’organisation islamiste fondamentale qui caractérise Daesh, a le
potentiel de devenir elle-même un autre “État Islamique”. Parmi ces références “nationales”, on trouve le TIP des Ouïghours du
Xinjiang.



«On April 25, 2015 a coalition of rebel forces led by al-Qaeda affiliate Jabhat-al-Nusra (JN), Chinese Uyghur-led Turkistan Islamic
Party (TIP), Uzbek-led Imam Bukhari Jamaat (IBJ) and Katibat Tawhid wal Jihad, defeated the Syrian army at Jisr al-Shughur in northwestern
Syria’s Idlib governorate. According to a recent Terrorism Monitor article, with the Turkey-Qatar-Saudi backed rebel coalition having a
direct supply line open from Turkey’s Hatay Province to Idlib, the “rebels may have enough resources to establish a de-facto state in
northwestern Syria led by JN and supported by several Central Asian militas.” This corroborates with the recently released 2012 DIA report
that Turkey and Arab Gulf states wanted to create a Salafist statelet in Syria to apply pressure on the Assad regime.
»



»The de facto state, which ISIS condemns for allowing jahliyya (Pre-Islamic) symbols alongside Islamic ones—such as the blue nationalist
flag of “East Turkistan” and flag of the Free Syrian Army—would now pose a security threat to China and Central Asian countries as a safe
haven for militant groups to launch attacks in the home front. Indeed Chinese militant groups ETIM and TIP had used AfPak as launching pads
for terrorists attacks against China, and now Syria/Turkey is what Beijing views as their new AfPak.
»



Depuis 2012, les Chinois sont intervenus à plusieurs reprises auprès des Turcs et d’Erdogan directement pour faire cesser ces pratiques qui
établissent un lien fâcheux (pour les Chinois) entre le conflit syrien et les grandes régions d’Eurasie, mais tout cela sans beaucoup de
succès. Il est difficile de faire changer d’avis Erdogan car il se charge lui-même de cette besogne, et dans tous les sens.



L'on est évidemment conduit à penser qu’il ne ferait guère de doute que cette situation sera un des grands sujets d’entretien des réunions
de juillet en Russie, où l’Inde et le Pakistan, et sans doute l’Iran, devraient être admis comme nouveaux membres de la SCO. Lin ne recule
plus désormais devant l’image de la SCO se constituant en “OTAN de l’Est”, concept jusqu’alors écarté en général, et surtout, et avec la
plus grande vigueur, par les Chinois ... Mais la situation évolue très vite et la SCO devient un formidable rassemblement de producteurs
d’énergie, une structure naturelle pour soutenir le grandiose projet de “Nouvelle Route de la Soie” de la Chine et, surtout, un instrument
militaire promis à une coopération, sinon une intégration militaire (du point de vue technique) grandissante si les perspectives
d’affrontement dues à l’immense désordre moyen-oriental menacent de déborder ce cadre. La nouvelle ontologie belliciste instaurée par
ISIS/Dash passant du terrorisme à la constitution en État Islamique, imitée éventuellement par le projet éventuellement concurrent
de Dash des autres organisations djihadistes de l’“Armée de la Conquête”, transforme à mesure les ripostes militaires. La SCO, qui
prévoit une collaboration active dans la lutte contre le terrorisme, devrait voir cette collaboration anti-terroriste envisager une
évolution vers une collaboration militaire du type-OTAN, à mesure de l’affirmation de la transformation des terrorismes en structures à
prétention étatique...



Lin poursuit dans cette voie : «With new nationalistic leaders of Putin, Xi and Modi at the helm, Moscow, Beijing and Delhi are
setting aside their strategic rivalry in the Eurasia heartland. and in May announced they would conduct their first joint counter-terror
exercise later in the year—united by the common threat of ISIS and radical Islam destabilizing their homeland. During the same month China
and Russia also conducted “Joint Sea 2015” naval war games off the Syrian Coast, immediately followed in June by Egypt and Russia’s
“Friendship Bridge 2015” naval exercise near Egypt’s Port of Alexandria, where Russia is eyeing to establish a new naval
base.



»Now Egypt and Syria have also expressed desire to join fellow SCO states to combat political Islamists and Salafi Jihadists of Muslim
Brotherhood, al Qaeda affiliates, ISIS, ETIM and TIP that threaten to destabilize their countries. Back in January, there had been debates
for bringing Syria into the SCO fold to counter NATO/Western-backed schemes of replacing Assad with Salafists, and prevent a potential
Islamist Damascus to export extremism and radicalize these Eurasian states large domestic Sunni Muslim population.



»In a July 2014 summit in Tashkent, China-led SCO also considered merging with the Russian-led military alliance of Collective Security
Treaty Organization (CSTO), since most of their members overlap. From 2012-2015, Iran, Egypt and India held talks with CSTO on observer
status and possible membership, with Iran currently having the status of a candidate country. With ISIS’s rapid expansion and aspirations to
conquer SCO territory, along with NATO member Turkey and Arab Gulf states’ backing of al Qaeda and Salafi jihadists, this may become the
hook in the jaw of Eurasian powers and lead them to the frontline of battle against radical Islam in Syria and Iraq.



»SCO already conducts joint military exercises similar to NATO, under the moniker of Peace Mission. Last August, SCO members conducted a
large-scale counter-terror exercise to repel “foreign-backed separatism” in Inner Mongolia involving 7,000 troops, with little western press
coverage. While SCO has hitherto been an internal collective security bloc and not a collective defense alliance targeted at external
threats, given the evils of “terrorism, extremism and separatism” are increasingly emanating from outside their territory, SCO is now
looking outward.



»Should SCO and CSTO merge to become a Eurasia military alliance to combat terrorism, could they eventually provide boots on the ground
to Syria and Iraq? In 2012 there were rumors that China, Russia, Iran and Syria were planning a large-scale war game involving 90,000
troops. If Iran and Syria both join the SCO fold, perhaps this exercise may come to pass as the new SCO Peace Mission 2016.



»China fought Turkey in the Korean War from 1950-1953 when Beijing’s redlines were crossed. One ponders if Turkey using Syria to recruit
Uyghurs and spur Xinjiang separatism would provoke the Chinese dragon once more. Moreover, if Iran joins a collective military alliance,
this may also foreclose future US and Israeli military option against its illicit nuclear program.



»Perhaps, US and NATO would do well to advise its Turkey and Arab Gulf allies to stand down on this jihadi Army of Conquest and focus on
combating ISIS, rather than sabotaging the US-led anti-ISIS coalition and provoke Eurasian nuclear states to escalate a counter-terror
operation into a great war among superpowers.
»

Une SCO pour la “projection de force” ?



Pourquoi cette prospective-là et pas d’autres  ? Il y a bien des scénarios possibles, certes ... D’abord, madame Lin montre une solide
érudition et une expertise à mesure, qui la démarque en se dégageant de la narrative courante chez les “experts” du bloc BAO bien
qu’elle soit passée au Pentagone et qu’elle fasse partie du monde académique US. (Il est d’ailleurs assez remarquable de voir Christina Lin
disposer d’un blog publiant de tels articles sur un site comme Times of Israel, en suivant une ligne de réflexion qui est
plutôt favorable, d'ailleurs selon une saine logique plus qu'un parti-pris, à la Syrie d’Assad, à l’axe sino-russe, aux rassemblements
eurasien et de type-BRICS. Ce ne sont pas des “lignes” en odeur de sainteté, non plus que la “saine logique”, dans les milieux qu’on évoque
ici.)



Ensuite, il y a une description prospective qui est exposée, qui est certainement intéressante. Il s’agit de l’effet de ce phénomène de la
transformation du fait terroriste, ce que nous désignions plus haut par la remarque “passant du terrorisme à la constitution en État(s)
Islamique(s)”, c’est-à-dire le passage de la structure volontairement informelle du terrorisme vers une structure formelle appelant à la
souveraineté de la constitution étatique. Cette évolution se fait selon un complet paradoxe, puisque la politique prônée et les actes
impliqués rassemblent des éléments d’une politique expressément voulue comme radicale et irrationnelle par rapport aux pratiques courantes,
et d’une sauvagerie complète dans les actes, – toutes choses que n'appellent guère les structures en général apaisées et à prétention
rationnelle d'un Etat, – mais il y a des exceptions... A nouveau et selon un même mouvement du même paradoxe, ces politiques et ces actes
sont l’objet d’une promotion qui utilise tous les moyens du système de la communication, les moyens les plus modernes tant pour
l’information que pour la promotion et la publicité. Ainsi, ce qui était traditionnellement secret, dissimulé, camouflé, qui concerne les
pratiques du terrorisme (alors que les effets du terrorisme étaient, eux, l’objet d’une large publicité du fait de la simple évidence des
dégâts et des pertes occasionnés), deviennent l’objet même d’une mise au grand jour ostentatoire, comme s’il s’agissait ainsi d’affirmer une
souveraineté tout de même bien problématique.



L’effet possible de cette évolution qui reste d’abord un phénomène de communication, c’est de transcender le phénomène du terrorisme, de le
hausser au niveau d’un affrontement où les États eux-mêmes sont concernés. C’est le phénomène que décrit implicitement madame Lin,
lorsqu’elle évoque cette possibilité que des partenaires aussi puissants mais également généralement très prudents que sont
la Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran, puissent envisager des projets de manœuvres qui pourraient se transformer en forces d’intervention, ou
d’interposition, dans le cours même de leur déroulement, et cela sur des théâtres d’opération très lointains. C’est ce qui est impliqué, au
travers d’une organisation telle que la CSO, jusqu’alors cantonnée avec la plus extrême prudence, – essentiellement par la volonté chinoise,
– dans le seul champ du terrorisme pour la coopération d’ordre sécuritaire ... Mais puisque le terrorisme change de constitution... Il
s’agit d’un changement révolutionnaire qui est ici évoqué, puisqu’il est question de ce que les USA nomment la “projection de forces”.
Alors que la SCO avait été jusqu’ici conçue comme un bloc pour la sécurité collective intérieure et non comme une alliance collective
contre des menaces extérieures, du fait que les menaces de “terrorisme, extrémisme et séparatisme” émanent de plus en plus d’en-dehors des
territoires de ses membres, la SCO est conduite à envisager de plus en plus à agir vers l’extérieur.
»)



Cette évolution, qui n’est pour l’instant que de simple communication basée sur une prospective restant aléatoire, implique une
transformation fondamentale de la SCO vers ce que le bloc BAO, – quand il s’avisait de son existence, – identifiait par habitude
d’exagération de la menace effectivement comme “une OTAN de l’Est”, ce qu’elle n’était en aucune façon. Le scénario qui nous est exposé
change complètement la donne, – mais non pas la donne de la réalité, ou même d’une vérité de situation, mais la donne de la communication à
cause de la perception. Il n’empêche, c’est bien suffisant dans une époque totalement dominée par la communication, et il est probable qu’on
commencerait à s’apercevoir que des navires chinois croisent dans des mers qui leur étaient bien étrangères, et que des manœuvres
inhabituelles ont lieu, – successivement des manœuvres russo-chinoises puis russo-égyptiennes dans une zone proche de la Syrie, – avec même
la possibilité que l’idée de faire d’Alexandrie une base logistique pour la flotte russe ne ressurgisse. (La mention de l’Égypte dans ces
diverses agitations, ce qui correspond à l’option anti-djihadiste maximaliste de Sisi, n’est pas non plus un fait inintéressant bien qu’il
s’avère parfaitement logique ; il participe à l’extension du domaine déjà fourni de la diversification de la situation, d’autant que
l’Égypte entretient les meilleurs rapports avec quelques-uns des sponsors attitrés de diverses entités djihadistes, islamistes,
etc.)



Des conséquences diverses, nombreuses et inattendues sont possibles, devant ce qui se dessine comme étant une sorte d’expansionnisme
forcé
d’un groupe de pays représentant la puissance montante mais qui s’était juré que cette puissance montante resterait dans le
cadre contrôlé et raisonnable de l’économie, de la diplomatie bien tempérée, etc. Toujours au niveau de la perception, une telle évolution,
attendue et déjà considérée presque comme un fait stratégique alors qu’on est au stade de la supputation, modifie également la situation
dans l’axe eurasien vers l’Ouest. Il serait en effet difficilement envisageable que de tels bouleversements potentiels n’aient pas des
effets au niveau de la crise centrale, européenne mais aussi eurasienne, et de plus en plus eurasienne en même temps que de plus en plus
européenne, que constitue la crise ukrainienne qui s’étend dans tous les sens. Il y a eu des incursions, sinon la présence structurée de
terroristes tchétchènes au côté des forces de l’Ukraine-Kiev contre les séparatistes du Donbass, sinon contre la Russie, avec le lien
Tchétchénie-Ukraine qui formerait un triangle Tchétchénie-Ukraine-Moyen-Orient à cause de l’implication de terroristes tchétchènes sur ces
divers théâtres. Même si ce n’est qu’une possibilité spéculative (néanmoins substantivée par certains événements de l’affrontement
ukrainien), c’est un fait du point de vue de la communication et il ne peut laisser l’organisation SCO elle-même indifférente selon les
nouvelles conditions qu’elle affronterait. Ainsi, la chaîne crisique constituée essentiellement pour ce cas, il y a quatre ans, à partir des
pressions européennes contre la Syrie, pour des cause de pur affectivisme dans la
constitution de la politique suivie, reviendrait-elle vers l’Europe par une immense boucle passant par l’Iran, par la Chine, par la Russie
et par l’Ukraine. La dynamique crisique se joue des frontières et se rit des logiques géopolitiques dont les experts font si grand cas.



La situation prend des allures étranges, où la communication et ses innombrables excès ont un rôle considérable. Le régime d’Assad, cerné de
toutes part et que certains jugent aux abois, devient plus important que jamais, notamment pour ceux qui y voient un pôle de stabilité à
défendre, et parmi ceux-là éventuellement les pays de la SCO. Les pays du bloc BAO, complètement enfermés dans leurs promesses et leurs
anathèmes anti-Assad qui les font dépendre d’une élite-Système de la communication qu’ils ont éduqué dans ce sens, ne peuvent rien
entreprendre de sérieux contre la dynamique de transformation du terrorisme vers des entités à prétention étatique tant qu’Assad est au
pouvoir ; leur intérêt vital est d’empêcher à tout prix que cette transformation se fasse et ils ont fait dépendre une défense efficace
contre elle de la chute d’un régime dont le maintien est la meilleure arme contre cette transformation. Autour de ce tourbillon tournent des
éléments incontrôlés, on dirait des “électrons libres” dont nul ne sait où se trouve leur tête et où se trouve leur queue, jusqu’à croire
qu’ils sont sans queue ni tête, – qu’il s’agisse d’un Erdogan ou de cet objet étrange et de moins en moins identifiable qu’on nomme
“politique extérieure des USA”. Il n’y a aujourd’hui plus rien des caractères initiaux de la crise syrienne, qui est devenue un élément
d’une dynamique crisique contribuant à l’extension du désordre, et qui est de plus en plus nettement lié à l’élément européen et
eurasiatique qu’est la crise ukrainienne, par l’implication potentielle dont on a décrit ici la possibilité, des grands acteurs du monde
alternatif que sont la Russie et la Chine.



On attendra donc avec une certaine impatience les rendez-vous de juillet en Russie, à Ufa. On pourra mesurer les effets de tous ces
événements, des perceptions qui les précèdent ou les précipitent, des hypothèses et des prospectives qui les accompagnent, dans les
politiques et dans la structure des organisations concernées. Le sommet de la SCO tiendra dans aucun doute la vedette puisqu’il y a des
événements structurels d’ores et déjà quasiment acquis, avec l’entrée des nouveaux membres (Inde, Pakistan, éventuellement Iran). Mais cette
affirmation de la SCO, loin d’être une structuration d’un monde multipolaire remplaçant le monde unipolaire dépassé du temps de
l’hyperpuissance US, constituerait d’abord l’effet de l’extension du désordre crisique qui marque les relations internationales. Et encore
n’aurait-on sans doute rien vu, si une telle évolution (celle de la SCO) s’affirmait ou même s’esquissait ; c’est du côté des effets de
communication, des réactions des uns et des autres, dans une atmosphère où les psychologies ont déjà montré leur faiblesse, leur pauvreté et
leur vulnérabilité, qu’il faudrait attendre les plus grands effets et les effets imprévus ; il faudra guetter avec gourmandise et
tendresse les exclamations des pays du bloc BAO dans un état constant d'hyper-paroxysme, découvrant que l'Organisation de Shanghaï existe,
qu'elle s'étend, qu'elle prend ses aises, qu'elle devient l'“OTAN de l'Est”, – déniant ainsi à l'OTAN, avec quelle brutalité, sa vertu
d'exceptionnalité et d'exclusive unicité (l'OTAN vaut bien un pléonasme)...





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